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CréerEntrepreneurLe B.A. BA de la stratégie

ManoMano voit le bricolage à grande échelle

Implantée au cœur de Paris, à deux pas des Champs-élysées, l’entreprise ManoMano affiche une belle croissance. La place de marché spécialiste du bricolage lancée en 2011 ne s’arrête plus de recruter et les idées fusent dans ses locaux situés avenue de la Grande Armée. Reportage.

La décontraction et le sens de l’humour sont deux caractéristiques que l’on pourrait sans conteste attribuer à Philippe de Chanville. à peine l’entrepreneur nous a-t-il accueillis dans les locaux de son entreprise ce vendredi matin, qu’il s’empresse de nous présenter à l’ensemble de ses 60 collaborateurs, dans un mélange détonnant de plusieurs langues. « Hello Team, voici un journaliste de France 2, i-télé, Europe 1, TF1… qui restera avec nous toute la journée. » Quelques rires de l’assistance, deux ou trois blagues pour détendre l’atmosphère… Le ton de la rencontre est donné.

Une journée structurée uniquement autour des rendez-vous.

La journée débute sur les chapeaux de roue pour le jeune dirigeant dynamique. « Le matin, en général, je travaille chez moi entre 5h et 7h, avant de prendre mon petit-déjeuner en famille » dévoile l’entrepreneur. « J’arrive au bureau entre 8h40 et 9h. Ma journée se compose essentiellement de rendez-vous, que ce soit le matin, le midi ou l’après-midi. 95 % de ces rencontres s’effectuent en interne, avec mes équipes. J’y parle stratégie, management, recrutement. Je considère que la vision d’une entreprise se transmet grâce au temps passé avec les salariés ! »

Réunions le matin…

Ce jour-là, dès 9h, Philippe entame sa réunion hebdomadaire avec Béatrice, brand manager de l’entreprise. Au programme, une discussion stratégique au sujet de la communication, du marketing et des ressources humaines de la boîte. Béatrice a identifié quelques profils susceptibles de convenir à différents postes dans le domaine du social media et du community management. Très encourageant, Philippe semble donner carte blanche à sa collègue sur le point du recrutement.

Alors que se tient en parallèle dans la seconde salle de réunion un point relatif à l’évolution de l’architecture du site internet, l’entrepreneur enchaîne. à 11h30, il a rendez-vous avec Christian Raisson, son associé et ami, à côté duquel il s’est installé au sein de l’open-space. « Nous sommes assis l’un à côté de l’autre car nous pensons que c’est crucial pour avancer en même temps, rester sur la même longueur d’onde et communiquer en permanence ». Philippe précise « Nous nous sommes séparés une seule fois. Nous avons pris deux bureaux différents et cela a posé des problèmes jusqu’à en être malsain pour la boîte. Nous faisons attention à ce que cela ne se reproduise plus. »

Ce vendredi, Philippe et Christian évoquent la mise en place de la mutuelle d’entreprise au 1er janvier, établissent un nouveau processus interne de comptabilité et réfléchissent à l’avancée de leurs sujets RH, de leur évolution à l’international et de leur projet « SuperMano ».

… comme l’après-midi !

Pour Philippe, les réunions s’enchaînent et ne se ressemblent pas. à 12h30, l’entrepreneur déjeune avec une personne en reconversion professionnelle, qui désire s’investir dans le monde des start-up. « Cela fait partie de mon emploi du temps » précise le fondateur. « J’essaye de garder quelques moments pour me mettre à la disposition des gens et aider l’écosystème à se développer. » De retour au bureau en début d’après-midi, pas le temps de souffler. Avec trois collaboratrices, il s’attaque à la préparation du point de 15h30, au cours duquel ils reçoivent leur prestataire Howtank.

L’entreprise leur fournit un outil technologique de tchat communautaire, qui permet à ManoMano d’optimiser la gestion de sa communauté en ligne. Le point est stratégique pour l’entreprise. « Avec Sébastien Foret, le fondateur d’Howtank, nous avons discuté de notre partenariat et évoqué ensemble l’évolution des fonctionnalités du système ainsi que le tarif auquel nous payions le service » détaille Philippe à la sortie de la réunion. à 17h30, les rendez-vous s’achèvent. Philippe retourne à son bureau pour terminer sa journée tranquillement, devant son écran.

Un avenir tout tracé dans la finance ?

L’entrepreneur hyperactif et dynamique d’aujourd’hui n’a pas toujours vécu le même quotidien. Après un parcours dans une prestigieuse école de commerce, Philippe sort diplômé en 2003 et déterminé à entrer dans le monde de la finance. L’entrepreneur détaille : « à 23 ans, je ne voulais absolument pas travailler dans le B to C et je voulais me diriger dans ce que les écoles de commerce considéraient comme « la voie royale ».

J’ai travaillé pour des fonds d’investissement pendant 10 ans, je me suis un peu enfermé là-dedans. Certes, j’ai appris énormément sur la gestion et les problématiques financières d’une entreprise, mais je me suis rendu compte que ce milieu n’était pas vraiment fait pour moi. Je n’apportais pas plus de valeur que certains jeunes de 23 ans qui étaient 2 à 3 fois meilleurs que moi alors que j’avais 10 ans d’expérience… » Il passe 9 ans dans le secteur, mais il ressent que l’action et le terrain lui manquent. En tant qu’ancien chef scout proactif, Philippe ne se sent pas réellement à sa place. Une rencontre va l’aider à sauter le pas.

La rencontre qui va tout changer.

Philippe de Chanville et Christian Raisson ont eu un véritable coup de foudre professionnel. En 2011, ces deux voisins de bureau travaillent dans le monde de la finance quand ils se rencontrent. Très vite, les deux hommes sympathisent et se racontent le lundi leurs bricolages du week-end et partagent leurs photos et bons plans.

Attirés par le bricolage, ils partagent également leur frustration face au manque de choix sur internet. Parallèlement à cette passion, les deux hommes paraissent frustrés par le milieu professionnel dans lequel ils évoluent. « Nous vivions une expérience intéressante, mais pas épanouissante . Christian souligne « Nous avions tous les deux le sentiment que nos centres d’intérêt et nos forces se situaient ailleurs. Nous exprimions tous les deux l’envie de nous lancer dans l’entrepreneuriat. Comme j’avais déjà créé une société au préalable et que la volonté était forte chez nous deux, nous avons décidé de nous lancer ensemble. » L’idée d’une place de marché française spécialisée dans le bricolage et le jardinage germe progressivement en eux. Après un an d’études sur le projet, ils démissionnent ensemble et se lancent dans l’aventure.

L’entrepreneuriat pour s’échapper des contraintes imposées.

Au moment de se lancer, les deux amis prennent des risques. La femme de Philippe est en congé maternité au moment où il décide de devenir entrepreneur. « Certes, il s’agissait à l’époque d’une prise de risque, même si elle était mesurée » précise-t-il. « En anticipant les choses, vous connaissez le nombre de mois de chômage auxquels vous avez droit donc vous savez quand faire le point sur votre activité et vous pouvez vous laisser le temps de trouver une porte de sortie. » Au-delà de cet aspect, l’entrepreneuriat représente pour les deux hommes une manière de renouer avec un environnement de travail sain. « Je désirais arrêter de perde des points de vie à cause d’un stress malsain.

Avec l’entrepreneuriat, nous allions pouvoir décider des contraintes que l’on voulait vivre. » Pour Christian et Philippe, au départ l’objectif n’est pas de devenir un leader mondial. Même s’ils ont depuis revu leurs ambitions à la hausse, initialement, les cofondateurs ambitionnent modestement de créer une boîte grâce à laquelle ils peuvent faire vivre leurs familles de manière raisonnable. En échange d’une liberté et d’une sérénité dans le travail, le jeu semble en valoir la chandelle.

Changer les habitudes de consommation.

Créé en juillet 2012 et officiellement lancé en juin 2013 sous l’identité monEchelle.fr, le site ManoMano rassemble aujourd’hui de nombreux produits de bricolage en ligne, dans les domaines de l’électricité, de la plomberie, la quincaillerie, l’outillage, etc.  Sur un marché qui pèse environ 30 milliards d’euros en France et 188 milliards en Europe, l’entreprise ambitionne de devenir la référence online du bricolage et de rassembler le plus grand choix de produits au meilleur prix. « Il y avait tout à faire sur internet dans le monde du bricolage/jardinage mais personne ne semblait attaquer ce marché ! » explique Christian. « Nous nous sommes lancés sur le modèle d’une place de marché mais nous ambitionnons plus largement de changer les habitudes de consommation en matière de bricolage. »

Le secteur représente le plus gros marché en termes de bien d’équipement des ménages, soit 6 fois la taille de la micro-informatique. Néanmoins, il s’agit du seul marché qui n’a pas évolué en 50 ans et sur lequel internet n’a rien apporté de structurant. « Il existe des tutoriels sur Youtube réalisés par les particuliers, mais cela s’arrête là. Dans ce domaine, personne n’émergeait dans le conseil. C’est cette brique que nous avons voulu apporter. Lorsque quelqu’un voudra bricoler, nous aimerions qu’il ait le réflexe ManoMano au même titre que l’on pense à AirBnb si l’on souhaite se loger. »

Une évolution progressive.

Au tout début de l’aventure, les fondateurs élisent domicile à l’étage -3 d’une tour à La Défense, à côté du local dédié aux poubelles, à deux mètres sous le plafond, sans lumière naturelle… « Christian et moi lavions les toilettes le matin, nous faisions le ménage avant que les salariés n’arrivent » se rappelle Philippe. « Nos épouses apportaient des bouteilles d’eau et le café pour les équipes. »

Les fondateurs embauchent très rapidement leur premier salarié, le CTO, puis travaillent avec une équipe de stagiaires pendant une petite année. Ils se rendent rapidement compte que la stratégie n’est pas viable pour construire quelque chose de durable et qu’il apparaît plus rentable d’investir dans des postes fixes en CDI. à partir de mi-2013, les fondateurs commencent à recruter des profils juniors. Un an plus tard, l’entreprise emploie une dizaine de personnes. En parallèle, les fondateurs amorcent le déménagement des locaux de l’entreprise. Ils s’installent au 33 avenue des Champs-élysées dans un espace de 100 m². « Pour l’anecdote, à ce moment-là, nous avons domicilié l’entreprise au 15 rue de Marignan. Cette adresse correspondait… à l’entrée de service ! » ironise Philippe. « Vu notre activité et nos prix très compétitifs, nous pouvions difficilement demander à nos clients d’envoyer un chèque sur l’avenue des Champs-élysées. Cela n’aurait pas fait sérieux. ».

2015, une année clé

2015 constitue l’année de toutes les évolutions. Dès janvier, les fondateurs recrutent des managers plus expérimentés et l’entreprise passe rapidement de 20 à 60 collaborateurs ! Fin juillet, la société change à nouveau de locaux et les équipes s’installent Avenue de la Grande Armée dans des bureaux de 400 m². Puis, en septembre dernier, les fondateurs entreprennent de changer le nom de leur marque qui s’intitule alors MonEchelle.fr. « Nous avons travaillé avec une agence et cela a pris du temps pour trouver quelque chose qui correspondait à notre esprit » détaille Christian. « Nous en sommes finalement arrivés à choisir ManoMano. Le terme reflète à la fois le côté manuel du bricolage, le côté collaboratif et communautaire de la tâche, ainsi que la possibilité de rayonner plus facilement à l’international. ».

Un management basé sur l’échange.

Pour parvenir à cette réussite entrepreneuriale, les fondateurs n’hésitent pas à baser leur management sur l’échange et la bienveillance. « Nous faisons des points très réguliers avec nos équipes, dont les managers pour qu’ils soient en accord avec notre vision » explique Christian. « Nous essayons d’adopter systématiquement un management bienveillant. Même si nous devons nous séparer de certaines personnes, nous voulons toujours le faire de façon constructive. Nous voulons qu’ils quittent la boîte en ayant compris quelque chose sur eux-mêmes, pour qu’ils puissent ensuite trouver leur place dans leur champ de compétences. ». Seul volet sur lequel les fondateurs avouent ne pas être flexibles : les horaires. « Dans le même ordre d’idée, nous estimons devoir apprendre aux jeunes à devenir le plus employable possible. Nous imposons donc chacun de venir à 9h le matin. En revanche, nous ne poussons pas à rester après 18h le soir » détaille Philippe.

La vie privée comme priorité.

Avec le recul, les deux associés regardent dans le rétroviseur avec satisfaction. « L’entrepreneuriat est une aventure extrêmement enrichissante d’un point de vue personnel » précise Philippe. « Cela change complètement le rapport aux autres et le regard sur le quotidien. Cela apporte beaucoup de confiance en soi, ce qui induit un épanouissement et une sérénité salutaires pour nous, comme pour notre environnement, entre autres familial. ». Rien d’étonnant pour les deux hommes, quand on sait que l’un des objectifs qu’ils s’étaient donnés à la création de l’entreprise consistait à ne pas laisser leur vie professionnelle prendre le pas sur leur vie privée. Le pari semble gagné.

Les valeurs de la boîte

  • Humilité. Dans cette entreprise, pas de « grande gueule » ni de « moi je ». La politique n’y trouve pas non plus sa place. Les fondateurs attachent uniquement de l’importance à la recherche d’efficacité.
  • Bienveillance à l’égard les uns des autres. Ici, pas de querelle de chapelles. Les collaborateurs réalisent de nombreuses activités en commun en dehors des heures de travail et les fondateurs encouragent le fait de ne pas fonder ses relations entre collègues sur des a priori.
  • Enthousiasme. Il s’agit d’une qualité nécessaire pour travailler chez ManoMano ! Naturellement, les collaborateurs qui ne sont pas enthousiastes s’y sentiront mal à l’aise, moins en phase avec l’esprit et le dynamisme ambiant.

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