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Ces grandes enseignes qui révolutionnent le secteur de la boulangerie

Ces dernières années ont été marquées par l’éclosion de grandes chaînes dans le secteur de la boulangerie. Ces entreprises innovantes ont su en moins de dix ans gagner de nombreuses parts de marché dans un secteur fortement concurrentiel, au point de voir émerger quelques leaders incontournables. Quelles dont donc ces grands enseignes qui sont parvenues à révolutionner le secteur de la boulangerie ?

Paul

Fondée en 1889, la boulangerie Paul occupe la première place française en matière de points de ventes (plus de 500) et de salariés (10000 environ). L’entreprise appartenant au groupe Holder a su innover en développant sa chaîne de magasins centrée sur la fabrication et la vente de pain, tout en élargissant ses services à la restauration rapide et à la sandwicherie. L’enseigne est présente à ce jour dans plus de 30 pays, aussi bien en Europe qu’en Afrique, en Amérique et en Asie. Elle compte plus de 200 franchises uniquement en France. Son chiffre d’affaires est estimé à 340 millions d’euros.

Le Pain Quotidien

Cette chaîne de boulangerie créée à Bruxelles en 1990 connaît également un important succès, en se positionnant sur le créneau des produits biologiques. Son fondateur Alain Coumont a réussi à développer le groupe en Belgique, puis à conquérir le marché américain à partir de 1997. Depuis les années 2000, l’entreprise s’est recentrée sur la nourriture bio, qui représente actuellement plus de 75 % de ses produits vendus en magasin. Comptant dix établissements uniquement à Paris, le groupe se développe dans les grandes villes françaises et sur les marchés émergents comme au Brésil ou à Singapour, pour un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros.

Marie Blachère

Cette enseigne de boulangerie traditionnelle a été fondée en 2004. Son positionnement consiste à défendre la fraîcheur des produits et à proposer à ses clients des promotions avantageuses tout au long de l’année. En à peine une décennie, le groupe est devenu l’un des principaux noms de la boulangerie française, avec plus de 150 boutiques en propre. L’enseigne joue la carte de la proximité et vante les qualités artisanales de sa production, dont sa baguette traditionnelle. Elle ne communique pas son chiffre d’affaires mais on l’estime supérieur à 250 millions d’euros.

Pétrin Ribeïrou

Ce réseau de boulangerie mise lui aussi sur les méthodes traditionnelles pour se faire connaître auprès du grand public. L’entreprise a été créée en 1991 par Jean-Pierre Séguy et a connu tout de suite un fort développement avec ses pains maison, ses nombreuses pâtisseries et surtout son système de franchise. En 2011, après des démêlés judiciaires avec d’anciens franchisés, l’enseigne a décidé de se développer uniquement via ses propres succursales. Son chiffre d’affaires dépasse actuellement les 50 millions d’euros.

Le Grenier à pain

Depuis sa fondation en 1998 par Michel Galloyer, cette chaîne de boulangeries connaît un succès croissant. La volonté du groupe a été de rapidement s’internationaliser afin d’exporter le savoir-faire français dans le monde. Avec plus de trente magasins en France et une vingtaine à l’étranger (Japon, Chine, Russie, Roumanie, Liban, etc.), l’enseigne réunit plus de 300 salariés, dont 70 apprentis. Depuis 2010, son chiffre d’affaires, en hausse, a passé la barre des 20 millions d’euros.

L’entrepreneur à l’écoute des audioprothésistes

Xavier Aumont, 50 ans, est le fondateur d’Archean Technologies, qui développe depuis janvier 2005 des solutions de sonorisation des lieux publics. 

Après un diplôme en Système Electronique et Automatisme, Xavier entame un parcours professionnel au sein de grands groupes comme Elis, LaPoste et Tyco, où il occupe différents postes de chef de produits et de directeur technique.

Mais, passionné de R&D, d’innovation et de solutions techniques, il se sent un peu à l’étroit en tant que salarié et décide de se tourner vers l’entrepreneuriat. « Aujourd’hui, après 11 ans de création de boîte, je me rends compte que j’ai un profil d’entrepreneur » explique-t-il. « Je n’ai pas pu faire ce que je voulais au sein de grands groupes. » Au contact de ses clients de l’époque, il remarque qu’il existe une forte demande de modernisation dans le secteur de la sonorisation des lieux publics. Les solutions existantes sont anciennes et les clients attendent des technologies beaucoup plus fonctionnelles que celles présentes sur le marché. En 2005, Xavier passe le cap et crée son entreprise pour répondre à ce besoin. C’est la naissance d’Archean Technologies.

Progressivement, l’entreprise se structure et le fondateur construit une offre européenne complète en matière de sonorisation. Cette dernière arrive à maturité en 2013. Cette année-là, l’entrepreneur identifie un besoin supplémentaire. « Avec le vieillissement de la population, les besoins en appareillage auditif sont en constante augmentation » explique-t-il. « La perte d’audition liée à l’âge concerne jusqu’à 50 % des personnes âgées de plus de 50 ans. Dans ce cadre, s’appareiller est essentiel, car cela permet à la fois de préserver une qualité de vie et les fonctions cérébrales. »

L’entrepreneur imagine alors CarlW, un nouvel outil de mesure  qui permet à l’audioprothésiste de qualifier rapidement et précisément le réglage d’une prothèse auditive. Ce nouveau système remplace les tests de répétition de mots qui sont peu fiables, longs et fatigants pour les personnes âgées. L’appareil de mesure utilise les dernières technologies de reconnaissance vocale et les résultats d’études comportementales.

« Nous avons remporté un concours régional au démarrage, ce qui nous a permis de fédérer un consortium de chercheurs qui nous ont rejoints  pour trois ans de R&D » détaille Xavier, qui vient d’entamer la phase d’industrialisation du système, dans le but de développer un prototype qui sera commercialisé à la fin de l’année 2016. Un jeune docteur en Sciences du Langage vient de rejoindre l’entreprise et de nouveaux emplois durables devraient être prochainement créés. « L’assureur Aviva, dans le cadre de son appel à projets La Fabrique Aviva, a souhaité récompenser notre projet en nous apportant un soutien financier de 50 000 €. » raconte Xavier. « Cette récompense devrait pouvoir nous permettre d’embaucher rapidement deux personnes, au développement et au marketing. » conclut-il.

Interview de Fanny Moizant, Cofondatrice de Vestiaire Collective

Fanny Moizant est la cofondatrice de Vestiaire Collective, un site de revente de vêtements et d’accessoires de mode et luxe d’occasion. Le site, lancé en octobre 2009, est aujourd’hui implanté dans cinq pays différents, dont les états-Unis. Le temps d’un entretien, elle nous a ouvert les portes de son parcours et de sa réussite entrepreneuriale. Rencontre.

Quel a été votre parcours professionnel juste après vos études ?

Je possède une trajectoire relativement classique. J’ai fait une école de commerce à Reims puis mes premières armes en tant que stagiaire dans le domaine de la mode chez Dim ou encore John Galliano. Au-delà de mon goût personnel pour cet univers, ces expériences m’ont d’ailleurs donné très envie de me lancer dans la mode ! Mais en sortant d’école en 2001, je me suis rendu compte que le marché était très tendu et qu’il demeurait difficile d’obtenir un poste de chef de produit. D’autant que je n’étais pas spécialement attirée par le milieu du luxe qui, lui, fonctionnait bien. J’ai donc saisi l’opportunité de travailler pour une société de décoration. Il s‘agissait d’un groupe dans lequel je travaillais au marketing. Je m’adressais aux grandes enseignes de distribution. Il s’agissait d’une excellente école, mais les produits ne me correspondaient pas. Pendant les six ans où je suis restée dans l’entreprise, il a fallu que je m’extraie de mon schéma personnel afin de bien comprendre mon audience et ma cible pour bien faire mon travail.

Que s’est-il passé après cette expérience ?

J’ai fait un break professionnel pour élever mes enfants. En trois ans, j’ai eu deux petites filles. Entre mes deux grossesses, j’en ai profité pour m’inscrire en master à l’Institut Français de la Mode (IFM). Il s’agissait d’un bon moyen pour retrouver ce secteur que j’avais un peu quitté. En France, tout est tellement cloisonné qu’il a fallu que je repasse par cette étape pour regagner de la crédibilité sur le marché. En parallèle, je pense que je portais secrètement en moi la volonté de lancer un jour mon propre business. Je viens moi-même d’une famille d’entrepreneurs. L’étincelle est donc arrivée à ce moment-là. Le désir de revenir dans la mode était très fort et j’ai identifié l’entrepreneuriat comme un bon moyen d’y parvenir.

Une famille d’entrepreneurs ? C’est-à-dire ?

Mes parents étaient commerçants, ils ont toujours développé leur propre business. Ma mère a géré de nombreuses boutiques pendant mon adolescence et je l’ai toujours énormément secondée. Je me situais donc déjà un peu au confluent de la mode et du business. J’ai toujours entendu mes parents parler de leurs soucis liés à l’entrepreneuriat. La prise de risque et l’engagement permanent dans son travail sont progressivement devenus des notions familières. Inconsciemment, cela m’a beaucoup marquée. Mon frère est également entrepreneur, car il a monté plusieurs sites internet avant de se consacrer à une carrière dans le milieu High-Tech, chez des pontes comme Google, Microsoft, etc.

Pourquoi ne pas avoir entrepris directement en 2001, à la sortie de l’école ?

Je ne me sentais pas formée, trop jeune et immature. J’avais besoin de me confronter au monde du travail, d’apprendre la pratique d’un métier. Après 6 ans dans le milieu professionnel et l’expérience de la maternité, qui m’a apporté une forme de maturité, je me sentais prête à mener mes propres projets.

Après votre congé maternité, pourquoi ne pas être tout simplement retourné au salariat ?

J’étais une salariée contente d’apprendre et de progresser, mais j’avais envie de travailler avec des personnes qui m’inspiraient, me correspondaient, avaient les même besoins et les mêmes attentes. En plus de cela, je ne voulais en aucun cas revenir dans un schéma classique, dépendant des horaires, d’un cadre plus ou moins strict et imposé. J’avais envie d’un mode de vie différent, de mieux maîtriser mon temps et mon énergie pour gérer ma nouvelle vie de maman au mieux. Entre nous, c’est un véritable leurre ! Mais à l’époque, j’associais l’entrepreneuriat à la liberté.

Ce n’est pas le cas ?

Il y a effectivement une liberté certaine dans l’entrepreneuriat. Mais la réalité, c’est que l’on travaille deux à trois fois plus qu’un salarié classique et que le travail ne s’arrête pas à la porte du bureau. L’entrepreneuriat constitue un sentiment de liberté mêlé à un niveau de responsabilités très fort. à l’inverse, l’entrepreneuriat charrie avec lui son lot de passion et vous apporte une satisfaction permanente. C’est extrêmement galvanisant de se dire que l’on a créé une aventure et qu’on la développe en permanence. En ce qui concerne Vestiaire Collective, je suis particulièrement fier d’avoir créé près de 200 emplois en France et à l’international. L’entrepreneuriat, c’est un mélange de tout cela : liberté, responsabilité et fierté.

Concrètement, comment a émergé ce désir de création ?

Cela m’est venu à l’esprit lors d’un cours de création d’entreprise donné à l’IFM. Vous savez, on a beau porter l’envie de lancer un projet, l’éternelle question que chaque créateur en herbe se pose reste : « qu’est-ce que je vais faire, dans quoi vais-je me lancer ? » Le professeur de ce cours nous avait donné une petite astuce. Pour trouver une idée, il nous a conseillé de travailler sur nos insatisfactions. Concrètement, il nous a invités à noter tous les jours sur un petit carnet les petits problèmes de la vie quotidienne, ce qui nous frustre, nous agace, nous ennuie, ce qu’il nous manque, etc. En agissant ainsi, selon lui, nous deviendrions à même d’identifier des besoins, d’où peuvent naître des entreprises ! Le conseil m’a marquée. J’ai commencé à le mettre en pratique, jusqu’au jour où, en lisant un article de presse en 2008, je me suis renseignée sur les bloggeuses mode qui, pour pallier leur problème de consommation de mode, avaient commencé à revendre sur leur propre blog les vêtements qu’elles ne portaient plus. à titre de consommatrice, le phénomène m’intéressait, mais je n’étais pas prête à aller acheter car le processus me semblait complexe. Il fallait aller sur le blog tous les jours, envoyer un e-mail pour réserver la pièce, puis envoyer un chèque… J’ai identifié cette insatisfaction, et l’idée de proposer une seule plateforme pour donner de la visibilité à toutes ces filles me semblait un concept intéressant. L’idée de Vestiaire Collective est née à ce moment-là.

Racontez-nous la genèse de l’aventure entrepreneuriale.

Avant d’avoir cette idée, j’avais aussi pensé à des projets, notamment une idée autour de la réfléxologie, que j’ai eu à la suite d’un voyage en Asie. Mais je n’ai jamais développé une de ces idées, car je n’étais pas complètement convaincue et ne me sentais pas capable de mener le projet. En revanche, en identifiant le besoin qui s’apparentait à Vestiaire Collective, j’ai senti profondément à quel point j’étais convaincue par ce modèle, qu’il allait devenir porteur. Je n’avais aucun frein à m’y jeter à fond ! J’ai donc rassemblé les idées et commencé à construire un tout premier Business Plan. Je me suis mise à travailler très vite.

Sauf que tout ne s’est pas déroulé comme vous le souhaitiez…

Exactement. En réalité, par le passé, j’avais déjà soumis mes précédentes idées à mon frère qui avait systématiquement émis des « gentilles » critiques à l’égard de ces projets. Concernant Vestiaire, je ne voulais pas qu’il sabote l’idée, donc je n’ai pas voulu la lui soumettre. Au bout de quelques semaines de travail, sans être au courant de l’idée, il m’a mis en copie d’un e-mail en me présentant un ami, Sébastien Fabre, ex-salarié de chez Microsoft, qui lançait… exactement le même concept que celui auquel j’avais pensé ! J’ai eu un peu peur… Je ne voulais surtout pas lâcher l’idée. Il n’y avait pas trente-six solutions : soit nous devenions concurrents, soit nous nous associions. Nous nous sommes rencontrés, et le courant est très bien passé entre nous.

Vous avez donc débuté l’aventure Vestiaire Collective avec lui.

Tout à fait. à l’époque, il était déjà associé avec Henrique Fernandes et Sophie Hersan, et il travaillait avec Alexandre Cognard et Christian Jorge sur la partie technique du projet. La bonne nouvelle, c’est que j’apportais la touche marketing à tout ce petit groupe ! Ils étaient spécialisés en logistique, produit, business développement, technologie, mais pas en marketing ! Je leur ai apporté des idées nouvelles. Nous avons décidé de nous lancer ensemble et quelques mois après cette entrevue, nous avons lancé un site internet. Au départ, il s’appelait « vestiaire de copines ». C’est un nom fantastique pour attaquer le marché Français. Mais lorsque, un an et demi plus tard, nous nous sommes rendu compte que nous avions une partie de notre business qui venait de l’étranger de manière organique, il a fallu se développer à l’international. Nous avons réalisé qu’une place de marché n’avait pas vocation à rester focalisée sur la France. Nous avons tout de suite traduit le site et ouvert notre premier bureau à Londres en 2012. La même année, nous avons changé de nom pour Vestiaire Collective.

Quel a été le parcours de financement ?

Nous avons levé de l’argent en « Love money » au départ, en 2009. Après une levée en amorçage avec Zadig & Voltaire en janvier 2010, nous avons fait entrer le fonds Ventech en juin, ce qui nous a permis de prendre les premiers bureaux, de recruter du personnel et de construire le business. En 2012, Balderton Capital nous a aidés à financer l’ouverture à l’international et à ouvrir nos premiers bureaux à Londres. Puis, Condé Nast et Idinvest sont entrés au capital en 2013, pour financer le départ aux états-Unis et l’ouverture de bureaux sur place en 2014. Plus récemment, en septembre 2015, le fonds Eurazeo nous a apporté son concours avec Idinvest. Au total, nous avons levé environ 64 millions d’euros depuis la création de l’entreprise.

Depuis 2013, vous vivez à Londres. Pourquoi ?

Entre 2012 et 2013, nous avons mis en place une équipe anglaise. Mais en 2013, la responsable de ce pôle a eu une belle opportunité et a rejoint les rangs de Pinterest. Avec ce départ, nous nous sommes rendu compte qu’il demeurait compliqué de diffuser notre ADN et notre savoir-faire à une équipe physiquement éloignée de Paris. Afin de développer le business de façon locale, nous avons pris la décision d’envoyer sur place un membre de l’équipe fondatrice. Je suis partie et j’ai récupéré la charge de la partie internationale de notre activité.

Quel est votre regard sur les différences entre le business en France et en Grande-Bretagne ?

En Angleterre, les gens sont plus orientés sur le business qu’en France. Cela facilite beaucoup de choses en tant qu’entrepreneur, dont le networking ! Il règne ici une énergie créatrice folle qui me donne la pêche. Côté management, c’est pareil. Lorsque je suis arrivée, j’ai managé les équipes avec mes travers de française, en leur spécifiant ce qui n’allait pas. Ils m’ont tout de suite remise à ma place en me disant qu’ici, on parlait d’abord de ce qui était bien réalisé, et qu’ensuite on évoquait les points à améliorer. En France, j’avais tendance à voir le verre à moitié vide. Ici, je le vois à moitié plein. Cela procure un dynamisme fou !

Comment fait-on pour faire accepter à son entourage cette expatriation ?

L’excitation de l’entrepreneur prend le dessus. à titre personnel, j’avais déjà donné à mes deux filles une ouverture à l’international, car elles faisaient partie d’une école internationale. J’avais, sans le savoir, préparé le terrain. J’ai vu cette expatriation comme une opportunité de faire connaître aux enfants une autre culture. En deux mois, nous étions installés à Londres. Mon mari continue en revanche à travailler à Paris, dans le domaine de la banque. Il n’a pas pu s’expatrier complètement, il partage son temps entre les deux villes.

Comment fait-on pour concilier efficacement vie professionnelle et vie personnelle ?

Il faut faire des concessions en permanence ! L’idée, c’est d’arriver à consacrer du temps, pas en quantité mais en qualité, à ses enfants et son mari, tout en jonglant avec le travail au quotidien. J’attache une grande importance à voir mes enfants un peu le matin et un peu le soir, je ne transigerai jamais là-dessus. Mais une fois qu’ils sont couchés, je me remets au travail. Le week-end, j’essaye de ne pas trop travailler. D’autant que nos deux filles doivent aussi composer avec un papa et une maman qui voyagent pas mal… Une de mes clés pour réussir à concilier les deux consiste à communiquer beaucoup avec mon mari et mes filles sur mon travail. Je leur parle de ma vie de tous les jours, et ils comprennent très bien mon quotidien.

Vous arrivez à déconnecter totalement ?

Non pas vraiment. Cela m’est encore très difficile. Mais j’y travaille (rires) !

3 Conseils de Fanny Moizant

  • Savoir s’entourer. Il s’agit d’une qualité très forte de l’entrepreneur. Si vous ne savez pas vous entourer, vous n’irez pas très loin. Même avec la meilleure idée du monde, si vous n’avez pas l’équipe pour la mettre en œuvre, ce n’est pas possible…
  • Etre passionné.  Si vous ne ressentez pas profondément une passion pour votre projet, vous allez lutter pour le développer et franchir les obstacles. La vie d’entrepreneur, c’est un looping permanent constitué de hauts et de bas. Si vous n’êtes pas convaincu par votre projet, le quotidien sera difficile à vivre.
  • Ne pas avoir peur de l’inconnu ! Une composante de l’entrepreneuriat pousse le dirigeant à être confronté en permanence à des événements qu’il ne connaît pas ni ne maîtrise, et sur lesquels il doit pourtant prendre une décision. Il faut donc être à l’aise avec la prise de risque.

Interview de Eric Michoux, Président de Holding Galilé

Rencontre avec Eric Michoux, chef d’entreprise aux multiples casquettes, qui a créé en 2003 la holding Galilé, un groupe qui chapeaute aujourd’hui 16 entreprises industrielles différentes et compte plus de 400 collaborateurs. Success story d’un serial repreneur bourguignon, investi dans le tissu politique local.

Racontez-nous votre parcours personnel avant l’entrepreneuriat.

J’ai vécu un parcours ténébreux dans le cycle scolaire classique. Après l’obtention d’un Bac Microtechnique en 1977, j’ai voulu faire de la natation mon métier. J’étais maître-nageur, jusqu’au moment où mes parents ont insisté pour que je fasse un métier sérieux… Ayant passé un CAP de tourneur fraiseur à Sarcelles, je me suis orienté vers l’ingénierie. En 1984, je suis sorti diplômé d’ingénieur de l’institut Polytechnique des Sciences Appliquées de Paris. J’ai continué mon métier de maître-nageur à mi-temps, avant de rentrer dans la multinationale américaine Allied Signal Technologie, appelée aussi Bendix, en tant qu’ingénieur en recherche et développement. J’y suis resté jusqu’en 1989. Puis, j’ai décidé de vivre à la campagne en Bourgogne avec ma famille pour y élever mes enfants. Cette décision a été fortement influencée par la fait que je suis issu d’une famille d’agriculteurs. Entre 1989 et 1997, j’ai été responsable du Bureau d’études et développement production de la société Bobard, un constructeur bourguignon de matériel viticole. L’entreprise comptait environ 150 personnes. J’ai participé à la remise en route de cette société en difficulté.

Pourquoi avoir choisi de partir en région ?

Je suis un gars de la banlieue qui a « mal tourné » (rires). Originaire du Nord de Paris, dans le département du 95, j’ai voulu partir, mué par une sorte de forme de « romantisme crétin ». J’ai choisi de m’installer en Bourgogne pour des raisons familiales. Je ne voulais pas élever mes enfants dans la banlieue que j’avais connue. C’est une ânerie, parce que les problèmes des banlieues sont exactement les mêmes en milieu rural. Je vis aujourd’hui dans le village d’Epervans en Saône-et-Loire, qui compte 1 800 habitants et dont je suis aussi le maire.

Comment en êtes-vous arrivé à l’entrepreneuriat ?

Avec l’entreprise Bobard, j’ai vécu le quotidien d’une entreprise en difficulté, et le fait de devoir les gérer m’a donné des idées et a réveillé chez moi l’envie d’être indépendant. J’ai quitté la boîte et j’ai repris ma première entreprise, SIEM Services, à Mâcon, en 1998. Je l’ai rachetée sous forme de location-gérance. Pour financer mon projet, j’ai fait un crédit à la consommation chez Cofinoga qui m’a prêté 40 000 francs pour démarrer mon business. L’activité de l’entreprise, qui comptait une dizaine de personnes, consistait à louer et à faire la maintenance de matériel de manutention et des chariots élévateurs. L’entreprise vivait quelques difficultés financières et le dirigeant, qui habitait Lyon, désirait s’en séparer sans la fermer ni la liquider. Il voulait qu’elle continue à exister et que les collaborateurs puissent continuer à avoir un emploi. Deux ans plus tard, l’entreprise a été nommée dans les 1 000 premières PME françaises, avec une très bonne rentabilité.

Pourquoi travailler à son compte ?

J’ai développé au fil de mon parcours la volonté d’être indépendant. Lorsque j’ai travaillé au sein de la multinationale, on m’avait proposé de prendre la direction d’une usine de 1 500 personnes. C’était assez rare, d’autant que j’avais seulement 29 ans ! Mais j’ai refusé l’offre car je voulais quitter ce milieu pour deux raisons. D’abord, je voyais les cadres de 50 ans qui faisaient tous un burn-out. Et secundo, je ne voulais surtout pas élever mes enfants en banlieue parisienne. En quelque sorte, lorsque je me suis installé en Bourgogne, j’ai presque pris le premier job qui me tombait sous le coude ! Puis, au fur et à mesure de mon parcours, de petite entreprise en petite entreprise, je ne me voyais plus retourner travailler pour une importante structure. N’ayant pas envie de tomber dans cette dépendance à la carrière, j’ai trouvé une solution : m’installer à mon compte.

A partir de 1998, vous avez presque repris une entreprise chaque année…

Oui, je me suis littéralement pris d’intérêt pour la reprise d’entreprises. J’ai notamment racheté en 2003/2004 une entreprise dans le domaine du nucléaire, qui s’appelle CLM Industries. En 2009, j’ai racheté la société Escofier, qui constituait le dernier fabricant français de machines-outils de formation à froid du métal par roulage, basé à Chalon-sur-Saône. Plus récemment, en 2013, j’ai repris l’entreprise Farman, l’un des grands spécialistes des îlots robotisés, implantée près de Tours. La société, qui a été placée en liquidation judiciaire en 2002, est aujourd’hui en train de renaître, avec des résultats corrects. Depuis une quinzaine d’années que je travaille à mon compte, j’ai racheté 16 entreprises.

Pourquoi la reprise d’entreprise et pas la création ?

Lorsque vous reprenez une entreprise, le processus de développement est beaucoup plus rapide. Il existe déjà un socle de clientèle, un savoir-faire et des connaissances métier. C’est comme s’il s’agissait d’une pierre précieuse qu’il faut retailler. La création me paraît en revanche beaucoup plus complexe, plus longue, plus aléatoire. On y investit peut-être moins d’argent au départ, mais le cycle de développement est long. C’est assez rare que les créations donnent des entreprises de taille importante rapidement. On le trouve ponctuellement dans le monde des start-up mais globalement, avant qu’une entreprise ne commence à rémunérer son fondateur et le premier salarié correctement, il faut 10 ans, c’est très long. La deuxième raison qui me pousse à reprendre des entreprises, cela me permet de sauver des compagnies qui font partie du patrimoine industriel français !

Le succès, ça vous a effleuré l’esprit ?

Pas du tout ! Lorsque j’ai repris ma première entreprise, je ne voulais pas devenir le Rockefeller de l’industrie française. Au début, il s‘agissait simplement de pouvoir nourrir ma famille. Je viens d’une famille d’entrepreneurs, donc je dois avoir cela dans mes gênes je pense. J’ai été le premier salarié de la tribu, et lorsque j’ai pris mon poste, mon père m’a dit : « tu vas faire ton beurre avec le lait d’un autre ». La formule m’a marqué. C’est pour cela que j’ai pris le risque d’être entrepreneur. Je ne vais pas me plaindre car pour moi, l’expérience a plutôt bien marché.

Que représente l’entrepreneuriat pour vous ?

Quand je me suis lancé, il s’agissait d’une liberté d’action totale. Dans la multinationale ou dans les PME pour lesquelles j’ai travaillé, je sentais bien que je n’allais pas contrôler mon avenir. En revanche, aujourd’hui, ma vision a un peu changé. J’ai toujours plus ou moins de liberté. Mais je possède également de nombreuses responsabilités. Je ne suis pas indépendant au sens où je ne peux pas « faire ce que je veux quand j’en ai envie ». L’entrepreneur n’est d’ailleurs jamais indépendant. Par contre, il est plus ou moins libre, c’est-à-dire capable, au sein d’une organisation donnée avec des règles données, fiscales ou autres, de mener l’aventure comme il lui convient. J’ai la chance de ne pas avoir de dettes vis-à-vis des banques, donc ma seule responsabilité, c’est celle des salariés, des gens qui me font confiance. Nous comptons 400 collaborateurs, et l’année prochaine nous serons 500, voire 600 en fin d’année.

Dans votre parcours, vous mettez un point d’honneur à valoriser l’entrepreneuriat. Pourquoi ?

L’entrepreneuriat m’a tout apporté dans mon parcours de vie. J’ai l’impression que je dois quelque chose à ce système. Je pense profondément que le développement de l’entrepreneuriat est important pour notre système économique. Pour valoriser la création de manière concrète, nous avons créé en 2005 l’EDEG, école des dirigeants entrepreneurs de Galilé. Il s’agit d’une école interne qui permet de former des futurs dirigeants de PME. Dans le même ordre d’idée, nous avons lancé récemment le concours Galilé 360°, via sa plateforme internet www.galile360.fr, qui propose aux porteurs de projets et aux jeunes chefs d’entreprise de bénéficier d’un financement et d’un compagnonnage 2.0 personnalisés.

Vous êtes également investi politiquement. Pourquoi ?

Je me suis lancé dans ce milieu en 2006. J’étais au CJD de Bourgogne (Centre des jeunes dirigeants) et également au Medef. J’ai rencontré de nombreux chefs d’entreprises qui râlaient sur la capacité des personnalités politiques à comprendre leur métier. Je leur ai dit : « si vous trouvez que cela ne va pas, pourquoi ne vous lancez-vous pas en politique ? ». Dans le même temps, sur ma circonscription, Arnaud Montebourg avait traité les patrons de voyous. Comme je n’avais pas spécialement l’impression d’être un voyou et que je pensais vraiment que l’intérêt de l’entreprise devait être défendu politiquement, je me suis décidé à me présenter aux législatives. Aux élections municipales de 2008, j’ai été élu maire de ma commune. Je vous avoue que je me suis retrouvé là du jour au lendemain, je n’avais même jamais mis les pieds dans la mairie de mon village ! En 2014, j’ai été élu Président Délégué à l’économie de la Communauté d’agglomération de Châlon-sur-Saône.

Quelle est la casquette la plus difficile à enfiler : politicien ou entrepreneur ?

C’est très différent. La politique paraît plus difficile dans la mesure où il faut s’habituer à la trahison, au mépris, à l’injure. En tous cas, ce qui est certain, c’est que l’un apporte à l’autre. Dans l’exercice de mon mandat, l’entrepreneuriat m’apporte une crédibilité sur la notion de gestion, même s’il demeure très différent de gérer une entreprise et une collectivité. Il s‘agit de deux mondes qui ne se connaissent pas. Les entrepreneurs méprisent les hommes politiques, arguant qu’ils n’y connaissent rien et que ce sont des profiteurs. à l’inverse, les politiques ne connaissent pas le monde de l’entreprise parce qu’ils n’ont pas la même manière de penser au plan économique. Dans un second temps, je dirais que mon parcours en politique m’a apporté une manière différente de voir les choses en tant qu’entrepreneur. Mon conseil municipal compte 19 personnes, qui proviennent toutes d’horizons radicalement différents. Pêle-mêle, il y a un membre de la Fédération des cheminots CGT, une infirmière, des retraités, des commerçants. Ils représentent la pluralité de la société française. Alors que, face à un problème, je considère qu’il y a une seule solution en tant qu’entrepreneur, eux m’apportent différents points de vue. Ce sont ces divergences et ce partage de vision des choses qui enrichissent mon activité de chef d’entreprise au quotidien.

3 Conseils d’éric Michoux

  • Il faut avoir de la volonté. Olivier Dassault cite souvent cette phrase de Churchill : « La réussite, c’est savoir passer d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». Celui qui n’aime pas la difficulté a tout intérêt à ne pas se lancer dans l’entrepreneuriat.
  • Pas besoin d’être le meilleur ! Souvent, j’observe des consultants qui possèdent des connaissances extraordinaires sur tel ou tel sujet, mais ils ne sont pas chefs d’entreprise parce qu’ils manquent d’opiniâtreté.
  • Le général patton disait qu’il ne faut « jamais se résigner ». C’est vrai dans l’entreprise, aussi bien qu’en politique ou en sport ! à ceci près que lorsque vous êtes chef d’entreprise, vous faites face à des embûches multiples, tous les jours !

Interview de Alix de Sagazan, Cofondatrice d’AB Tasty

Entretien exclusif avec Alix de Sagazan, cofondatrice de l’entreprise AB Tasty, qui propose une solution internet innovante en matière d’optimisation de sites web.

Comment en êtes-vous venue à l’entrepreneuriat ?

Je suis sortie de l’école de commerce Sup de Co Reims en juin 2007, puis j’ai commencé à travailler pour la régie publicitaire Adlink, rachetée depuis par le groupe Hi-média. J’ai alors retrouvé Rémi Aubert, un ami d’enfance que j’avais perdu de vue. Il travaillait également dans le domaine de la publicité online. Nous avons déjeuné ensemble et l’idée de créer une entreprise en commun a émergé. Il m’a fait recruter dans son entreprise, Keyade, en janvier 2009.

Nous gérions tous les deux le pôle affiliation dans cette agence d’acquisition de trafic. En novembre, nous avons décidé de quitter la structure pour monter Liwio, une agence spécialisée en web analytics et dans la conversion de trafic. L’objectif de l’entreprise était d’aider nos clients dans la mesure d’audience, la compréhension des indicateurs clés de performance (KPIs) et la mise en place d’une stratégie d’optimisation via, entre autres, la technique de marketing de l’A/B Testing. Nous avons créé l’entreprise Liwio le 9 décembre 2009.

Quelles ont été les étapes marquantes dans le développement de l’entreprise ?

En 2011, nous nous sommes dit qu’il fallait aller plus loin que le conseil, qu’il fallait créer un outil. Dans le domaine de l’Analytics, tous les outils existaient déjà. En revanche, en termes d’optimisation de la stratégie web, il n’y avait pas beaucoup d’équipement sur le marché. Nous avons recruté notre premier développeur grâce aux revenus tirés de l’activité « conseil » de l’entreprise, puis nous nous sommes appuyés sur notre base de clients pour tester l’outil. Début 2012, nous avons décidé de le lancer en version commerciale et en avril de la même année, Photobox est devenu notre premier client sur AB Tasty. à l’époque, nous étions cinq dans l’équipe, dont un seul développeur.

Le succès de l’outil a été rapidement au rendez-vous, des grands comptes nous ont rejoints et nous avons décidé fin 2012 de devenir éditeur de logiciel à 100 %, en laissant l’aspect « conseil » de côté. Quelques recrutements plus tard, nous avons levé 1,1 million d’euros en mai 2014, avec pour objectif d’accélérer la R&D et la partie internationale. Fin 2015, nous avons ouvert un bureau à Sydney, un à Londres, un à Cologne et plus de 10 % de notre chiffre d’affaires est aujourd’hui réalisé à l’international.

Pourquoi avoir choisi ce secteur ?

Nous avions observé que le marché allait s’orienter de l’acquisition client à la conversion. Nous avons identifié ce créneau comme un secteur porteur, car cela émergeait aux états-Unis. Les entreprises dépensaient des sommes colossales dans l’acquisition. Ces budgets allaient nécessairement se transférer vers la conversion client.

Comment fait-on pour évangéliser un marché ?

Même si aujourd’hui, notre produit est moins compliqué à vendre qu’il y a 3 ans, nos prospects n’étaient pas vraiment réceptifs au concept. Nous avons donc publié du contenu et rencontré beaucoup de personnes dans des salons. Nous avons tenté d’être le plus proche possible de nos clients afin de comprendre leurs problématiques et d’y répondre. Par ailleurs, je crois qu’il faut fermement croire dans son produit pour le vendre le plus naturellement possible et en expliquer les bénéfices aux futurs utilisateurs.

Créer son entreprise a-t-il toujours été un moteur pour vous ?

Je me rappelle que lorsque je travaillais dans ma première boîte, j’avais essayé de bidouiller un projet avec un collègue pour monter une structure. Lors de mes retrouvailles avec Rémi, je me suis rendu compte qu’il avait fait pareil de son côté. Nous avons donc tout de suite partagé cet esprit d’entreprendre.

Qu’est-ce qui caractérise cet esprit ?

En 2009, dans le domaine en pleine ébullition du web, l’entrepreneuriat représentait un peu l’aventure. Mais je crois que l’esprit d’entreprendre est surtout caractérisé par l’insouciance. Quand vous êtes jeune, que vous n’avez aucune charge de famille, aucune contrainte extérieure, se lancer est un bon choix à faire ! Certes, la création d’entreprise ne va pas sans difficultés, surtout dans les premières années. Je me suis pris un nombre de refus professionnels incalculables ! Mais cela forge le caractère. à 26 ans, âge auquel je me suis lancée, je n’étais pas vraiment consciente de cela, et je n’avais pas grand-chose à perdre. Cela a sans doute été salvateur.

Comment conciliez-vous la vie professionnelle et la vie personnelle ?

Plutôt très bien en réalité. Quand vous avez une vie d’entrepreneur, vous avez un emploi du temps chargé. Mais je crois surtout que cela occupe plutôt l’esprit. Car en ce qui concerne le temps, on a la chance de pouvoir le moduler. J’arrive à en dégager pour aller chercher mon fils le soir. Je m’organise pour être efficace la journée en déléguant énormément. Par ailleurs, je crois fortement que le bonheur et la passion qui me motivent chaque matin dans mon métier se ressentent fortement au niveau personnel. Aujourd’hui, je ressens de l’exaltation tous les jours dans ma vie professionnelle et j’ai un mari qui adore aussi son métier donc le professionnel et le personnel se concilient très bien. Quand on est très heureux dans sa vie professionnelle, un boulot n’est pas vraiment un boulot, c’est une vocation !

Quel type de manager êtes-vous ?

Avec Rémi, nous essayons d’appliquer un principe simple au quotidien : « Happy employees, happy customers » (ndlr : employés heureux, clients heureux !). Pour y parvenir, nous déléguons beaucoup, nous tentons de responsabiliser énormément nos équipes. Nous essayons également d’aplatir la hiérarchie le plus possible car nous n’y croyons pas. Nous possédons des outils de communication en interne afin que l’information passe le plus rapidement possible. Aussi, nous avons donné le rôle de managers intermédiaires à des jeunes en leur laissant énormément d’autonomie. Le but, c’est que l’entreprise tourne sans nous et que nous puissions nous concentrer sur le développement à l’international.

Quels conseils donneriez-vous à de futurs entrepreneurs ?

Je leur dirais de se lancer jeune et de ne pas attendre pour lancer et tester leur produit ! Il faut se confronter immédiatement au marché pour sentir ce que veulent les consommateurs et voir si ce que vous avez à leur proposer fonctionne. Même s’il faut réajuster l’offre par la suite, c’est toujours mieux que de développer l’offre dans son coin et d’attendre le dernier moment avant de commercialiser. Ensuite, je pense qu’il faut recruter une équipe complémentaire et savoir bien s’entourer. Faites-vous accompagner des bonnes personnes, et pensez notamment à solliciter l’aide d’autres entrepreneurs. Enfin, pensez à vous donner des objectifs en termes de timing, cela vous aidera à avancer étape par étape.

Interview de Odile Broglin, Cofondatrice de people&baby

Odile Broglin (OB) et Christophe Durieux (CD), en couple à la ville comme dans le monde professionnel, ont cofondé la société people&baby, spécialisée dans la gestion et la création de crèches. Interview croisée.

En deux mots, quels sont vos parcours professionnels ?

OB : Je suis infirmière puéricultrice et j’ai été directrice de crèche dans la fonction publique hospitalière. En 2003, j’ai décidé de prendre un congé parental pour la naissance de mon deuxième enfant et j’ai réfléchi au développement d’une crèche où je posséderais plus d’indépendance et d’autonomie de décision, d’où l’idée de créer people&baby. Je me suis associée avec mon conjoint parce que je n’avais pas la connaissance du monde de l’entreprise et de ses aléas en termes de gestion financière.

CD : Pour ma part, j’ai plutôt un parcours d’entrepreneur. J’ai monté quelques PME dans le secteur de la communication B to B pendant une dizaine d’années. En 1993, j’ai fondé le Groupe Equation, spécialisé en communication RH hors media, que j’ai cédé en 2002 à la société Altedia, dirigée par Raymond Soubie. J’ai collaboré avec eux pendant une petite année, avant de replonger dans l’entrepreneuriat et l’indépendance.

Pourquoi s’être lancé dans le secteur de la petite enfance avec People&baby précisément ?

CD : à cette époque, la législation sur les modes de financement des crèches était en train de changer. Les entreprises avaient désormais accès à un crédit d’impôt si elles réservaient des places pour leurs collaborateurs. Parallèlement, de nombreux DRH en recherche d’emploi venaient voir Odile pour ses compétences de directrice de crèche et la sollicitaient pour des conseils, dans l’objectif de monter un business sur ce nouveau marché qui était en train de s’ouvrir. En ayant vu défiler 5 ou 6 DRH à la maison en à peine 6 mois, nous nous sommes dit que les crèches d’entreprises représentaient un créneau porteur. Avec l’un des DRH que nous avons rencontré, nous avons décidé de lancer l’entreprise qu’il a quittée ensuite.

OB : Les DRH cherchaient auprès de moi une expertise du domaine de la petite enfance. Ils voulaient obtenir des informations très pratiques : dimensionnement des équipes, métres carrés nécessaires à l’établissement d’une crèche… J’avais eu la chance de participer à la création de la crèche intégrée à l’hôpital Georges Pompidou à Paris, donc j’avais réponse à leurs questions. Personnellement, je ne suis pas entrepreneure dans l’âme mais j’avais été un peu déçue par les lourdeurs administratives de mes précédents postes. Je désirais obtenir mon indépendance et mon autonomie professionnelle. En ce sens, l’entrepreneuriat constituait en quelque sorte un passage obligé. Christophe a amené le sujet sur la table et j’ai suivi !

Comment s’est structuré le développement de la boîte ?

CD : Nous avions décidé de prospecter avant la création pour s’assurer la signature d’un ou deux clients au préalable. Le groupe Total nous a confirmé à l’été 2004 qu’ils travailleraient avec nous pour leur crèche à la Défense. Nous avons monté le projet à partir de là. Puis, pendant les six premiers mois, nous avons pris beaucoup de rendez-vous commerciaux. En parallèle des clients privés, les villes ont lancé des marchés publics pour déléguer la mise en place de leurs crèches.

Nous y avons répondu et nos dossiers ont rapidement été gagnants, ce qui nous a permis d’assurer l’obtention de marchés qui durent de 3 à 5 ans. La Ville de Paris a été l’un de nos premiers clients publics. Cette double clientèle privée/publique nous a assuré un bon décollage. Au bout de 3 ans, nous nous sommes retrouvés à la tête de 200 à 300 collaborateurs. Côté financement, nous avons ouvert notre capital il y a 5 ans à Bpifrance et au CIC Finance, qui ont pris 30 % du capital. Il était prévu qu’ils sortent du capital fin 2015. Nous avons racheté leurs parts et repris le contrôle de 100 % du capital de l’entreprise en novembre dernier.

Reprendre le contrôle du capital était-il pour vous une façon de ne plus avoir les mains liées par des investisseurs ?

CD : Nous n’étions pas en conflit avec nos investisseurs. à leur entrée dans le capital, il est prévu qu’ils puissent en sortir au bout de 5 ans avec une plus-value. Cela dit, nous aurions pu faire entrer un nouveau fonds. Le problème, c’est que ce dernier nous aurait demandé de pousser la rentabilité au maximum pour maximiser sa propre plus-value au moment de sa sortie. Or, nous considérons que dans les métiers de la petite enfance, même si la rentabilité reste essentielle, avoir une pression économique peut nuire à la qualité d’encadrement des enfants. Dans la mesure où il s’agit d’un métier où l’on travaille pour les familles, nous voulons garder le contrôle sur nos actions. Nous souhaitons notamment avoir la possibilité, si l’occasion se présente, de nous rapprocher d’un autre acteur et de faire de la croissance externe. Cela nous donne une liberté d’action et de décision.

Odile, qu’avez-vous appris sur l’entrepreneuriat ?

OB : Que c’était beaucoup de travail et d’exigence au quotidien ! Quand vous avez la chance de créer une entreprise à forte croissance, il faut suivre le rythme. Cela m’a obligée à prendre des casquettes différentes, à apprendre les techniques de management notamment.

Quelle est la casquette la plus difficile à enfiler ?

OB : Sans conteste, l’exercice le plus périlleux au quotidien consiste à maintenir le cap de « nos valeurs initiales » tout en tenant compte des impératifs nécessaires à la croissance de l’entreprise. Il faut placer le curseur au bon endroit entre le meilleur choix à faire pour les enfants et la réalité économique. Dans la mesure où nous sommes un couple d’entrepreneurs, nous pouvons en parler facilement et en toute confiance.

Qu’avez-vous appris sur le secteur de la petite enfance au cours de votre aventure ?

OB : C’est un secteur passionnel pour moi. J’apprends encore tous les jours. Ce qui est sûr, c’est que le monde de la petite enfance a énormément évolué et cela me passionne d’innover pour répondre à la demande. Je dis souvent que les besoins des enfants n’ont pas changé depuis des décennies, mais que les besoins des familles, si !

CD : J’ai appris à appréhender ce secteur et je me suis fait surprendre par une dynamique que je n’imaginais pas. D’abord, c’est un métier qui a énormément changé ! Ce que l’on fait dans les crèches aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce que l’on y faisait il y a 10 ans. Tous les professionnels qui travaillent dans ce secteur sont des gens passionnés et engagés ! Pour ma part, je n’ai pas une expertise aussi fine que cela. Je connais les besoins essentiels des enfants, mais j’ai découvert d’autres aspects du métier.

Les rôles ont l’air bien définis entre vous. Quelles sont les clés pour réussir à entreprendre en couple ?

OB : Il est important que chacun garde son domaine de compétences, et que l’un et l’autre se fassent confiance pour aller vers un but commun. Plus concrètement, entreprendre en couple requiert une organisation matérielle bien rodée pour accompagner les enfants à l’école à l’heure, aller les récupérer, etc. L’association fonctionne bien aussi parce que nous ne travaillons pas tout le temps ensemble. Même si nous considérons qu’entreprendre en couple est une chance, nous avons conscience que c’est facile à dire pour nous car people&baby a du succès ! Si ce n’était pas le cas, peut-être serait-ce différent…

CD : Nous n’avons pas tout le temps besoin de nous consulter pour savoir quelle est la décision de l’autre. Sur certains sujets, comme le débat entre l’économie et la qualité de l’offre, entreprendre en couple est une vraie chance, car chacun défend ses arguments et fait réfléchir l’autre. Cela nous permet de trouver un bon équilibre et de proposer une offre toujours qualitative.

Quand on entreprend en couple, on ramène forcément les problèmes professionnels à la maison…

OB : Bien sûr ! Parfois, nos deux enfants en ont clairement assez de people&baby ! Quand on part en vacances, nous sommes l’un et l’autre connectés. Mais je n’ai pas le sentiment que cela pose des problèmes. De toute façon, en tant qu’entrepreneur, il n’y a pas vraiment de frontière entre la vie privée et la vie professionnelle.

CD : Le professionnel n’interfère pas tant que cela négativement sur le privé car avec notre expérience, nous avons naturellement développé une maturité sur ce point. Nous savons faire la frontière entre les deux sphères. Nous n’aimons pas parler « boulot » le vendredi soir. La porte professionnelle se ferme le temps du week-end pour ne s’ouvrir à nouveau que le dimanche soir afin d’évoquer les échéances à venir dans la semaine. Bien sûr, il existe des périodes de difficultés, des moments tendus où nous sommes obligés d’échanger le week-end. Mais globalement, nous prenons du temps pour nous. Peut-être que si nous avions 25 ou 26 ans, nous ferions l’erreur de ne penser qu’à notre projet, de consacrer trop de temps au professionnel. Mais à nos âges, 44 et 48 ans, nous avons du recul.

4 Conseils d’Odile & Christophe

  • Rester curieux et créatif pour identifier des opportunités de business.
  • Partir des besoins d’un client ! Souvent, les entrepreneurs se disent : « je vais trouver la bonne idée pour lancer la bonne société, puis trouver les clients ». En réalité, se lancer avec un client permet de trouver un business plan en s’appuyant sur ses besoins. L’important n’est pas tant de trouver la bonne idée mais d’avoir des relations qui peuvent devenir des clients et de montrer que vous êtes capable de leur vendre une solution.
  • Oser se lancer et combler ses peurs. Au départ, je [Odile] ne connaissais pas le milieu de l’entrepreneuriat. C’était un peu angoissant de se lancer dans l’inconnu, de ne pas maîtriser les chiffres, le management, etc. Nous avions peur de ne pas être crédibles, mais nous avons progressivement apporté des réponses à ces peurs en recrutant des gens sérieux et efficaces.
  • Bien s’entourer, d’un ou plusieurs associés et de collaborateurs efficaces.

Interview de Thibaut Bechetoille, Président de Qosmos

Entretien exclusif avec Thibaut Bechetoille, PDG de Qosmos, qui fournit à ses clients des composants logiciels d’analyse du trafic internet pour tout type d’applications.

Comment a débuté votre parcours professionnel ?

Je possède un diplôme d’ingénieur informatique, obtenu à l’ENSIMAG à Grenoble en 1984. Une année avant la fin de mes études, j’ai organisé mon premier projet entrepreneurial puisque j’ai mis en place un voyage d’études dans la Silicon Valley. J’ai trouvé des fonds et j’ai monté le projet de A à Z. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai fait la connaissance d’un jeune entrepreneur français, Eric Benhamou, qui m’a ensuite pris comme stagiaire dans son entreprise 3Com. Il m’a ensuite embauché comme ingénieur logiciel, puis comme « product manager ».

Je suis rentré en France en 1988 où j’ai travaillé comme Directeur marketing de 3Com Sud Europe jusqu’en 1991. Après un bref passage chez Cisco, j’ai créé la filiale française d’une boîte américaine, dans laquelle J’ai officié en tant que patron jusqu’en 1998, date à laquelle l’entreprise a été rachetée par Nordtel. Je suis alors devenu responsable des canaux européens de « Nortel solutions entreprises », une entreprise de 90 000 personnes. Il s’agissait d’un rôle très fonctionnel. J’ai fini par négocier un départ et j’ai démarré mon premier projet entrepreneurial.

Quel était-il ?

En réalité, je suis parti d’une feuille blanche sur laquelle j’avais écrit 5 idées différentes de business plan. En présentant un des projets à un investisseur, ce dernier a cru en ma capacité à le mener. Il a mis 30 millions de francs sur la table ! Il s’agissait d’une entreprise qui fournissait une externalisation de réseaux pour les professionnels. Le projet s’intitulait Maiaah ! et la boîte a officiellement démarré en février 2000. L’aventure a duré environ 3 ans. Nous avons développé le business jusqu’à 4 millions d’euros de chiffre d’affaires environ.

Avec l’effondrement du marché des télécoms en 2001/2002, le numéro 2 du secteur a déposé le bilan et nos clients ont soudainement été plus frileux à l’idée de travailler avec une start-up. Résultat : fin 2002, nous avons vendu l’entreprise à Easynet, ce qui nous a permis de préserver 20 emplois. Personnellement, j’ai suivi une formation à l’Executive MBA de HEC entre fin 2002 et début 2003 avant de quitter Easynet mi- 2003. J’ai pris un congé sabbatique pendant 6 mois à la suite duquel j’ai travaillé comme consultant indépendant pendant quelques mois.

De quelle manière a débuté votre aventure chez Qosmos ?

J’ai rejoint le projet en 2005. Il s’agissait de redémarrer l’entreprise sur la base de ce qui existait déjà. à l’époque, Qosmos réalisait 600 000 euros de chiffre d’affaires et 2 millions d’euros de perte. J’ai mis à profit les enseignements sur la stratégie tirés de mon MBA et avec mes collègues, nous avons travaillé sur la stratégie de l’entreprise pour essayer de la repositionner. à partir de la technologie développée par Qosmos, nous avons identifié quinze segments stratégiques sur lesquels il était possible de nous positionner, dont la sécurité, la gestion de trafic pour les opérateurs, la mesure des audiences…

Cela nous a pris un an pour mieux positionner nos offres et cibler nos propositions de valeur. à force d’itération, nous sommes arrivés au constat que le point commun à toutes nos problématiques clients, c’était le besoin d’extraction d’informations du réseau IP pour différentes applications liées au business. Nous avons décidé d’adopter ce modèle horizontal pour fournir des composants d’analyse du trafic internet. Cette stratégie a été lancée en 2007.

Que représente l’entrepreneuriat pour vous ?

C’est ma vie ! Je me passionne pour l’accompagnement de jeunes entrepreneurs. En effet, je participe activement à trois associations : Réseau Entreprendre, Croissance Plus et Citizen Entrepreneurs. Je suis passionné par la stratégie et j’adore réfléchir à de nouveaux modèles à mettre en place dans les entreprises. La chaîne de hamburgers Big Fernand constitue un très bon exemple d’entreprise qui entre dans un domaine connu et éprouvé par la terre entière, mais qui parvient quand même à se différencier !

De la passion, de l’intérêt, de la stimulation, de l’échange, du partage… c’est un peu tout ça, l’entrepreneuriat. Mais si je dois rester plus pragmatique, je dirais que l’entrepreneuriat, c’est aussi un métier. Quel que soit le domaine dans lequel vous créez votre entreprise, vous passerez toujours par des étapes communes à chaque dirigeant : la gestion quotidienne, les différentes marches à franchir, la recherche de financement… Il existe un vrai savoir-faire et une méthodologie propre à l’entrepreneuriat.

Comment conciliez-vous la vie professionnelle et la vie personnelle ?

Plutôt bien. Ayant réalisé une bonne partie de ma carrière aux états-Unis, j’ai suivi des formations assez tôt sur la gestion du temps. J’ai toujours estimé que ce n’était pas forcément en travaillant 15h par jour que l’on avait les meilleurs résultats. Le soir, je rentre chez moi à des heures raisonnables. Le week-end, je traite quelques e-mails, sans plus. J’encourage d’ailleurs mes employés à avoir une vie relativement équilibrée. Je n’hésite pas à mettre en place du télétravail si cela peut aider. Récemment, nous avons recruté une responsable des ressources humaines qui a commencé aux 3/5e car elle a 2 enfants en bas âge. Aujourd’hui, elle est devenue DRH et travaille aux 4/5e. Elle n’est pas présente le mercredi et est en télétravail le vendredi). Je fais attention à ce que les personnes avec lesquelles je travaille se sentent bien au quotidien et puissent avoir un équilibre de vie.

Quels conseils donneriez-vous à de futurs entrepreneurs ?

Je pense en premier lieu qu’il faut avoir une obsession de la réflexion et de la différenciation stratégique. Ce n’est pas un gros mot, il s’agit simplement de savoir situer son projet entre une vision long terme et ce qui constitue la réalité du terrain. Cela permettra de savoir là où l’entrepreneur souhaite réellement investir. Dans un deuxième temps, je crois fortement qu’une société doit posséder des fondations solides. Toutes les fonctions clés doivent être couvertes.

Et ne croyez pas qu’il s’agit d’une question de taille d’entreprise. Même une petite boîte peut s’intéresser aux ressources humaines ! Simplement, au départ, elle embauchera peut-être une consultante RH seulement un jour par semaine, mais cela fera déjà une importante différence ! Avoir des fonctions clés couvertes ne veut pas nécessairement dire que tout le monde doit être embauché en CDI à plein temps. Enfin, dernier conseil : ayez de l’ambition. Je remarque trop souvent la timidité et la frilosité des entrepreneurs français, notamment vis-à-vis du financement. N’ayez pas peur de lever des fonds, c’est l’essence dont vous aurez besoin pour faire fonctionner la machine.

Interview de Arnaud Ayrolles, Fondateur de NAP

Rencontre avec Arnaud Ayrolles, jeune entrepreneur toulousain de 34 ans, qui a fondé le groupe de distribution NAP, spécialisé dans le commerce de proximité, et qui a acquis en décembre 2014 la majorité du capital des enseignes Maison de la Presse et Mag Presse.

Comment en êtes-vous venu à l’entrepreneuriat ?

J’ai fait des études en alternance dans les années 2000, notamment dans le milieu des start-up du secteur internet. Pendant mes années post-bac et jusqu’à l’éclatement de la bulle internet, j’ai créé des entreprises en parallèle. J’ai d’abord fondé une société de décor scénique avant de m’associer dans un projet de construction de parc à thèmes dans le domaine des sports mécaniques. Pour servir le développement de la boîte, nous avons réalisé une belle levée de fonds d’1,5 million d’euros. Nous étions en train de structurer le second tour de table quand la bulle internet a explosé en 2001. Cela nous a porté un coup fatal et nous avons été obligés de déposer le bilan. Résultat : en cinq ans, j’ai créé deux entreprises et j’ai connu le tribunal de commerce à l’âge de 22 ans…

Entreprendre constituait donc pour vous une volonté dès le départ…

Oui. Je me suis même associé plus jeune, à l’âge de 16 ans. Mais je ne me suis jamais vraiment posé de questions, tout s’est passé naturellement. Une première expérience de création en a appelé une seconde, puis une troisième, etc. Pour l’anecdote, avant de passer le Bac, vous savez qu’il faut faire des vœux pour déterminer l’endroit où l’on veut étudier. Eh bien, avant qu’on ne me pose la question, je ne me l’étais moi-même jamais posée !

J’ai fait des vœux, comme tout le monde, qui n’ont pas été respectés. Puis je me suis construit au fur et à mesure des rencontres et des opportunités. J’ai vécu ma seule expérience en tant que salarié après l’échec de mon second projet en 2001/2002. J’ai dû faire mon CV pour la première fois à ce moment-là ! Et j’ai intégré la banque d’affaires Barclay’s pendant deux ans. Il s’agit de mon seul contrat de travail classique.

Quel regard jetez-vous sur votre parcours ?

Je dégage beaucoup de positif de mon parcours réalisé en alternance. Mes nombreux stages ainsi que le fait d’avoir commencé à travailler très jeune ont été très structurants pour moi. Cela m’a permis à la fois d’avoir une approche du monde de l’entreprise et de savoir ce qu’est réellement le travail. C’est très structurant car vous ne devez pas vous « adapter » à la vie professionnelle. Au contraire, vous en faites directement partie ! Il n’y a pas eu de rupture dans mon parcours, je n’ai pas le sentiment d’être passé d’un système à un autre.

De quelle manière a débuté l’aventure du groupe NAP ?

Je travaillais encore chez Barclay’s. Mes deux associés d’aujourd’hui, Jean-Charles et Olivier, qui étaient des copains d’études, sont venus me trouver pour me proposer l’idée. Il s’agissait de créer des jouets dédiés à l’univers du football, car Jean-Charles était un footballeur dans l’âme. Très vite, je me suis pris au jeu. J’allais de moins en moins au bureau et de plus en plus dans le garage où nous développions l’avant-projet depuis 6 mois. J’ai négocié un licenciement avec mon employeur qui a accepté. Dans les années 2003/2004, nous avons commencé à commercialiser chez les marchands de journaux des petits maillots de football à l’effigie des joueurs de Ligue 1. Il s’agissait de concurrencer les autocollants paninis de l’époque.

Quelles ont été les grandes étapes marquantes dans l’évolution de l’entreprise ?

L’entreprise a été créée en mars 2004. Nous avons fait notre première mise sur le marché national en 2005/2006. Nous étions distribués chez tous les marchands de journaux de France. Jusqu’en 2009/2010, nous nous sommes attachés à structurer notre force de vente. Rapidement, nous nous sommes aperçus qu’en France, il demeurait très compliqué d’être distribué chez les marchands de journaux. C’est pourquoi nous avions décidé en 2009 de créer une structure pour s’auto-distribuer. C’est la naissance du groupe à proprement parler.

Quels changements avez-vous opérés dans le business ensuite ?

Nous nous sommes rendu compte que les marchands de journaux, en mutation, cherchaient à renouveler leur offre de produits. Parallèlement, avec la crise, nos confrères du marché du jouet cherchaient des nouveaux réseaux d’écoulement pour leurs produits. Ils se sont progressivement tournés vers notre réseau de distribution. Résultat : notre filiale est passée en trois ans de 0 à 12 millions d’euros de chiffre d’affaires ! Nous avons donc laissé s’éteindre notre métier historique pour nous investir dans cette voie. En effet, nous avons travaillé de façon très proche avec les marchands de journaux, en leur proposant de plus en plus de produits et de services à distribuer : téléphonie, papeterie, librairie, etc. Nous sommes ensuite entrés au capital des enseignes Maison de la Presse et Mag Presse en 2012, puis en sommes devenus majoritaires fin 2014, dans le but de structurer et de développer ce réseau de 1600 magasins.

Quel regard portez-vous sur le commerce de proximité aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation et du tout connecté ?

Notre système de distribution reste particulier. Tous les mastodontes de la grande distribution ont tué les épiciers dans les années 1970/1980. Par exemple, les petits magasins de jouets de quartiers ont disparu au profit de grandes enseignes situées en périphérie. Résultat : en proximité, il n’existe plus grand-chose à part peut-être dans les grandes villes. Depuis 2010, cette tendance s’inverse. Tous les grands distributeurs se sont mis à recréer de la proximité, en ouvrant des points de vente en centre-ville pour répondre à la demande croissante des consommateurs.

Quant à nous, nous nous situons à la convergence de toutes ces orientations. Nos points de vente sont toujours restés des commerces de proximité, malgré la concurrence de la grande distribution, car nous possédions des activités réglementées (tabac, jeu) qui apportaient un important volume d’affaires. Aujourd’hui, nous voulons nous positionner comme un multi-spécialiste, c’est-à-dire à la fois un magasin de jouet, une boutique de services téléphoniques, un libraire, etc. Nous défendons une vision de la proximité, un vrai service client avec une forte amplitude horaire, une ouverture tardive et le dimanche.

Et votre regard sur le secteur de la presse ?

La presse en un chiffre, c’est environ 5 % de baisse récurrente tous les ans depuis 5 ou 6 ans. à la longue, cela pèse sur le business. L’offre est déjà très large car les éditeurs abondent les points de vente en titres. Elle est sans doute même trop large : pour un sport lambda, le lecteur peut acheter une dizaine de magazines différents. Cela devenait presque surréaliste avant qu’Internet n’arrive et ne contribue à la réduction de l’offre.

Aujourd’hui, en tant que titre de presse papier, il faut posséder une véritable valeur ajoutée car le contenu est en libre accès sur le web. L’idée que je me fais de la presse de demain est la suivante : une offre raccourcie, mais une presse haut de gamme, avec un contenu rédactionnel étoffé, des articles poussés, de l’analyse et du décryptage. Je prédis une distribution qui va se raréfier quantitativement mais se développer d’un point de vue qualitatif.

Si le secteur de la presse est tant que cela en difficulté, comment avez-vous fait pour redresser la barre du navire ?

Nous portons le nom « Maison de la presse », mais pour autant, la presse ne représente que 15 % du chiffre d’affaires de notre réseau, soit environ 280 millions d’euros sur les 1,9 milliards réalisés. Le modèle économique de nos magasins repose sur de nombreux autres revenus. La chute des ventes de la presse contribue certes parfois à la baisse de la santé économique de points de vente, mais elle ne constitue pas l’unique raison. Avant de reprendre une enseigne de presse, j’ai d’abord repris une enseigne au sens large, c’est-à-dire des fonds de commerce, des entrepreneurs, des commerciaux… La recette pour redresser un tel secteur n’est pas miraculeuse, il faut simplement s‘adapter aux tendances actuelles de consommation qui se basent sur l’usage massif du digital. Nous voulons donc parvenir à faire muter nos magasins pour coller au besoin des consommateurs en leur offrant des services digitaux.

Justement, quels sont vos projets pour le groupe ?

Il y a deux ans, nous avons décidé de centraliser l’ensemble du système d’information et des caisses enregistreuses de notre réseau. Nous allons ainsi pouvoir construire beaucoup de choses, et notamment gérer une offre digitale complète et exhaustive, de l’abonnement presse à l’achat de livre ou de contenu en passant par la gestion de la base clients et des cartes de fidélité au niveau national. Nous avons par exemple lancé un service en partenariat avec Free : nous distribuons leurs abonnements.grâce à des bornes installées en magasin qui délivrent une carte SIM en moins de 3 minutes. De manière générale, nous entendons mettre en œuvre toutes les bonnes pratiques du monde du retail au sein d’un réseau d’indépendants qui n’était jusque-là pas structuré sur tous les plans  et notamment en matière d’achats groupés.

Comment conciliez-vous la vie professionnelle et la vie personnelle ?

Avec les amplitudes horaires et les nombreux déplacements, il est évident qu’il y a une part de sacrifice sur la vie personnelle. Au début, je passais beaucoup de temps dans l’entreprise sans être forcément très efficace. Aujourd’hui, j’essaye d’être plus rationnel, de m’accorder des moments de liberté. La maturité vient avec l’âge. Nous ne partions pas en vacances en août, de peur qu’il se passe quelque chose en notre absence. Aujourd’hui, je pars sans difficulté 3 ou 4 semaines ! J’ai appris à mieux gérer mon stress.

3 Conseils d’Arnaud Ayrolles

  • Le travail est primordial ! Il ne faut pas compter ses heures, surtout au début.
  • Vous vivrez sûrement des doutes dans les premières années, mais il ne faut pas avoir peur de remettre en cause votre modèle. Le premier business plan que vous avez écrit n’est pas le bon. Il va falloir le déchirer 3, 4 ou 5 fois avant de trouver le bon modèle.
  • N’ayez pas peur de vous tromper ! L’essentiel, c’est de s’adapter en permanence. Avec mes associés, nous avons une devise : « la meilleure stratégie, c’est de savoir s’adapter. »

Bpifrance Inno Génération

Descriptif de l’événement

Bpifrance Inno Génération rassemblera, les 25 et 26 mai 2016, plusieurs milliers d’entrepreneurs issus de toutes les régions françaises et de tous les secteurs d’activité. Vous y trouverez de nombreux ateliers, stands, workshops, place de networking

Lieu de l’événement

AccorHotels Arena
8 Boulevard de Bercy, 75012 Paris, France

Dates et horaires de l’événement

25 et 26 mai 2016

Frais de participation

Gratuit

Lien d’inscription

 http://innogeneration.evenium.com/

Interview de Valentine Pozzo di Borgo, Fondatrice de Pozzo di Borgo Paris

Entretien exclusif avec Valentine Pozzo di Borgo, fondatrice de la marque de parfums Pozzo di Borgo Paris, qui repose sur des savoir-faire familiaux acquis depuis son enfance. 

Comment êtes-vous arrivée à l’entrepreneuriat ?

étrangement, au départ, je ne me prédestinais pas à perpétuer la tradition familiale et à travailler dans le secteur de la parfumerie. J’ai passé mes études en Finance à Dauphine, rien à voir avec ce que je fais maintenant. Après mes études, je n’avais pas vraiment d’idée sur le métier que je voulais exercer. Je suis partie en Chine où j’ai travaillé en tant que chef de projet. Cette expérience a été une véritable révélation. J’y ai découvert les prémices de l’entrepreneuriat en gérant les stocks de parfums et de cosmétiques notamment, mais cela m’a aussi permis de me rendre compte à quel point mon héritage familial était important. J’ai appelé immédiatement ma mère pour lui proposer de créer notre société de parfums. Elle m’a répondu qu’elle voulait bien m’aider, mais que cela resterait ma société. C’est comme cela qu’est née Quintessence Paris.

Comment a débuté l’aventure ?

À l’origine, l’entreprise que nous avons créée en 2008, visait à offrir aux marques de luxe une identité olfactive en adéquation avec leur image. Nous avons étendu notre clientèle au grand public en proposant une marque dédiée à des produits parfumés pour l’intérieur. Et partant du principe que nous n’avons pas envie d’avoir la même chose sur soi et chez soi, nous avons créé récemment Pozzo di Borgo Paris, une ligne de parfums inspirés par le caractère de certains membres de ma famille.

Entreprendre en famille, est-ce difficile ou au contraire, est-ce une force ?

Il s’agit d’une véritable force. J’ai choisi de m’associer avec ma mère, car je manquais d’expérience à l’époque où j’ai créé la marque Quintessence. J’avais besoin d’être guidée dans toutes les démarches administratives et financières. Entreprendre n’est pas une expérience facile et pouvoir le faire en famille permet de relativiser les moments de doutes, de craintes, et en cas de problème de trésorerie, vous n’avez pas honte d’en parler, car vous savez que la famille représente un réel soutien.

Cette aventure n’est pas simplement une collaboration mère/fille, c’est surtout une histoire familiale qui a su s’implanter dans ce secteur depuis des générations avec la célèbre marque Givaudan qu’a créée mon arrière-grand-père. Ce nom connu des professionnels m’a permis d’être crédible à leurs yeux et de faire ma place plus facilement. Je ne partais pas vraiment de zéro. Dans mon cas, cette aventure familiale représente une source d’inspiration, de réconfort et de conseils où chacun se respecte et respecte l’avis des autres.

Quelle sorte de manager êtes-vous ?

J’espère être un manager paternaliste et j’entends aider mon équipe à s’épanouir dans la vie professionnelle. Mon management repose davantage sur des valeurs familiales telles que le respect, l’entraide et surtout la communication. Il n’y a pas de non-dit dans mon entreprise. Nous ne faisons rien sans une équipe. Malgré toute l’énergie que je peux déployer, si je n’ai pas une équipe motivée qui suit et qui possède la même envie de réussir que moi, cela ne fonctionne pas. Je pars du principe que mon équipe, qu’il s’agisse de mes salariés ou de mes fournisseurs, constitue une grande famille qui repose sur des valeurs communes, sur l’écoute, le respect des autres et le partage. Finalement, cela rejoint les valeurs de la famille.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de votre parcours entrepreneurial ?

Une des premières difficultés que j’ai très vite constaté a été d’entreprendre jeune. J’ai dû contacter toutes les banques pour ouvrir mon dossier à la création d’entreprise et obtenir un prêt de 30 000 euros, car j’avais le reste en fonds propres, et une seule banque m’a répondu. Une fois l’entreprise lancée et comme tout entrepreneur, mon erreur a été de ne pas prendre assez de recul. Au début, je vivais, je parlais, je dormais avec mon entreprise en tête et m’accordais très peu de temps pour moi.

Une fois que l’entreprise s’est développée, j’ai dû faire face à autre type de problème puisque nous avons eu de plus en plus de clients importants et donc de plus en plus de projets d’envergure à gérer en même temps. Nous avions besoin de trésorerie, mais nos partenaires financiers n’ont pas été très compréhensifs ni très flexibles à ce moment-là. Ils ne comprenaient pas que nous puissions avoir des décalages de trésorerie de quelques jours voire de quelques semaines. Cela leur faisait peur.

Quel est le secret de votre réussite ?

Il repose à la fois sur le positivisme et la persévérance. Il arrive que nous vivions des situations délicates, mais il faut apprendre de ces expériences pour continuer à aller de l’avant. Quand nous voulons quelque chose, il faut se donner les moyens de l’atteindre. Par exemple, nous voulions travailler avec un partenaire bien spécifique sur le marché. Malheureusement, il n’avait pas le temps de collaborer avec nous car il avait déjà trop de marques à défendre. Nous avons attendu deux ans avant d’avoir l’opportunité de rentrer sur ce marché et finalement aujourd’hui, nous travaillons avec lui.

Quels conseils donneriez-vous à de futurs entrepreneurs ?

Il est important de garder en tête qu’il faut aller de l’avant, ne jamais regretter et de ne pas revenir en arrière à la moindre déception ou à la moindre difficulté. C’est une expérience où l’on apprend énormément sur soi. Il faut partir du principe que chaque déception fait rebondir. En tant qu’entrepreneur et dans la vie en général, dès que l’on vit une expérience négative, il faut en tirer un élément positif.

Auriez-vous une anecdote à nous raconter ?

Le client est roi et parfois cela peut conduire à des demandes insolites, surtout dans la parfumerie. Un jour, un client souhaitait un parfum frais, et le jour où nous lui avons présenté le produit, il nous a dit, « c’est top ça sent le frais, mais je ne vois pas le pingouin sur la banquise ». La difficulté de notre métier consiste à retranscrire et à comprendre les attentes des clients. Cette fois-ci, nous en avons déduit que ce qu’il entendait par « pingouin sur la banquise » était qu’il manquait un côté animal à l’odeur. Cette dernière lui paraissait, du coup, trop fraîche. Satisfaire le client n’est pas toujours la chose la plus évidente, mais c’est notre devoir n° 1.

Quelles sont vos perspectives pour les mois et les années à venir ?

L’univers du goût et de l’odorat sont très liés, c’est pour cette raison que nous aimerions monter un pôle de développement de produits gustatifs sur-mesure. Ce projet aurait pour but de développer des lignes d’épicerie fine. En ce qui concerne Quintessence Paris, nous venons de tout remettre à plat. L’idée serait de déceler de nouvelles collaborations pour essayer de retrouver dans la tradition du parfum des éléments disparus avec lesquels nous pourrions créer de nouveaux produits un peu plus insolites. Et enfin, pour la marque Pozzo di Borgo Paris, nous travaillons actuellement sur de nouveaux parfums toujours fondés sur des caractères emblématiques de ma famille.