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Entrepreneur

Ascendance, l’entreprise qui vous fait décoller

Interview de Jean-Christophe Lambert, PDG et co-fondateur d’Ascendance. Après une expérience chez Airbus pendant 9 ans, notamment en tant que responsable du projet E-FAN 2.0, Jean-Christophe Lambert a convaincu ses 3 associés de se consacrer à la décarbonation du transport aérien en lançant en 2018 avec lui son entreprise !

Comment est née Ascendance ?

Ascendance est née de la rencontre des quatre fondateurs (Clément Dinel, Benoît Ferran et Thibaut Baldivia) lors du projet E-FAN 2.0 d’Airbus, qui avait pour objectif la construction d’un avion électrique ayant réalisé la première traversée historique de la Manche en 2015. En 2018, cette idée entrepreneuriale est née de cette volonté de continuer à travailler ensemble sur des technologies pour une aviation plus durable, mais surtout en faveur de l’hybride plutôt que du tout électrique. L’entreprise a rapidement évolué au fil des années et aujourd’hui nous avons atteint la barre des 100 personnes.

Que fait aujourd’hui exactement Ascendance ?

Ascendance développe deux produits. Sterna, une architecture hybride-électrique brevetée, basée sur un mix électrique et thermique fonctionnant avec du SAF (Carburant Durable d’Aviation) ou de l’hydrogène dans le futur. Aussi, nous développons un avion, l’ATEA, à décollage et atterrissage vertical, dont l’objectif sera de transporter des personnes mais aussi d’être utilisé dans le cadre de transports de logistique, de surveillance ou encore de service médical, le tout sur une distance de 400 km.

Quelles ont été les grandes étapes depuis le début ?

L’entreprise a été fondée en 2018, un an après avoir fait voler le tout premier prototype Atea à taille réduite. Nous avons ensuite quitté Paris en 2020 pour Toulouse.
À partir de ce moment-là, tout s’est rapidement accéléré ; en 2021, nous construisions le second prototype d’avion de 4 mètres d’envergure et en parallèle, nous avions déposé le brevet pour Sterna. Nous travaillons actuellement sur le premier vol de l’avion Atea, dont les essais sont prévus pour début 2025.

Qu’est-ce qui vous a décidé à partir à Toulouse ?

Trois raisons essentielles : recrutement, infrastructure et écosystème aéronautique.

Quels vont être les grands défis à venir ?

Le premier vol en 2025, bien sûr, et puis la mise sur le marché en 2028. Après, si nous regardons les défis, cela va être de certifier un nouvel avion avec une nouvelle motorisation et l’industrialiser. Nous allons devoir relever ces grands enjeux qui nous passionnent !

Je suppose que vous avez dû faire des levées de fonds ?

Nous avons réalisé trois levées de fonds : 2 millions, 10 millions, puis 34 millions en mars 2023. La première levée nous a permis de réaliser les prototypes de l’avion à taille réduite, mais également de construire notre équipe autour de 25 personnes. La suivante avait pour vocation de développer différentes pièces de l’avion comme le banc de propulsion au sol ainsi qu’une aile, mais également de structurer notre effectif. Notre dernière levée de fonds nous permet aujourd’hui d’investir sur le premier avion. Pour cela, nous avons densifié les équipes, surtout d’un point de vue commercial, ce qui nous permet de compter aujourd’hui pas moins de 555 lettres d’intention d’achat ainsi qu’un partenariat avec Daher sur l’hybridation.

« Dans une grande structure comme Airbus, il y a un accès à des ressources, une connaissance de base très importante, une expérience très forte et des moyens aussi considérables. Une petite structure, à l’inverse dispose de moins de moyens et a forcément des équipes plus petites, mais vous avez une agilité, une capacité d’innovation et de culture qui est beaucoup plus forte. »

Quelle différence, pour vous entre une grande structure comme Airbus et le fait de vous lancer à votre compte ? Cela n’a pas été un choc, une grosse transition ?

En effet, cela a été une grosse transition. Cependant, il n’y a jamais de configuration parfaite. Nous allons dire que dans une grande structure comme Airbus, il y a un accès à des ressources, une connaissance de base très importante, une expérience très forte et des moyens aussi considérables. Une petite structure, à l’inverse dispose de moins de moyens et a forcément des équipes plus petites, mais vous avez une agilité, une capacité d’innovation et de culture qui est beaucoup plus forte. Il est donc vrai que culturellement, c’est totalement différent.

Quelle a été la plus grande difficulté que vous avez rencontrée et comment L’avez-vous surmontée ?

Je dirais la Covid. Cela n’a pas été simple pour deux raisons. Elle a troublé les marchés financiers, donc en termes de levée de fonds et déploiement financier, c’est devenu compliqué ! En termes de gestion d’équipe, cela n’a pas forcément été simple non plus, mais cela, pour personne. Et puis, à l’époque, nous ne savions pas si le marché de l’aéronautique allait repartir. Il y avait une incertitude qui nous a ralentis. Il était tentant de devenir plutôt conservateurs et d’attendre de voir. Ce n’est pas quelque chose auquel nous nous sommes attendus quand nous avons entrepris. Personne d’ailleurs ne s’y attendait et nous non plus surtout à l’époque car nous venions juste de déménager à Toulouse. Nous n’étions alors que 11 personnes mais ce ne fut pas rien de relever un tel challenge !

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris depuis le début ?

C’est ce que nous sommes capables de faire en ayant fédéré des équipes autour d’un projet, de passer de quatre personnes à 100 aujourd’hui et d’avoir réalisé tout ce que nous avons développé… Nous sommes tous surpris d’avoir pu réaliser autant de choses. Il y a un enjeu, qui est celui de fédérer les bonnes compétences autour de soi, c’est-à-dire la capacité d’atteindre des objectifs ambitieux en équipe.

Et justement comment faites-vous pour fédérer tout le monde ?

Je pense qu’il faut être honnête, transparent et humble, mais il faut être quand même ambitieux. Ce sont ces qualités qui donnent envie aux gens de travailler avec vous ! Il ne faut pas donner le sentiment de tout savoir et d’avoir tout fait, parce que les collaborateurs ne vont pas avoir le sentiment d’apporter de la valeur et quand ils viennent et s’associent au projet, c’est parce qu’ils veulent transmettre et participer. Ils ne veulent pas de personnes qui ne les écoutent pas ou qui pensent pouvoir tout faire toute seules. Je pense que c’est le partage en fait.

Quelles sont les grandes valeurs de l’entreprise

Il y en a quatre. Il y a l’audace : nous nous retrouvons dans les configurations de l’innovation, l’entrepreneuriat. Il y a le respect, c’est là où nous trouvons le respect de l’environnement, mais aussi celui des personnes. Il y a le mérite qui est très important, c’est-à-dire que nous faisons fi du titre ou du passé des personnes. Ce qui compte, c’est ce qu’elles apportent au projet. Ce n’est pas ce qu’elles ont été ou ce qu’elles ont fait, c’est plutôt ce qu’elles sont et ce qu’elles font. Il y a également la simplicité. C’est un peu l’humilité, la simplicité de communication ou encore la transparence. Pour nous, cela rime avec l’efficience. Vous retrouvez cette valeur dans le respect de l’environnement car le respect vaut aussi bien pour les personnes que pour l’environnement.

Vous avez déjà 555 précommandes. Comment avez-vous réussi à convaincre tous vos clients et qu’est-ce qui vous démarque aujourd’hui de la concurrence ?

Nous avons une importante concurrence étrangère, notamment américaine, allemande et chinoise. Cependant nos concurrents sont partis sur un concept d’avion à décollage/atterrissage vertical tout électrique. Ils se positionnent plutôt sur de très courtes distances de 50 à 100 kilomètres, quand nous, nous offrons 400 kilomètres. L’usage est donc différent, parce que nous, nous allons proposer plutôt du city-to-city, de la mobilité plus à une échelle régionale. Quant à eux, ils sont beaucoup plus autour d’une ville. Cela nous différencie et je pense qu’aujourd’hui, les opérateurs, d’une façon globale, d’avion ou d’aviation, sont en train de faire leur mutation et leur transition énergétique. Il existe ainsi un fort intérêt sur ce sujet.

Quels sont les objectifs à venir ?

Le premier vol qui va nous permettre de confirmer un certain nombre de précommandes qui vont être cruciales pour déclencher une phase d’industrialisation pour ensuite arriver à la commercialisation. Actuellement, nous sommes dans une transition d’un projet technologique vers une phase de commercialisation et d’industrialisation. La société va devoir relever ce nouveau défi.

Tout ce qui est impression 3D, cela doit beaucoup vous servir dans votre domaine ?

Elle nous sert surtout sur le prototypage. Nous n’avons pas beaucoup de pièces de l’avion final en impression 3D, pour des raisons de sûreté. Mais en tout cas, nous l’utilisons beaucoup sur des bancs et sur du prototypage rapide. 

3 Conseils de Jean-Christophe Lambert

  • Partager le projet. Parce que c’est ainsi que nous fédérons et je pense que c’est ainsi que nous évitons les erreurs. En nous enfermant, nous nous isolons vers une mono-pensée qui n’est guère propice à l’innovation.
  • S’entourer. Pour réaliser un projet de cette envergure, il faut compter sur les qualités des personnes autour de vous, c’est la clé. Par exemple, nous comptons au sein du board l’ancien CEO de Safran, mais aussi un ancien membre de l’Executive Community de Renault. Nous pouvons donc nous appuyer sur eux, aussi bien pour leur expérience que pour leurs conseils.
  • Être ambitieux. Les projets doivent être ambitieux sinon ils ne seront pas viables. Si nous perdons l’ambition, nous perdons celle du projet. Or, les équipes nous rejoignent parce que nous sommes justement ambitieux. 

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