Former, apprendre, se réinventer : en 2025, ces mots ne relèvent plus du simple discours RH. Ils sont devenus une nécessité stratégique. Face aux mutations technologiques, écologiques et démographiques, les entreprises n’ont plus vraiment le choix : elles doivent miser sur le développement continu des compétences pour rester compétitives, attractives et agiles.
Mais derrière cette injonction à la formation se cachent trois notions clés qu’il est utile de bien distinguer : l’upskilling, le reskilling et le cross-skilling. Trois manières d’apprendre, trois dynamiques différentes… mais un même objectif : préparer les collaborateurs (et les organisations ) à l’avenir du travail.
Trois mots, trois réalités complémentaires
Commençons par clarifier les termes, car ils sont souvent confondus.
L’upskilling : progresser dans son métier actuel
L’upskilling consiste à acquérir de nouvelles compétences pour se perfectionner dans sa fonction actuelle ou évoluer dans la même voie. C’est la montée en puissance dans son propre domaine.
Prenons un exemple concret : un développeur web qui apprend un nouveau langage de programmation, un commercial qui se forme aux outils d’intelligence artificielle pour personnaliser ses ventes, ou un technicien qui apprend à utiliser des équipements plus automatisés.
L’upskilling, c’est la promesse d’une progression sans rupture : on capitalise sur ce qu’on sait déjà pour aller plus loin.
Le reskilling : changer de métier ou de voie
Le reskilling, lui, représente un changement de cap. Il s’agit d’apprendre des compétences entièrement nouvelles pour exercer un autre métier — souvent dans le cadre d’une reconversion.
Ce mouvement est particulièrement crucial aujourd’hui, à une époque où certains métiers disparaissent tandis que d’autres émergent à grande vitesse. Un assistant administratif qui devient chargé de projet digital, un ouvrier de production qui se forme à la maintenance robotisée, ou encore un employé logistique qui se spécialise dans la cybersécurité : voilà des exemples typiques de reskilling.
C’est aussi une démarche de plus en plus encouragée par les entreprises elles-mêmes, notamment quand elles cherchent à repositionner leurs salariés plutôt que de recruter massivement à l’extérieur.
Le cross-skilling : élargir ses horizons
Enfin, le cross-skilling consiste à développer des compétences transversales, parfois éloignées de son cœur de métier. L’idée est de gagner en polyvalence et en compréhension globale du fonctionnement de l’entreprise.
Cela peut concerner des savoir-faire techniques, mais aussi — et surtout — des soft skills : communication, gestion du stress, management, créativité, esprit d’équipe, etc.
Le cross-skilling est souvent le parent discret de la formation : moins visible que le reskilling ou l’upskilling, mais tout aussi précieux. C’est lui qui favorise la collaboration interservices, l’adaptabilité et la cohésion dans les équipes.
2025 : la formation professionnelle, un enjeu partagé
Si ces notions s’imposent peu à peu dans le langage des RH, c’est parce que la réalité du terrain l’impose.
Selon la 6e édition du Baromètre de la formation et de l’emploi, publiée en 2025 par Centre Inffo et CSA Research, 69 % des actifs français se disent confiants dans leur avenir professionnel, un chiffre en hausse par rapport à 2024. Et surtout, 74 % considèrent que se former relève avant tout de leur propre responsabilité.
Ce basculement est majeur : il marque la fin de la formation “subie” et l’émergence d’une culture de l’apprentissage continu. Les salariés ne veulent plus seulement “être formés”, ils veulent choisir de se former, pour rester acteurs de leur évolution.
Mais cette confiance s’accompagne aussi d’inquiétudes. Le même baromètre montre que l’impact de l’intelligence artificielle sur les métiers est devenu l’une des principales préoccupations des Français. Résultat : de plus en plus d’entreprises s’engagent dans des programmes d’upskilling et de reskilling liés à l’IA, au numérique et à la transition écologique.
Les entreprises en transition : l’exemple du baromètre Opco EP
L’Opco EP, qui accompagne plus de dix mille entreprises de proximité, a publié en 2025 son Baromètre Transitions & Compétences. Le constat est sans appel : les petites entreprises font face à des transformations massives (numériques, écologiques, mais aussi démographiques) qui bouleversent leur manière de travailler.
Près d’une entreprise sur deux y déclare avoir identifié des besoins de formation urgents pour accompagner ces changements. Certaines doivent apprendre à gérer des outils numériques, d’autres à répondre aux nouvelles exigences environnementales ou à transmettre les savoirs face aux départs en retraite.
Dans ce contexte, le cross-skilling prend tout son sens. Ce n’est pas seulement apprendre un nouveau métier, mais développer la capacité d’apprendre en continu, de collaborer entre générations et de s’adapter aux nouvelles priorités de l’entreprise.
La transformation numérique pousse à l’upskilling
Le numérique reste le moteur principal de cette dynamique. D’après le Baromètre France Num 2025, réalisé auprès de plus de 11 000 TPE et PME françaises, 55 % des entreprises déclarent disposer de compétences numériques internes — une hausse de neuf points en un an.
Cependant, seulement 20 % ont réellement formé au moins un collaborateur au numérique en 2024. Cela signifie qu’une large majorité reste encore en retrait, faute de temps, de budget ou de visibilité sur les besoins précis.
Autrement dit : les dirigeants savent qu’il faut se former, mais peinent encore à structurer une politique d’upskilling à grande échelle.
Pourtant, les bénéfices sont clairs : les entreprises qui investissent dans la formation numérique de leurs collaborateurs sont plus performantes, plus agiles et plus attractives sur le marché du travail.
Une prise de conscience progressive, mais encore inégale
Le Medef, dans son premier Baromètre “Entreprises & Formation 2025”, met en évidence une réalité nuancée : si la grande majorité des entreprises reconnaît la formation comme un levier stratégique, beaucoup la perçoivent encore comme une contrainte réglementaire ou un coût plutôt qu’un investissement.
Trois priorités émergent :
- Accompagner les TPE et PME, souvent démunies face aux dispositifs.
- Simplifier les démarches administratives liées à la formation.
- Mesurer réellement l’impact des actions de formation.
C’est ici que la notion d’évaluation prend toute sa place. Mesurer les effets d’un programme d’upskilling ou de cross-skilling, c’est non seulement prouver son efficacité, mais aussi justifier la poursuite de l’investissement.
Le modèle de Kirkpatrick, qui évalue les formations à plusieurs niveaux (réaction, apprentissage, comportement, résultats), reste une référence précieuse pour suivre la progression des salariés et identifier les compétences les plus porteuses.
Vers un “baromètre 2025 des compétences”
À la lumière de ces études, on peut dresser un portrait réaliste de la situation actuelle. Si l’on devait imaginer un baromètre global des pratiques d’upskilling, de reskilling et de cross-skilling en 2025, il ressemblerait probablement à ceci :
- 45 à 55 % des entreprises ont déjà lancé un programme d’upskilling.
- 25 à 35 % mènent des initiatives de reskilling, souvent liées à la reconversion ou à la mobilité interne.
- 30 à 40 % travaillent sur le cross-skilling, en misant sur les soft skills et la polyvalence.
Les secteurs les plus avancés sont sans surprise les technologies de l’information, la santé et l’industrie, tandis que les TPE artisanales ou les structures très locales avancent plus lentement.
Les freins principaux restent les mêmes : manque de temps, coût, difficultés à identifier les besoins précis, et complexité des dispositifs. Pourtant, les retombées positives sont bien réelles : une meilleure fidélisation des salariés, une capacité d’adaptation renforcée, et une attractivité accrue auprès des jeunes générations.
Le rôle clé du cross-skilling : plus qu’une tendance, une philosophie
Longtemps considéré comme “moins prioritaire”, le cross-skilling prend aujourd’hui une place centrale. Dans un environnement professionnel mouvant, la compétence la plus précieuse devient la capacité à apprendre, à collaborer et à s’adapter.
Les entreprises qui encouragent la polyvalence et la curiosité de leurs collaborateurs s’en sortent mieux face aux incertitudes. Le cross-skilling développe la résilience organisationnelle : les équipes deviennent capables de se relayer, de comprendre les enjeux des autres services, et de réagir collectivement aux imprévus.
C’est aussi un levier fort pour la motivation. Un salarié qui sort de sa zone de confort pour explorer de nouvelles compétences retrouve souvent un nouveau souffle professionnel. Et dans un marché où la quête de sens prime sur la simple sécurité de l’emploi, cette ouverture devient un atout de fidélisation.