Les dirigeants de PME et d’ETI françaises commencent à revoir leur rapport aux outils numériques. Alors que les dernières années ont vu se multiplier les logiciels métiers, plateformes collaboratives et solutions SaaS, l’effet cumulé de cette surabondance devient contre-productif. Trop d’interfaces, trop peu d’intégration, des usages partiels, une perte de temps croissante. Plusieurs entreprises ont décidé de réduire volontairement leur parc applicatif. Cette démarche, loin d’être conservatrice, répond à une exigence d’efficacité opérationnelle et de confort de travail.
Rationaliser pour retrouver de la lisibilité
Accumuler des logiciels au gré des besoins ponctuels conduit à un écosystème morcelé, difficile à piloter. Les doublons s’installent : plusieurs CRM cohabitent, des plateformes d’emailing se chevauchent, des outils de gestion de projets sont utilisés sans coordination ni logique d’ensemble. À mesure que la stack s’épaissit, le temps passé à basculer entre les interfaces dépasse parfois celui dédié à l’activité elle-même.
La Redoute a engagé ces dernières années une démarche de simplification de son écosystème digital interne, dans le prolongement de sa transformation omnicanale. Des audits ciblés ont permis d’identifier les outils redondants ou sous-utilisés et d’envisager leur regroupement autour de plateformes mieux intégrées. L’objectif visait une meilleure lisibilité des processus métiers et une réduction de la charge administrative pour les équipes transverses.
Réduire les coûts masqués des licences inutilisées
Un parc logiciel étendu implique des coûts d’abonnement souvent sous-évalués, surtout lorsque les outils sont sous-utilisés ou activés pour quelques utilisateurs seulement. Les directions financières redécouvrent l’importance de suivre finement le cycle de vie de chaque licence : souscription, renouvellement, taux d’usage, pertinence métier.
ManoMano a ainsi structuré une cellule de pilotage transverse dédiée à l’usage des outils numériques. L’analyse des accès a permis de repérer des doublons entre logiciels de planification et outils de reporting, et d’éliminer une trentaine de licences inutilisées. Les économies réalisées ont été réinjectées dans des actions de formation ciblée pour augmenter l’adoption réelle des outils conservés. Cette rationalisation a également facilité le dialogue avec les éditeurs, permettant une renégociation plus juste des contrats.
Restaurer la maîtrise des données d’entreprise
Lorsque les outils se multiplient, les données se fragmentent. Les référentiels se dédoublent, les erreurs de synchronisation se multiplient, les extractions manuelles deviennent quotidiennes. L’information n’est plus suivie, mais reconstituée. Cette dispersion technique mine la qualité décisionnelle, freine l’automatisation et rend chaque reporting plus fragile.
Decathlon a fait évoluer sa stratégie d’outillage RH en consolidant plusieurs plateformes en une seule interface orientée parcours collaborateurs. L’objectif allait au-delà de la simplification ergonomique : il s’agissait de créer une continuité entre le recrutement, l’intégration, la formation et l’évolution interne. Ce réagencement a permis de détecter rapidement les modules inefficaces, d’enrichir les plus pertinents, et d’unifier la donnée RH à l’échelle du groupe.
Alléger la courbe d’apprentissage pour les équipes
Chaque nouvel outil introduit une logique, une terminologie, une interface à assimiler. Lorsque les environnements numériques deviennent trop nombreux, les équipes passent davantage de temps à comprendre les outils qu’à les utiliser. Ce frein à l’efficacité est particulièrement pénalisant pour les structures industrielles ou artisanales, où le temps disponible pour les tâches administratives est limité.
Dans de nombreuses PME industrielles, comme celles du secteur de la fabrication d’équipements ou de composants spécialisés, la tendance est à la centralisation des outils métiers dans des plateformes intégrées. Ce choix vise à limiter les erreurs de saisie, à réduire le temps de formation sur les postes opérationnels, et à assurer une cohérence entre les fonctions production, logistique et suivi client. La fluidité des enchaînements techniques prime sur l’accumulation fonctionnelle.
Réconcilier informatique et culture d’entreprise
Lorsque les outils sont choisis sans concertation, le numérique devient un objet d’injonction plutôt qu’un levier partagé. Les équipes opérationnelles peinent à s’approprier des solutions conçues sans prise en compte de leurs contraintes. Réduire le nombre de logiciels permet souvent de réinstaurer une cohérence entre les process et l’organisation.
Picard Surgelés mène depuis plusieurs années des projets de simplification de ses flux entre magasins et siège, notamment autour des outils de planification et de gestion des stocks. L’amélioration de ces connexions a permis de renforcer l’autonomie des responsables de points de vente, en facilitant la circulation d’informations utiles au quotidien. Ce repositionnement opérationnel participe à une appropriation plus fluide des outils digitaux par les équipes terrain.
Stabiliser l’environnement technique avant de se projeter
Face aux sollicitations permanentes des éditeurs et à la pression des tendances technologiques, certaines entreprises choisissent de consolider l’existant plutôt que d’innover à tout prix. Ce positionnement permet d’identifier les fonctionnalités non exploitées des outils déjà en place, de les renforcer par des intégrations ou des automatisations internes, et de documenter les bons usages avant tout changement.
Crouzet, acteur industriel reconnu pour ses composants électromécaniques, a préféré retravailler les interconnexions de ses outils qualité plutôt que d’adopter une nouvelle plateforme. Cette approche a permis une montée en efficacité sans rupture technologique, en s’appuyant sur des briques maîtrisées et robustes. Le service informatique a mis en place des sessions de partage d’usages pour aligner les pratiques entre sites et capitaliser sur les configurations les plus performantes.