On a longtemps dit que les jeunes ne voulaient plus travailler. Qu’ils manquaient d’ambition, de persévérance, de loyauté. Mais la vérité est ailleurs. Ce que la nouvelle génération, les moins de 35 ans, refuse, ce n’est pas le travail. C’est une manière de travailler qui ne fait plus sens. Née dans un monde en crise permanente, climatique, économique, identitaire, cette génération ne veut pas reproduire les modèles d’hier. Elle cherche du sens, de la cohérence, et surtout une place dans des organisations qui écoutent, qui font confiance et qui incarnent leurs valeurs.
1/ Le sens avant tout : travailler pour quelque chose, pas pour quelqu’un
Pour les jeunes actifs d’aujourd’hui, le salaire n’est plus le seul moteur. Il reste important, surtout dans un contexte d’inflation et de loyers qui explosent, mais il ne suffit plus. Ce qui fait la différence, c’est le “pourquoi”.
Cette recherche de sens traverse tous les secteurs. Elle pousse les entreprises à repenser leur mission, à afficher plus de transparence, et à prouver leur impact réel sur la société. Une stratégie de communication ne suffit plus. La génération Z, née avec Internet, sait détecter le “greenwashing” ou le discours creux en quelques secondes.
2/ La liberté de travailler autrement
Travailler, oui. Mais pas à n’importe quel prix, ni à n’importe quelle cadence. Le télétravail, devenu un acquis depuis la pandémie, n’est plus un avantage, mais une attente de base. Ce que la nouvelle génération revendique, c’est une autonomie réelle. Pouvoir organiser ses journées, choisir son environnement, adapter son rythme. Non pas par fainéantise, mais parce que cette liberté nourrit la créativité et la concentration.
La flexibilité n’est plus une question de confort : c’est une condition de performance. Et les entreprises qui s’y adaptent le voient. Celles qui continuent à imposer des modèles rigides risquent, au contraire, de perdre leurs talents les plus prometteurs.
3/ Une culture du feedback et de la reconnaissance
La nouvelle génération n’aime pas le silence. Elle veut comprendre, progresser, être reconnue. Non pas à travers une médaille ou une prime annuelle, mais au fil de l’eau, par des signes concrets : un mot, un retour constructif, un échange sincère. Cette culture du feedback continu change profondément la relation au management. Le chef autoritaire laisse place au coach, à celui qui écoute, accompagne, encourage.
Les jeunes collaborateurs n’attendent pas de recevoir des ordres, mais de pouvoir co-construire, donner leur avis, expérimenter. C’est ce qui rend les organisations plus agiles, plus vivantes et parfois aussi plus déroutantes pour les managers d’ancienne génération. Mais quand le dialogue s’installe, les effets sont puissants : plus d’engagement, moins de turnover, et une atmosphère de travail qui respire la confiance plutôt que la peur de l’erreur.
4/ L’équilibre comme ligne de vie
Travailler, oui, mais vivre aussi. Pour les jeunes générations, la frontière entre vie pro et vie perso n’est pas une ligne droite : c’est une zone de circulation fluide. On peut lire ses mails sur son canapé, mais aussi aller chez le coiffeur en pleine journée.
Ce rapport au temps, plus souple, n’est pas de la désinvolture. C’est une nouvelle vision de la réussite. Là où leurs aînés valorisaient les sacrifices et les longues heures au bureau, la génération actuelle valorise la qualité de vie, la santé mentale, le temps pour soi.
Selon une étude Deloitte 2024, 61 % des jeunes actifs refusent un poste si l’équilibre de vie n’est pas respecté. Et 70 % d’entre eux affirment qu’ils quitteraient une entreprise qui ne prend pas soin de leur bien-être.
Le message est clair : le burn-out n’est plus une médaille. La performance ne se mesure plus à la fatigue, mais à l’épanouissement.
5/ Des entreprises alignées avec leurs valeurs
Au-delà du sens individuel, les jeunes cherchent des organisations cohérentes. Celles qui prônent la diversité mais la vivent vraiment. Celles qui parlent d’écologie sans se contenter d’un tri sélectif dans la cuisine. Ils veulent du concret, du mesurable, du vrai. Quand une entreprise affiche une politique RSE solide, un engagement social réel ou un impact positif, cela devient un argument de recrutement aussi fort qu’un salaire compétitif.
À l’inverse, un écart entre le discours et la réalité peut être fatal. Un tweet maladroit, un scandale interne, une pratique managériale douteuse peuvent suffire à faire fuir les jeunes talents, qui partagent, commentent et alertent en un clic.
Cette exigence d’authenticité pousse les entreprises à se regarder dans le miroir : sont-elles prêtes à incarner ce qu’elles promettent ?
6/ L’apprentissage continu comme ADN
La génération actuelle n’a pas peur de changer. Changer de poste, de métier, d’entreprise, voire de secteur. Ce n’est pas de l’instabilité, mais une soif d’évolution permanente. Les jeunes n’attendent plus qu’une entreprise leur trace un parcours : ils veulent apprendre, expérimenter, se réinventer. Les formations internes, le mentorat, les projets transverses ou l’intrapreneuriat sont autant d’outils qui nourrissent cette curiosité.
Les organisations qui investissent dans la montée en compétences fidélisent davantage. Car un collaborateur qui apprend reste motivé, engagé, et voit un futur possible là où d’autres ne voient qu’une fiche de poste figée.
7/ La quête d’authenticité et d’impact personnel
Derrière toutes ces attentes, un fil rouge se dessine : la recherche d’authenticité. La génération Z veut être elle-même au travail, sans devoir jouer un rôle. Elle revendique le droit d’être imparfaite, vulnérable, sincère. Et elle attend de son entreprise la même honnêteté. C’est cette transparence mutuelle qui construit la confiance — et donc, la fidélité.
Ce rapport au travail, plus émotionnel, redéfinit complètement la notion d’engagement. On ne “reste” plus dans une entreprise parce qu’on y est bien payé, mais parce qu’on y est bien.
8/ Un défi pour les entreprises : comprendre avant de juger
Face à cette mutation, beaucoup d’entreprises tâtonnent. Certaines s’agacent : “Ils ne veulent plus faire d’efforts”, “ils changent tout le temps d’avis”, “ils sont ingérables.” D’autres, au contraire, choisissent d’écouter.
Celles-là découvrent que ces jeunes ne sont pas moins travailleurs — ils travaillent juste autrement. Ils veulent comprendre le sens, être associés aux décisions, évoluer sans se perdre. Et surtout, ils veulent être considérés comme des individus, pas comme une “génération Z” à manager.
Le défi, pour les organisations, n’est donc pas de “rendre le travail cool”, mais de le rendre cohérent : aligné avec les valeurs qu’elles affichent, les pratiques qu’elles prônent et la réalité vécue par leurs équipes.
9/ Vers une nouvelle alliance entre générations
Et si, au lieu d’opposer les jeunes et les anciens, on imaginait une alliance ? Les plus expérimentés apportent le recul, la stabilité, la mémoire du métier. Les plus jeunes, l’énergie, la curiosité, la capacité à innover. Ensemble, ils peuvent construire un modèle plus humain, plus durable, plus vrai.
Ce que la nouvelle génération attend, au fond, ce n’est pas un baby-foot ou des horaires flexibles. C’est une entreprise qui fait ce qu’elle dit, qui écoute autant qu’elle exige, et qui permet à chacun d’exister pleinement.

