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EntrepreneurL'idée innovanteLes qualités de l'entrepreneur

Spareka, l’autonomie comme fil rouge

Geoffroy Malaterre, ceo de SPAREKA

SPAREKA est une entreprise qui permet à chacun de réparer tous les appareils qu’ils soient électroménagers, liés au jardin ou à la piscine. Geoffroy Malaterre, fondateur depuis 2012 du site de e-commerce compte aujourd’hui plus de 30 000 visiteurs uniques par jour et plus d’un million de clients. Engagé dans la réparabilité et l’économie circulaire, il nous raconte son aventure et nous livre ses clés du succès.

Comment vous est venue l’idée de créer SPAREKA ?

Je suis entrepreneur depuis 2006 et j’ai commencé avec une entreprise qui s’appelait Télécommande Express qui vend des télécommandes de portail sur Internet. A l’époque, ce concept était très innovant car les gens ne pouvaient pas les remplacer eux-mêmes s’ils les perdaient ou les cassaient. J’ai réussi à mettre en ligne un moteur de recherche qui permettait de les trouver avec des photos et nous avons expliqué, avec des tutoriaux et notices, comment les programmer soi-même. C’est devenu le fil rouge qui a incité cette nouvelle création. L’entreprise s’est bien développée et en 2012, nous réfléchissions à d’autres projets. Nous avons alors constaté avec mes équipes que la moitié des appareils qu’on jetait était réparable et ce fut l’élément déclencheur. Nous nous sommes dit « pourquoi ? ». C’est ainsi qu’est venue l’idée de monter SPAREKA

Quel est le concept finalement ?

Le mot obsolescence programmée n’était pas utilisé à l’époque et le problème venait d’un élément économique tout simplement. Les études montrent ainsi que quand le coût de la réparation est supérieur à 30 % de celui de l’appareil, les français ne réparent pas. De ce fait, nous nous sommes demandé comment faire pour diminuer le coût de la réparation et l’autoréparation nous est apparue comme une évidence. Notre expérience nous a conduits à mettre en place un système en 3 étapes. La première étape, le diagnostic, la deuxième, la vente de pièces et la troisième la vidéo pour expliquer et montrer comment réparer. Au final, le fil rouge réside dans le fait d’apprendre aux consommateurs à se débrouiller par eux-mêmes. L’idée est venue en 2012 et SPAREKA a été initiée au sein de Télécommande Express dont je suis le seul actionnaire. En 2018, nous avons séparé les deux entités

Avez-vous gardé le même business model tout au long ?

C’était la même idée de base. Il faut s’imaginer qu’en 2012, il y avait des vendeurs de pièces détachées qui s’avéraient être les sites Internet de boutiques physiques. Personne ne parlait de réparation mais plutôt de ventes de pièces. Nous avons décidé d’avoir un site de réparation qui se finançait par celle-ci. Dès le départ, nous avons donc mis en place des diagnostics ainsi qu’un site en ligne de commercialisation de pièces. C’est ce positionnement qui a fait notre singularité car lorsque les concurrents communiquaient sur « je vends des pièces détachées », nous communiquions sur « on vous apprend à réparer ». Beaucoup de gens trouvaient l’initiative sympa mais peu y croyaient et notamment les fabricants d’électroménagers.

Quelles ont été les différentes étapes ?

La première étape importante pour moi reste quand LG est devenu partenaire de SPAREKA et que nous avons eu, pour la première fois, un écho positif d’un grand constructeur qui nous a dit, en 2014, que l’auto-réparation représentait une réelle opportunité et qu’il préférait que cette pratique soit encadrée avec un partenaire reconnu plutôt que par des vendeurs de pièces à droite à gauche. Ce premier partenariat nous a permis de commencer à discuter avec les organisations professionnelles des fabricants et au fur et à mesure de peaufiner notre discours qui a notamment évolué sur l’obsolescence programmée.

Il faut comprendre que celle-ci provoque l’indignation envers des industries riches comme les imprimantes ou encore les ampoules mais qu’elle n’existe pas en tant que telle dans de nombreux domaines comme les lave-vaisselles ou les lave-linges. Finalement, ces appareils ne sont pas pensés « en mode obsolescence programmée » mais plus en mode « il faut que la machine coûte le moins cher possible ». Or, le choix économique est toujours désavantageux pour la réparation.

En 2016, il y a eu un retournement de situation qui n’a pas forcément été perçu par le grand public. Le groupement professionnel des fabricants GIFAM a diffusé un communiqué de presse qui allait dans notre sens qui disait en substance : « nous, contrairement aux fabricants qui vendent des containers de machines à laver à des grandes surfaces, qui mettent leur nom dessus et les revendent, nous faisons en sorte que nos machines soient réparables ». Notre stratégie de base sur la partie réparation s’est révélée donc juste !

Comment avez-vous réussi par la suite à vous imposer ?

Nous avons dû réaliser deux choix importants. Le premier a été de décider que nous étions multi-univers et que nous ne nous dédions pas seulement notre activité à l’électroménager mais aux nombreux appareils que tous les consommateurs possèdent chez eux. La conséquence en est que notre champ s’applique à l’électroménager, la télévision, la salle de bain, le jardin, les piscines, les portails… Nous ne nous occupons pas d’une seule catégorie de produits mais de toutes celles qui correspondent à la vie de n’importe quel citoyen. Résultat, notre offre concerne plus d’une centaine d’appareils. Cela nous a permis, en 2018, de travailler avec des entreprises comme Leroy Merlin qui sont les inventeurs du « Do It Yourself » (faire soi-même, ndlr). Le groupe avait très envie de partager cette expérience avec nous pour que leurs clients réparent également leurs machines.

Nous avons réalisé un super partenariat avec eux grâce auquel les clients de Leroy Merlin viennent sur notre site pour pouvoir acheter des pièces détachées et réparer les appareils achetés chez eux. La deuxième décision importante reste dans le fait d’avoir communiqué dès le début sur l’autoréparation. Il n’est jamais facile de percer dans du BtoC car vous êtes face à des géants.

Quand on n’a pas beaucoup de moyens, il faut quand même communiquer et c’est ce que nous avons fait mais en nous concentrant sur l’autoréparation. Comme nous étions les seuls à faire cela, ceci nous a amenés à pouvoir collaborer notamment avec le gouvernement en 2019, et encore aujourd’hui, sur un indice de réparabilité. Ensuite, nous avons réalisé un partenariat avec l’ADEME – Agence de la Transition Ecologique. Celui-ci nous a permis, d’une certaine manière, de valoriser notre expertise technique ainsi que de sensibiliser les français sur l’importance de réparer au lieu de jeter.

L’autoréparation un phénomène nouveau ?

Quand on prend du recul, on peut constater qu’entre 1960 et 2010, la réparation a été mise de côté alors qu’auparavant les gens avaient l’habitude de réparer. A partir de cette première date, les fabricants ont investi dans la communication pour vendre leurs produits avec des marketings très agressifs qui incitaient à changer régulièrement. Ils disaient alors : « ne mettez surtout pas la main dans le hublot pour le réparer, vous allez mourir ! Vous devez passer par un réparateur agréé » (qui coûte très cher). De l’autre côté, des distributeurs électroménager disaient : « si vous avez un problème, il faut absolument que vous achetiez l’extension de garantie pendant 10 ans comme cela vous êtes protégé ! ». Pendant toute cette période, il était répété en boucle qu’il ne fallait pas réparer alors qu’avant la seconde guerre mondiale, elle faisait partie des habitudes.

La réparation va-t-elle revenir à la mode ?

Quand on fait des sondages, il assez drôle de voir que le consommateur redécouvre la magie de réparer en disant « j’ai réparé mon lave-linge ! », un peu comme s’il disait « j’ai réussi à me battre comme le système et j’ai gagné ! ». Malheureusement, nous nous confrontons encore à certains fabricants qui nous disent qu’ils ne nous vendront pas de pièces détachées si nous ne commercialisons pas de produits finis.

Mais, le gouvernement a beaucoup avancé sur le sujet et il est prévu en janvier 2021 qu’un indice sur la réparabilité sorte. Cela veut dire que lorsque vous allez acheter une machine, vous allez savoir si elle est réparable ou non. Or, toutes les études montrent qu’à prix quasi-équivalent, vous allez choisir la plus réparable. La réparabilité va donc devenir un élément de vente et marketing. Nous pouvons imaginer que dans quelques années les marques vont communiquer dessus car elles ont conscience que la réparabilité va participer à la valorisation de la marque. Si le consommateur se retrouve à ne pas pouvoir l’effectuer ou que cela coûte beaucoup trop cher, à l’avenir, il risque de ne pas réitérer son achat auprès de la marque et donc cette réalité va les contraindre à l’inclure dans leurs arguments.

Vous avez récemment levé des fonds ?

Nous avons, en effet, levé 5 millions d’euros avec Paris Fonds Vert, le fonds de la ville de Paris qui est géré par Demeter. Cet argent va nous servir à développer notre outil de diagnostic pour être le plus performant possible et apporter la solution à ceux qui désirent réparer. Celui-ci est en ligne et vous êtes guidé par un chatbot. A noter que dans 50 % des cas, ce n’est pas une pièce qui est cassée mais qu’il suffit d’enlever quelque chose qui bloque. En quelques manipulations, vous faites refonctionner votre machine.

Dans ce cas-là, nous ne gagnons pas d’argent mais dans le cas où il y a effectivement un élément à changer, vous avez accès gratuitement à nos 750 tutoriaux vidéos expliquant comment réparer, puis aux 8 millions de pièces détachées en vente sur notre site. La levée de fonds doit également nous aider à développer la plateforme partout dans le monde.

Le confinement a-t-il eu un impact ?

Le confinement a été un moment particulier pour nous car beaucoup n’ont pas pu faire appel à un technicien qui allait s’occuper de leurs machines. Or, 16 000 machines tombent en panne tous les jours en France. Ce sont autant de personnes qui se sont tournées vers l’autoréparation pendant cette période de confinement et qui se sont posé la question de comment faire. Du coup, nous avons eu une augmentation de notre chiffre d’affaires avec une pléthore de consultations YouTube de nos tutoriaux. Nous avons plus de 80 k abonnés et 20 millions de vues, soit une vidéo vue par seconde, cela montre l’appétence des consommateurs envers l’auto-réparation. Autre chiffre significatif, nous avons un diagnostic réalisé toutes les minutes.

Quelle a été votre plus grande difficulté ?

Le grand défi a été de gérer cette quantité astronomique de données. Il faut imaginer que nous avons 24 millions de « cadre-emploi » qui est la relation entre la pièce détachée et son appareil. En conséquence, il est très important de gérer en termes de données et nous avons dû, très vite, nous structurer autour d’un pôle de datas performant. En 2012, la gestion de données n’était pas un sujet d’actualité.

Nous avons mis en place cette organisation sur mesure,  » seuls « . Nous avons réussi à créer une structure nous permettant de gérer un volume de données exponentiel. Cela fait qu’aujourd’hui nous arrivons à gérer un volume de données exponentiel. Celle-ci a été déterminante car même des personnes qui avaient des formations d’ingénieur n’étaient parfois pas capables de réparer un objet. Finalement, nous étions limités dans notre croissance par le nombre de cas possible et cette maîtrise nous a permis de continuer à grandir.

Quels ont été vos facteurs clés de succès ?

Je pense que c’est l’organisation de notre entreprise. Je suis parti vivre au Brésil pendant 3 ans entre 2016 et 2019. Lorsque je suis allé vivre là-bas avec ma femme qui est franco-brésilienne, qui avait un poste d’expatriée sur place, je travaillais à distance pour mon entreprise. A ce moment-là, nous avons réorganisé la société pour devenir très agiles avec beaucoup d’autonomie pour tous les collaborateurs. Cette nouvelle organisation a donné un élan formidable à l’entreprise car chacun a pris la main sur le projet et cela a boosté complètement la dynamique et a transformé d’ailleurs ma manière de manager. Finalement, le confinement nous avions déjà l’habitude (rires)

Quel va être votre plus grand défi à venir ? La norme ?

Non, la norme est déjà mise en place. Cela va être de réussir à convaincre les fabricants au-delà de l’Hexagone car je pense que, si la France a une avance dans ce domaine, ce n’est pas tout à fait le cas à l’international. Nous allons devoir convaincre les fabricants à l’échelle internationale de partager les données afin de pouvoir réparer toujours plus de machines. Aussi, nous allons commencer par des pays limitrophes comme l’Espagne et l’Allemagne puis nous attaquer au monde entier. Nous souhaitons commencer par les zones où il existe un besoin de réparation car les gens n’ont pas les moyens financiers de changer leurs appareils.

Une précision que nous n’avons pas vue ?

J’aimerais revenir sur les grands partenariats. Notre objectif est de nous adresser à tous les consommateurs et nous sommes dans une démarche d’ouverture aux grands fabricants. Nous voulons que l’autoréparation soit partout à la fois sur notre site Internet et au sein des grandes enseignes. Nous sommes donc à la disposition de toutes les marques qui souhaitent discuter avec nous, notamment celles qui veulent accompagner leurs clients dans une solution qui soit à la fois économique pour eux et « verte » avec une possibilité de réparation. 

Conseils de Geoffroy Malaterre

  1. Avoir de l’audace : il faut aller en dehors de sa zone de confort. Quand je suis parti au Brésil, je ne connaissais pas un entrepreneur qui l’avait fait et donc je ne pouvais discuter de ce qu’il fallait faire. Cela a été une super opportunité au final pour l’entreprise.
  2. Ne pas négliger l’entourage : je parle de l’équipe et de ses conseils. Il faut être très exigeant sur le fait d’être bien entouré. Un entrepreneur tout seul ne réussit pas.

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