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Entrepreneur

Interview de Boris Saragaglia, Cofondateur de Spartoo

Entretien exclusif avec Boris Saragaglia, cofondateur de Spartoo qui a su s’inspirer des États-Unis pour imposer en France son site de vente en ligne de chaussures, Spartoo

Comment a débuté l’aventure Spartoo ?

J’ai démarré à 23 ans, alors que j’étais à l’école. Personnellement, je crois en deux choses. D’abord, je suis persuadé que les business qui se développent très fortement sur les autres continents finissent toujours par arriver en Europe. Ensuite, j’aime particulièrement les belles histoires qui, pourtant, démarrent de rien. Et je remarque que bien souvent, les fonds d’investissement ne sont pas étrangers à ces succès. J’ai donc étudié les sociétés de capital-risque et j’ai regardé où elles mettaient de l’argent. En décembre 2004, Sequoia Capital et Bank of America ont investi 40 millions de dollars dans Zappos, un site américain de vente de chaussures en ligne. Partant de ce constat, avec mes deux associés et amis Jérémie et Paul, nous avons décidé de lancer le concept en Europe.

Quelles ont été les étapes dans le financement ?

Nous avons levé un premier million d’euros en 2006 avec des business angels, juste avant l’ouverture du site. Puis nous avons réalisé plusieurs levées de fonds successives, dont 4,3 millions d’euros en 2007 auprès de fonds d’investissement français et plus récemment, en 2012, 25 millions auprès du fonds belge Sofina.

Pourquoi avoir mis un pied dans l’entrepreneuriat ?

Je possède un grand goût de la liberté et j’avais la volonté de bâtir une aventure avec des personnes qui partagent les mêmes valeurs que moi. Ce qui devient intéressant, c’est de faire évoluer le projet au fur et à mesure de sa croissance. Au départ, nous faisions preuve d’une grande proximité avec les équipes. Nous avons ensuite recruté de nouvelles personnalités, mis en place un management intermédiaire et évolué dans la lecture de notre business. Progressivement, nous avons développé une multitude d’interactions avec de nouveaux acteurs. Aujourd’hui, les complexités du début ne sont plus les mêmes, car il faut trouver les nouveaux relais de croissance. C’est tout le charme de l’entrepreneuriat.

Vous étiez jeune à l’époque du lancement de Spartoo. N’avez-vous pas eu des difficultés à être crédible sur le marché ?

Si, bien sûr. En France, quand vous êtes jeune et que vous avez un projet ambitieux, personne ne vous fait confiance… Pour être convaincants, nous avons dû combler notre déficit d’âge en recrutant des personnes plus âgées. Nous affichions également un manque d’expérience dans le secteur donc nous avons également renforcé l’équipe avec des personnes issues du milieu de la chaussure. Avec le temps, les gens nous ont apporté du crédit et nous avons fini par convaincre les investisseurs au bout d’un moment. Nous avons mis environ un an et demi à asseoir notre crédibilité. Et encore, nous avions la chance d’avoir réalisé de bonnes études ! Quand vous cumulez la jeunesse et un niveau d’études peu élevé, cela reste difficile de trouver du soutien.

Comment fait-on pour pénétrer un marché qui n’est pas encore mature ?

Il est essentiel de comprendre le client et ses attentes, d’identifier les lacunes sur le marché, ce qui frustre le consommateur. Ensuite, il faut trouver la bonne offre qui correspond à cette frustration. Cela passe par une phase où l’on se convainc soi-même que les demandes des clients peuvent être matérialisées par un produit ou un service concret. Enfin, il demeure crucial de lancer son produit au bon moment, après s’être assuré que la demande existe bel et bien.

Votre siège se situe à Grenoble. Quel regard portez-vous sur ceux qui disent que c’est plus compliqué d’entreprendre en région ?

En ce qui concerne le financement, c’est moins facile d’entreprendre en région, clairement. Sans doute parce qu’il existe un certain copinage parisien. Au dessus d’un certain montant -et il est bas !-, les décisions sont prises dans la capitale. Il faudrait décentraliser au maximum les décisions d’investissements en province, là où les richesses de nos territoires restent fortes. Cela crée beaucoup de frustrations de savoir que les mondanités parisiennes permettent un accès plus facile à des fonds. D’un autre côté, entreprendre en région offre beaucoup d’avantages, dont la capacité de capter des profils internationaux comme à Grenoble. Par ailleurs, en province, les gens n’ont pas les mêmes centres d’intérêts. Les personnes semblent plus loyales, intéressées à leur équilibre de vie. Sur le long terme, recruter ce type de profils est payant.

Quel type de patron êtes-vous ?

Un bon manager doit être assez juste dans la perception du travail de l’autre. Au fur et à mesure de la croissance d’une entreprise, il est important de donner du sens aux équipes, de passer d’expert à responsable stratégique en somme. Très peu de fondateurs parviennent à passer d’un mode start-up à un mode de groupe. Adapter son mode de management à l’évolution de l’entreprise reste incontournable. J’ai essayé de le faire au mieux, en développant ma vision stratégique. Mais je ne néglige pas pour autant le côté manuel, spécifique, proche du cœur de métier. L’essentiel pour moi, c’est que mon entreprise perdure et que je demeure en mesure de recruter les profils qui correspondent à l’organisation de demain.

Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie personnelle ?

Paradoxalement, avec mes associés et amis, nous nous voyons peu en dehors du bureau. Nous partageons les mêmes valeurs mais pas forcément les mêmes centres d’intérêts. C’est important car je considère que la diversité des centres d’intérêt contribue à la richesse des profils. Il faut s’intéresser aux valeurs, mais cela ne veut pas forcément dire que vous passerez vos week-ends ensemble. Entre vie professionnelle et vie personnelle, il n’existe pas « d’équilibre » à proprement parlé. L’important, c’est d’être en phase avec ce qui vous rend heureux, ainsi que votre entourage. Aujourd’hui, la façon dont les choses sont réparties me rend heureux.

Comment voyez-vous votre entreprise dans 50 ans ?

Nous possédons une ambition mondiale depuis le début. Aujourd’hui, 50 % de notre chiffre d’affaires s’effectue à l‘international. Mais pour aller plus loin, nous devons convaincre d’autres actionnaires. Il faut trouver le moyen de pénétrer intelligemment d’autres marchés que l’Europe. Dans 50 ans, j’espère fortement que Spartoo sera présent dans des territoires géographiques différents de ceux d’aujourd’hui.

Les Conseils de Boris Saragaglia

  • Beaucoup écouter ses clients. Une entreprise, c’est comme une pâte à modeler. Elle possède une forme particulière à l’instant T, mais elle prendra une forme différente à T+1, car vous devrez vous adapter au marché. Lancez-vous vite, écoutez les retours des clients et faites évoluer votre offre.
  • Bien comprendre ses valeurs personnelles. Il faut que vous sachiez où se situe l’argent dans vos valeurs. En comprenant où vous placez le curseur, vous serez en mesure de trouver les bonnes personnes, celles qui sont en phase avec vous, pour compléter votre équipe.
  • Ne pas vouloir aller chercher des fonds trop rapidement. C’est un leurre, il faut avant tout construire un business model attractif. Créez d’abord des prototypes, attirez vos premiers clients et allez chercher des capitaux dans un second temps.
  • Créer de l’avantage compétitif. Pour cela, il vous faut développer des indicateurs différents de ceux du marché. Cela peut passer par des évolutions dans vos produits mais aussi par la manière dont vous comprenez votre activité. Essayez de le faire différemment.

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