L’ego du fondateur : moteur ou bombe à retardement ?

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Quand on parle d’entrepreneuriat, l’ego du fondateur est souvent évoqué avec un mélange de fascination et de prudence. Cet élan intérieur, cette confiance inébranlable en sa vision, est ce qui pousse un créateur à quitter la sécurité d’un emploi stable, à convaincre des investisseurs sceptiques et à persister malgré les obstacles. Sans ego, peu de start-ups auraient survécu aux premiers mois et encore moins grandi pour devenir des géants.

Mais cet ego peut aussi se transformer en arme à double tranchant. Trop d’assurance, trop de contrôle ou un refus de déléguer peuvent transformer un moteur en bombe à retardement. L’entreprise devient alors dépendante d’une seule personne, fragile face aux aléas et difficile à faire évoluer. 

L’ego comme moteur de la création

Dans les premières étapes de la vie d’une entreprise, l’ego du fondateur est souvent ce qui permet de franchir les barrières. C’est cette conviction intime que « mon idée vaut le coup » qui pousse à mobiliser ses premières ressources, convaincre les partenaires et recruter les premiers collaborateurs. Sans une dose saine d’ego, beaucoup d’entrepreneurs auraient abandonné face aux refus, aux critiques ou aux doutes.

L’ego joue également un rôle social : il inspire confiance, attire l’attention et permet de mobiliser autour d’un projet. Les fondateurs charismatiques savent utiliser leur énergie et leur assurance pour créer une dynamique collective, séduire des investisseurs et donner du sens à des équipes parfois fatiguées par les incertitudes du quotidien.

Quand le moteur devient frein

Mais l’ego peut rapidement devenir problématique lorsque sa manifestation dépasse le simple moteur personnel pour devenir un verrou organisationnel. Le fondateur omniprésent, qui valide chaque décision, supervise chaque opération et refuse toute remise en question, crée une dépendance qui fragilise l’entreprise. Les collaborateurs finissent par attendre ses instructions pour tout, les talents s’essoufflent et l’innovation s’étouffe.

L’histoire des entreprises regorge d’exemples : des start-ups brillantes qui n’ont pas survécu au départ du fondateur parce qu’aucun relais n’avait été préparé, ou au contraire des dirigeants qui ont bloqué la croissance par un contrôle excessif. L’ego devient alors une bombe à retardement : le moteur initial, vital, devient un risque structurel.

Les signes d’un ego excessif

Il existe plusieurs indicateurs révélateurs d’un ego fondateur qui pourrait nuire à l’entreprise :

  • Le refus de déléguer : chaque décision, même minime, doit passer par le fondateur. L’équipe se sent paralysée, et l’entreprise devient dépendante d’une seule personne.
  • La difficulté à écouter : critiques et conseils sont ignorés, et les signaux du marché ou des collaborateurs ne sont pas pris en compte.
  • La priorité donnée à l’image personnelle : certaines décisions visent davantage à renforcer la réputation du fondateur qu’à servir la stratégie de l’entreprise.
  • La résistance au changement : innovations internes, nouvelles méthodes ou perspectives différentes sont perçues comme une menace à l’autorité du fondateur.

Ces comportements créent un environnement où l’entreprise peine à évoluer et où les talents risquent de se détourner.

Comment transformer l’ego en levier durable ?

La bonne nouvelle, c’est que l’ego ne doit pas être vu uniquement comme un danger : il peut être canalisé pour soutenir la croissance et la pérennité de l’entreprise. Plusieurs approches permettent de transformer cet ego en levier durable.

1/ Prendre conscience de son rôle réel

Le fondateur doit accepter que son ego est un moteur, mais qu’il n’est pas l’organisation elle-même. L’entreprise n’est pas une extension de sa personne, et le succès dépend de la capacité à créer des relais et à construire une autonomie collective.

2/ Structurer la délégation

Mettre en place des managers et des responsables de confiance permet de répartir le pouvoir et de libérer le fondateur du micro-management. Cela crée une structure résiliente capable de fonctionner même en l’absence du dirigeant.

3/ Favoriser l’écoute et le feedback

Un ego bien géré sait reconnaître ses limites. Encourager les équipes à partager leurs idées, critiques et suggestions, et prendre ces retours au sérieux, renforce la culture d’innovation et améliore la prise de décision.

4/ Aligner l’ego avec la mission

Plutôt que de servir uniquement le besoin de reconnaissance personnelle, l’ego doit être aligné avec la mission et les valeurs de l’entreprise. Les décisions sont alors prises pour l’intérêt collectif et non pour le prestige individuel.

Les risques de ne pas gérer l’ego

Ignorer l’impact de l’ego peut avoir des conséquences graves. Une dépendance excessive au fondateur crée un point de fragilité unique : si le dirigeant tombe malade, prend du recul ou quitte l’entreprise, l’organisation peut vaciller. Les investisseurs, collaborateurs et partenaires perçoivent rapidement cette fragilité, ce qui peut freiner le financement, l’attraction des talents ou le développement stratégique. À l’inverse, un ego bien géré devient un catalyseur : il inspire, mobilise et motive, tout en laissant la place à l’autonomie et à l’innovation.

Cultiver un ego productif

Pour transformer l’ego en atout, le fondateur peut adopter plusieurs pratiques concrètes :

  • Se faire coacher ou conseiller : un regard extérieur aide à identifier les zones de risque et à structurer l’influence personnelle.
  • Mettre en place des comités de décision : partager le pouvoir décisionnel réduit la dépendance à une seule personne.
  • Documenter les process et les connaissances : cela assure que l’entreprise ne repose pas sur la mémoire ou les préférences du fondateur.
  • Encourager la relève : former et responsabiliser des talents clés permet à l’ego de servir la continuité et non de freiner l’organisation.

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