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Comment bien vérifier les comptes lors d’une reprise d’entreprise

André Paul Bahuon, président de l’Ordre des Experts-Comptables d’île de France

Interview d’André Paul Bahuon, président de l’Ordre des Experts-Comptables d’île de France

Comment aborder une reprise d’entreprise ?

La reprise d’entreprise constitue un projet qui demande un véritable travail de préparation. Loin de l’achat d’impulsion, la reprise exige une réflexion sur soi, ses capacités et ses envies. Une réflexion personnelle donc, mais à partager également avec son conjoint afin de s’assurer de son soutien. Lorsqu’on se lance dans un tel projet, il est indispensable que les bases soient stables sur le plan psychologique. Le futur repreneur ne doit pas hésiter à consulter plusieurs entreprises. Il doit prendre le temps de les comparer pour faire le bon choix.

Quels sont premiers éléments comptables à vérifier lors d’une reprise ?

Quelle que soit la taille de l’entreprise, il existe un certain nombre de renseignements à obtenir absolument de la part du cédant. A minima, celui-ci aura à vous communiquer ses déclarations fiscales ou ses comptes annuels sur deux ou trois années. Il devra également pouvoir vous transmettre une liste de ses clients principaux, de ses fournisseurs, le détail du personnel (de façon à avoir une idée de l’ancienneté des salariés), et une liste de ses contrats majeurs – et particulièrement le bail des locaux. Auparavant un engagement de confidentialité pourra être exigé de sa part. Tout cela peut devenir anonyme, de façon à ce qu’il n’y ait pas de divulgation à la concurrence.

Ce qu’il faut regarder sur les comptes de bilan de l’entreprise

  • Les actifs liquides (les stocks, les clients, les créances-état, de banque et de caisse). Ils doivent être supérieurs aux dettes à court terme (fournisseurs, dettes fiscales, dettes sociales) de façon à s’assurer que l’entreprise ne se trouve pas en état de cessation de paiement potentiel.
  • L’état de vétusté des immobilisations, à savoir les matériels et outillages. S’ils s’avèrent être amortis à 99,5 %, cela signifie que leur ancienneté devient problématique et que le projet de reprise devra tenir compte de la nécessité de les renouveler.
  • Les dettes et engagements de l’entreprise en matière de découvert bancaire ou d’emprunt. Il est intéressant de connaître la personne qui s’est portée caution et qui a apporté des garanties à la banque. Plus généralement c’est déceler tout ce qui est engagement hors bilan.

Dans le cas d’une reprise d’entreprise, tout comme lors d’une création, on ne peut faire l’impasse sur l’aide de l’expert-comptable. Lorsqu’un expert-comptable se trouve à vos côtés dans la création-reprise d’entreprise, vous avez 75 % de chance que votre projet réussisse. Si vous décidez de vous en passer, les chances que votre projet connaisse l’échec sont de l’ordre de 75 % ! N’hésitez pas à faire également appel à un notaire ou un avocat pour les parties du processus de reprise où ils peuvent intervenir.

Dans quelle mesure une entreprise peut-elle tricher sur ses comptes avant une reprise ?

Quand on souhaite réussir à vendre son entreprise, la tendance naturelle reste de vouloir enjoliver la situation. On veut que la mariée soit la plus belle possible !

Si dans les années 70/80, on connaissait une forme de sport national de la tricherie, aujourd’hui les chefs d’entreprise sont enclins à l’éviter. Cependant quelques éléments sont régulièrement « embellis » par le cédant et doivent donc retenir votre attention afin de parer aux tricheries potentielles, une manière de s’en prémunir est d’examiner : l’évolution du chiffre d’affaires sur plusieurs années.

Celle-ci doit refléter une certaine cohérence au fil des années ainsi qu’une logique vis-à-vis de l’évolution du marché :

  • La marge, c’est-à-dire la différence entre les ventes et les achats dans le négoce et les éléments concourants à la valeur ajoutée pour les entreprises de prestation de service. Là encore, c’est la cohérence générale qu’il faut vérifier.
  • Les comptes d’ajustement : les charges et produits constatés d’avance, les produits à recevoir. Ces chiffres représentent une variable d’ajustement obtenue après la clôture d’un compte d’exercice mais dont l’origine se situe avant sa clôture.
  • La rémunération personnelle du dirigeant, lorsqu’il s’agit d’une personne physique ou entrepreneur individuel. La technique fréquemment rencontrée consiste en un accroissement du compte de résultat par diminution du chiffre équivalent au salaire du dirigeant. Le mieux reste alors de juger le résultat de l’entreprise avant rémunération du dirigeant.
  • Les stocks et ce surtout pour une entreprise de négoce. Une étude de la façon dont sont valorisés les stocks et de leur variation permet de ne pas se faire piéger.

Comment déceler une tricherie ou erreur sur les comptes ?

La solution est simple mais trop souvent mise de côté par les entrepreneurs : demander à un expert-comptable de faire un audit de reprise. Accepter d’investir au départ pour se faire accompagner dans le projet représente une vraie sécurité pour la pérennité de l’entreprise. L’expert saura déceler des éléments qui auront pu échapper à votre attention mais qui pourraient vous causer bien des problèmes par la suite : retards de TVA, de charges sociales, prise en compte des indemnités de fin de carrières et du droit individuel à la formation, justesse des calculs relatifs aux congés payés…

Existe-t-il des clauses pour protéger le repreneur d’entreprise ?

Deux grands types de clauses peuvent en effet intervenir.
1. Les clauses de garantie d’actif et de passif : se font sur la foi des déclarations du cédant et les constats réalisés lors de l’audit de reprise et permet de sécuriser la qualité des actifs (ex. clients principaux) et passifs (ex. dettes sociales et fiscales). Si quelques temps après la reprise un client devient défaillant ou un contrôle fiscal mène à un redressement, le repreneur peut être indemnisé par le cédant de l’incidence qui n’avait pas été prise en compte au moment de la revente.
2. La clause d’earn-out : on fixe un prix de cession de base puis, au bout d’un certain temps et en fonction des résultats de l’entreprise, on révise ce prix à la hausse ou la baisse. Cette clause offre la possibilité de s’assurer que les conditions d’exploitations sont demeurées positives et comparables.
Il est conseillé au repreneur de se protéger en insérant au contrat de reprise une clause suspensive liée au financement. On peut en effet se retrouver bloqué dans son projet de développement par déficit de financement bancaire. Attention, cette clause se rémunère.
Propos recueillis auprès de André-Paul Bahuon, président d’honneur de l’Ordre des Experts-Comptables d’île de France, lors d’une interview de Dynamique

À savoir

Le site de l’Agence France Entrepreneurs (AFE) met à votre disposition un outil qui permet de réaliser un pré-diagnostic de votre projet de reprise : /prediagentreprise.fr
Vous pouvez par ailleurs consulter la page dédiée sur le site de l’Agence France Entrepreneurs (AFE), afin de prendre connaissance de la liste complète des documents utiles pour réaliser le diagnostic de l’entreprise que vous souhaitez reprendre, ainsi que concernant les moyens de se les procurer.
Le site de l’AFE propose de se poser des questions fondamentales afin de réaliser effectuant un diagnostic complet, selon 6 thèmes. « Celui-ci doit vous permettre d’avoir l’intime conviction que l’entreprise… peut faire l’objet d’un plan de reprise réaliste. »
1. Le diagnostic des moyens
2. Le diagnostic de l’activité

3. Le diagnostic financier
Le diagnostic humain a une grande importance car il met en évidence les compétences productives de l’équipe en place ou ses carences.
4. Le diagnostic juridique
Le diagnostic juridique est un exercice très important, mais délicat à réaliser ce qui conduit à recommander l’assistance d’un professionnel du droit même s’il est indispensable pour le candidat repreneur de prendre par lui-même connaissance des contrats et des clauses essentielles.
5. Le diagnostic qualité, sécurité, environnement (QSE)
6. La découverte trop tardive de non-conformité peut avoir des conséquences désastreuses pour l’entreprise. A l’inverse découvrir que la mise aux normes est conforme à la législation peur être un élément favorable dans la décision de reprendre.

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