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Entrepreneur

Interview de Odile Broglin, Cofondatrice de people&baby

Odile Broglin (OB) et Christophe Durieux (CD), en couple à la ville comme dans le monde professionnel, ont cofondé la société people&baby, spécialisée dans la gestion et la création de crèches. Interview croisée.

En deux mots, quels sont vos parcours professionnels ?

OB : Je suis infirmière puéricultrice et j’ai été directrice de crèche dans la fonction publique hospitalière. En 2003, j’ai décidé de prendre un congé parental pour la naissance de mon deuxième enfant et j’ai réfléchi au développement d’une crèche où je posséderais plus d’indépendance et d’autonomie de décision, d’où l’idée de créer people&baby. Je me suis associée avec mon conjoint parce que je n’avais pas la connaissance du monde de l’entreprise et de ses aléas en termes de gestion financière.

CD : Pour ma part, j’ai plutôt un parcours d’entrepreneur. J’ai monté quelques PME dans le secteur de la communication B to B pendant une dizaine d’années. En 1993, j’ai fondé le Groupe Equation, spécialisé en communication RH hors media, que j’ai cédé en 2002 à la société Altedia, dirigée par Raymond Soubie. J’ai collaboré avec eux pendant une petite année, avant de replonger dans l’entrepreneuriat et l’indépendance.

Pourquoi s’être lancé dans le secteur de la petite enfance avec People&baby précisément ?

CD : à cette époque, la législation sur les modes de financement des crèches était en train de changer. Les entreprises avaient désormais accès à un crédit d’impôt si elles réservaient des places pour leurs collaborateurs. Parallèlement, de nombreux DRH en recherche d’emploi venaient voir Odile pour ses compétences de directrice de crèche et la sollicitaient pour des conseils, dans l’objectif de monter un business sur ce nouveau marché qui était en train de s’ouvrir. En ayant vu défiler 5 ou 6 DRH à la maison en à peine 6 mois, nous nous sommes dit que les crèches d’entreprises représentaient un créneau porteur. Avec l’un des DRH que nous avons rencontré, nous avons décidé de lancer l’entreprise qu’il a quittée ensuite.

OB : Les DRH cherchaient auprès de moi une expertise du domaine de la petite enfance. Ils voulaient obtenir des informations très pratiques : dimensionnement des équipes, métres carrés nécessaires à l’établissement d’une crèche… J’avais eu la chance de participer à la création de la crèche intégrée à l’hôpital Georges Pompidou à Paris, donc j’avais réponse à leurs questions. Personnellement, je ne suis pas entrepreneure dans l’âme mais j’avais été un peu déçue par les lourdeurs administratives de mes précédents postes. Je désirais obtenir mon indépendance et mon autonomie professionnelle. En ce sens, l’entrepreneuriat constituait en quelque sorte un passage obligé. Christophe a amené le sujet sur la table et j’ai suivi !

Comment s’est structuré le développement de la boîte ?

CD : Nous avions décidé de prospecter avant la création pour s’assurer la signature d’un ou deux clients au préalable. Le groupe Total nous a confirmé à l’été 2004 qu’ils travailleraient avec nous pour leur crèche à la Défense. Nous avons monté le projet à partir de là. Puis, pendant les six premiers mois, nous avons pris beaucoup de rendez-vous commerciaux. En parallèle des clients privés, les villes ont lancé des marchés publics pour déléguer la mise en place de leurs crèches.

Nous y avons répondu et nos dossiers ont rapidement été gagnants, ce qui nous a permis d’assurer l’obtention de marchés qui durent de 3 à 5 ans. La Ville de Paris a été l’un de nos premiers clients publics. Cette double clientèle privée/publique nous a assuré un bon décollage. Au bout de 3 ans, nous nous sommes retrouvés à la tête de 200 à 300 collaborateurs. Côté financement, nous avons ouvert notre capital il y a 5 ans à Bpifrance et au CIC Finance, qui ont pris 30 % du capital. Il était prévu qu’ils sortent du capital fin 2015. Nous avons racheté leurs parts et repris le contrôle de 100 % du capital de l’entreprise en novembre dernier.

Reprendre le contrôle du capital était-il pour vous une façon de ne plus avoir les mains liées par des investisseurs ?

CD : Nous n’étions pas en conflit avec nos investisseurs. à leur entrée dans le capital, il est prévu qu’ils puissent en sortir au bout de 5 ans avec une plus-value. Cela dit, nous aurions pu faire entrer un nouveau fonds. Le problème, c’est que ce dernier nous aurait demandé de pousser la rentabilité au maximum pour maximiser sa propre plus-value au moment de sa sortie. Or, nous considérons que dans les métiers de la petite enfance, même si la rentabilité reste essentielle, avoir une pression économique peut nuire à la qualité d’encadrement des enfants. Dans la mesure où il s’agit d’un métier où l’on travaille pour les familles, nous voulons garder le contrôle sur nos actions. Nous souhaitons notamment avoir la possibilité, si l’occasion se présente, de nous rapprocher d’un autre acteur et de faire de la croissance externe. Cela nous donne une liberté d’action et de décision.

Odile, qu’avez-vous appris sur l’entrepreneuriat ?

OB : Que c’était beaucoup de travail et d’exigence au quotidien ! Quand vous avez la chance de créer une entreprise à forte croissance, il faut suivre le rythme. Cela m’a obligée à prendre des casquettes différentes, à apprendre les techniques de management notamment.

Quelle est la casquette la plus difficile à enfiler ?

OB : Sans conteste, l’exercice le plus périlleux au quotidien consiste à maintenir le cap de « nos valeurs initiales » tout en tenant compte des impératifs nécessaires à la croissance de l’entreprise. Il faut placer le curseur au bon endroit entre le meilleur choix à faire pour les enfants et la réalité économique. Dans la mesure où nous sommes un couple d’entrepreneurs, nous pouvons en parler facilement et en toute confiance.

Qu’avez-vous appris sur le secteur de la petite enfance au cours de votre aventure ?

OB : C’est un secteur passionnel pour moi. J’apprends encore tous les jours. Ce qui est sûr, c’est que le monde de la petite enfance a énormément évolué et cela me passionne d’innover pour répondre à la demande. Je dis souvent que les besoins des enfants n’ont pas changé depuis des décennies, mais que les besoins des familles, si !

CD : J’ai appris à appréhender ce secteur et je me suis fait surprendre par une dynamique que je n’imaginais pas. D’abord, c’est un métier qui a énormément changé ! Ce que l’on fait dans les crèches aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce que l’on y faisait il y a 10 ans. Tous les professionnels qui travaillent dans ce secteur sont des gens passionnés et engagés ! Pour ma part, je n’ai pas une expertise aussi fine que cela. Je connais les besoins essentiels des enfants, mais j’ai découvert d’autres aspects du métier.

Les rôles ont l’air bien définis entre vous. Quelles sont les clés pour réussir à entreprendre en couple ?

OB : Il est important que chacun garde son domaine de compétences, et que l’un et l’autre se fassent confiance pour aller vers un but commun. Plus concrètement, entreprendre en couple requiert une organisation matérielle bien rodée pour accompagner les enfants à l’école à l’heure, aller les récupérer, etc. L’association fonctionne bien aussi parce que nous ne travaillons pas tout le temps ensemble. Même si nous considérons qu’entreprendre en couple est une chance, nous avons conscience que c’est facile à dire pour nous car people&baby a du succès ! Si ce n’était pas le cas, peut-être serait-ce différent…

CD : Nous n’avons pas tout le temps besoin de nous consulter pour savoir quelle est la décision de l’autre. Sur certains sujets, comme le débat entre l’économie et la qualité de l’offre, entreprendre en couple est une vraie chance, car chacun défend ses arguments et fait réfléchir l’autre. Cela nous permet de trouver un bon équilibre et de proposer une offre toujours qualitative.

Quand on entreprend en couple, on ramène forcément les problèmes professionnels à la maison…

OB : Bien sûr ! Parfois, nos deux enfants en ont clairement assez de people&baby ! Quand on part en vacances, nous sommes l’un et l’autre connectés. Mais je n’ai pas le sentiment que cela pose des problèmes. De toute façon, en tant qu’entrepreneur, il n’y a pas vraiment de frontière entre la vie privée et la vie professionnelle.

CD : Le professionnel n’interfère pas tant que cela négativement sur le privé car avec notre expérience, nous avons naturellement développé une maturité sur ce point. Nous savons faire la frontière entre les deux sphères. Nous n’aimons pas parler « boulot » le vendredi soir. La porte professionnelle se ferme le temps du week-end pour ne s’ouvrir à nouveau que le dimanche soir afin d’évoquer les échéances à venir dans la semaine. Bien sûr, il existe des périodes de difficultés, des moments tendus où nous sommes obligés d’échanger le week-end. Mais globalement, nous prenons du temps pour nous. Peut-être que si nous avions 25 ou 26 ans, nous ferions l’erreur de ne penser qu’à notre projet, de consacrer trop de temps au professionnel. Mais à nos âges, 44 et 48 ans, nous avons du recul.

4 Conseils d’Odile & Christophe

  • Rester curieux et créatif pour identifier des opportunités de business.
  • Partir des besoins d’un client ! Souvent, les entrepreneurs se disent : « je vais trouver la bonne idée pour lancer la bonne société, puis trouver les clients ». En réalité, se lancer avec un client permet de trouver un business plan en s’appuyant sur ses besoins. L’important n’est pas tant de trouver la bonne idée mais d’avoir des relations qui peuvent devenir des clients et de montrer que vous êtes capable de leur vendre une solution.
  • Oser se lancer et combler ses peurs. Au départ, je [Odile] ne connaissais pas le milieu de l’entrepreneuriat. C’était un peu angoissant de se lancer dans l’inconnu, de ne pas maîtriser les chiffres, le management, etc. Nous avions peur de ne pas être crédibles, mais nous avons progressivement apporté des réponses à ces peurs en recrutant des gens sérieux et efficaces.
  • Bien s’entourer, d’un ou plusieurs associés et de collaborateurs efficaces.

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