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EntrepreneurLe B.A. BA du créateur

Blablacar, L’entreprise où on ne fait pas que parler

Le célèbre service de covoiturage, BlaBlaCar, nous ouvre ses portes le temps d’une immersion dans l’entreprise. Visite guidée dans une entreprise où il fait bon vivre.

Il est aux alentours de 10h du matin quand nous arrivons dans les locaux de BlaBlaCar. L’accueil est sobre et épuré. Le vaste hall nous donne immédiatement une impression d’entreprise comtemporaine. D’autres occupants de renom cohabitent au sein du même immeuble. Parmi eux, Facebook et Devialet. Après avoir franchi l’entrée, nous rejoignons Laure Wagner, la première salariée de l’entreprise, dans l’espace dédié dit « Blablavillage », qui porte bien son nom et qui est situé au RDC de l’immeuble.Elle nous accueille avec le sourire et nous indique que l’entreprise organise des petits déjeuners chaque vendredi pour ses collaborateurs. à notre entrée dans l’espace en question, nous remarquons plusieurs photographies, qui nous interpellent. Il s’agit des collaborateurs « ambassadeurs » que nous avons le plaisir de retrouver autour des viennoiseries. Le petit déjeuner, composé de produits bio et non bio, représente une occasion de « faire connaissance avec les autres services » et de « partager des moments ensemble » nous confie Laure. L’ambiance chaleureuse nous permet de nous intégrer rapidement aux équipes, très accueillantes, en ce début de matinée. Une fois terminé, nous empruntons un ascenseur moderne. Pendant ce bref voyage, nous apprenons que les équipes sont réparties sur différents open-spaces.

Des débuts pas si faciles.

Si aujourd’hui l’entreprise a bel et bien grandi, elle a traversé par bien des étapes. L’idée est venue à Frédéric Mazzella au moment de Noël, alors qu’il n’avait pas réussi à trouver de place dans le train pour rentrer chez lui, passer les fêtes en famille. Pendant trois ans, il travaille seul sur le projet et fait la rencontre de Francis, en 2006, par l’intermédiaire d’un voisin. Il s’agit de l’un des moments clés de l’entreprise. L’arrivée de ce dernier « a donné l’impulsion nécessaire renfermant la possibilité de développer une version mobile et de rendre la plateforme dynamique ». L’idée se transforme alors en un vrai service pour le grand public. L’année suivante, Frédéric rencontre Nicolas à l’Insead, où ils définissent un business plan pour les dix années à venir. Ils planifient tout mais, aujourd’hui, force est de constater qu’ils sont allés bien plus loin qu’ils ne l’avaient imaginé. D’autres éléments comme les levées de fonds ont représenté « des accélérateurs », nous confie Laure. Mais, s’il en retient un, c’est bien celui de 2012 auprès d’Accel Partners  pour conquérir l’international : « c’est le moment où nous sommes passés d’un petit site de covoiturage en France à BlaBlaCar, leader du covoiturage européen ».

Une association qui a fait du bien.

Sa meilleure décision ? C’est « de ne pas avoir voulu être le seul et unique chef à la tête de l’entreprise, mais de partager celle-ci avec d’autres cofondateurs », il est fier d’avoir constitué un véritable trio. Laure (Wagner) nous confirme qu’il s’agissait d’une équipe de départ très complémentaire pour lancer et scaler une startup  « L’un détenait la vision de la confiance et du produit (Frédéric), l’autre maniait la technique en charge (Francis) et le dernier (Nicolas), s’occupait des levées de fonds et de l’internationalisation ».

Le bon vivre chez BlaBlaCar.

Nous poursuivons notre discussion et nous apprenons que le bon vivre, « c’est son travail ! ». Pour elle, la règle est simple « Il faut que les personnes se sentent bien dans leur tête et dans leurs baskets ». Comment se sentir bien dans sa tête ? « Un bon management, une vision claire et transparente de l’entreprise mais aussi de la mission au niveau de l’équipe », chaque « Tribe » a d’ailleurs son leitmotiv écrit sur son mur. Pour elle, l’important est qu’« on sache ce que l’on fait, qu’il n’y ait pas de doutes mais de beaux challenges », même s’il demeure important de « laisser libre court à la créativité, que les collaborateurs ne deviennent pas seulement des exécutants de décisions qui viennent du haut ». Si les grandes lignes sont ainsi définies par les fondateurs, les salariés sont également impliqués. Pour définir la « road map » 2017 à 2019, l’ensemble des équipes a reçu un « business case ». Réunies en « workshop » par équipe ou cross équipe, des propositions ont, de la sorte, pu être émises afin d’atteindre les objectifs. Laure nous rappelle que « chaque Tribe est autonome et définit sa road map, son planning, ses priorités ». Mais si les équipes sont bien dans leur tête, c’est avant tout grâce à « la transparence et aux Blablatalk ». Ayant lieu chaque mercredi, les Blablatalk permettent aux équipes de venir à tour de rôle présenter les projets sur lesquels elles travaillent, leurs objectifs et leurs missions. Enfin, être bien dans ses baskets implique qu’il y ait « la confiance et le fait de se connaître ». Suivant cette logique, sont organisés, des petits déjeuners chaque vendredi (comme celui auquel nous avons participé), un break annuel, des soirées tous les deux mois, des « afterwork » le jeudi soir, ainsi que le blabla lunch tous les mercredis, où un tirage au sort détermine avec quelle personne on va échanger et donc partager la table. « Il s’agit du côté humain qui fait partie des valeurs de l’entreprise et qui consiste à être à l’aise, être soi-même. » Du côté des valeurs, Laure nous confirme que « l’équipe se les sont appropriées ».

Une ambiance chaleureuse.

Chez BlaBlaCar, on s’occupe de la déco. Une ambiance aire de pique-nique avec des bancs en bois, des couleurs, ou encore des stickers collés aux murs forment une sorte de signalétique. L’idée demeure de créer du lien avec les autres tout en évoluant dans un contexte agréable. Dès le premier jour, des videos d’eLearning destinées à l’intégration des nouvelles recrues sont diffusées pour mieux comprendre comment fonctionne l’entreprise et ne pas s’y perdre car elle compte désormais plus de 500 collaborateurs.

Un changement de business model.

Un autre moment clé pour l’entreprise fut celui de la réservation en ligne. Il s’est révélé être un grand moment de stress car « nous avions levé des fonds en pitchant que nous serions capables de mettre en place un système de réservation en ligne. Autrefois, le règlement se faisait directement auprès du conducteur mais cela engendrait de nombreux problèmes comme des annulations de dernière minute par les passagers ». Ce modèle économique de base avait pourtant déjà été pensé depuis 2007 mais un business model d’attente en B to B avait dû être mis en place en attendant que 10 à 15 personnes rejoignent l’équipe. Le jour du changement de modèle économique, « on s’est dit que c’était un grand défi stratégique ! », assure Laure. Certains passagers voulaient encore payer dans la voiture alors il a fallu faire un grand travail d’éducation sur les vertus de ce nouveau système. à l’inverse, l’équipe de BlaBlaCar reçoit des critiques positives des conducteurs. « Il faut comprendre qu’un tiers des passagers ne venaient pas et certains conducteurs avaient pris l’habitude de faire du surbooking », et ce sont les conducteurs qui finalement deviendront les premiers ambassadeurs de la réforme. « Ils ont fait de la pédagogie pour nous en expliquant les problèmes engendrés sous l’ancien système. Malgré tout, ce fut une période difficile où on a vu certains membres créer des sites parallèles gratuits. Mais finalement la fiabilité du service rendait celui-ci attractif pour les conducteurs et les passagers ont suivi. Cela a marché car on apportait un véritable service doté d’un décompte des places en temps réel, de SMS ainsi que d’un récapitulatif envoyés par email la veille ».

… Mais aussi de rôle pour le fondateur.

Seul en décembre 2003, le fondateur fait la rencontre de Francis trois ans plus tard. Au début, Frédéric était « très couteau suisse et faisait tout ». Mais, du jour au lendemain, il a pu lâcher le code qu’il a confié à son associé, très compétent dans ce domaine. Laure nous confirme qu’aujourd’hui, Frédéric aime transmettre sa vision et a mis en place une culture de la transparence. Il aime théoriser ses pensées comme il l’a fait avec les piliers de la confiance DREAMS ou ses articles sur Linkedin autour de l’histoire et de l’évolution de BlaBlaCar.

La consolidation de l’entreprise.

Aujourd’hui, « l’entreprise ne développe pas d’autres pays et s’organise. Il ne s’agit plus de lever des fonds mais de consolider ce que nous avons bâti. Nicolas et Francis sont les managers de 22 pays dans lesquels nous pouvons progresser », nous raconte un des membres de l’entreprise. L’objectif ? Croître dans certains pays, où ils sont à l’heure actuelle quelques centaines de milliers de membres pour faire du covoiturage un nouveau réflexe de déplacement. Et si l’entreprise peut prendre son temps, c’est parce qu’elle a battu son concurrent, Tripda, le copy cat de rocket internet qui se lançait partout où l’entreprise n’y était pas. Laure nous raconte ainsi : « Ils se sont lancés dans 13 pays très rapidement, du coup une course au planté de drapeaux s’est engagée entre nous sous le principe du « Winners takes all ». Ils ont rapidement brûlé leur budget et ont fermé début 2016. Sensibiliser au covoiturage prend du temps et s’avère coûteux, c’est pourquoi nous ne sommes pas encore rentables ». Si l’information peut surprendre, Laure nous rappelle qu’il s’agit « d’un choix puisque nous investissons dans l’amélioration du produit ou dans la communication afin de faire connaître le service, sur des campagnes de communication pour évoluer rapidement dans un pays… »

Une nouvelle organisation de l’entreprise.

Autre moment stratégique : la mise en place d’une nouvelle organisation. Il faut dire que l’entreprise a fortement évolué. Au début, structurée de manière classique, les entrepreneurs se lancent dans un important travail de réflexion et de veille pour réorganiser l’entreprise. « Nous nous sommes dit que nous allions remettre à plat notre organisation et faire en sorte que les gens travaillent par « tribe ». Nous avons commencé par une première équipe pilote puis, comme l’essai s’est montré concluant, toutes les équipes sont passées à cette organisation ». Laure nous raconte les origines du changement : « Le problème est que les équipes étaient réparties par métier et non par projet. Ce système ralentissait l’entreprise. Nous avons décidé de mélanger les compétences pour créer des sortes de mini startups en interne dédiées à un grand besoin identifié de la communauté. Et cela marche beaucoup mieux. Cela développe plus de mobilité car il peut y avoir des besoins dans une tribe à un certain moment et il y a de la mobilité entre tribe. Nous essayons tout de même de mixer les profils pour avoir toujours un junior et un sénior même si le choix final se fait lors de réunions. Après, globalement, les gens restent affectés à une tribe de base et donc spécialisés. »

Une stratégie qui reste conforme aux valeurs.

On l’aura compris si l’entreprise a bien évolué, elle reste conforme à ses valeurs, piliers qui permettent de « connaître la bonne direction à suivre et de prendre des décisions sur le long terme ». Laure s’étend sur le sujet : « il est difficile de savoir dans quelle direction aller sans valeur car il faut toujours être à la pointe de l’innovation et ne pas être un simple suiveur. Pour nous situer, il nous faut donc une direction et les valeurs en sont une. Ainsi, « In trust we trust » nous indique que nous devons aller vers toujours plus de confiance. Et ces valeurs, elle y croit et se sent bien dans l’entreprise : « ce que j’aime, c’est le projet. Ils se sont bien fait avoir, j’aurais pu être bénévole pour BlaBlaCar puisque je travaillais, à l’époque, au ministère de l’écologie (ndlr : BlaBlaCar étant connue pour réduire les émissions de gaz à effet de serre grâce à son principe du covoiturage). », nous lance-t-elle tout en nous rappelant le moment le plus agréable de l’entreprise, en 2011, lorsque « celle-ci atteignait le million de membres et qu’ils regardaient le compteur ». Aujourd’hui, les millions s’enchainent et c’est mérité.

Les valeurs de l’entreprise

  1. We Are Passionate We Innovate : « nous sommes passionnés, nous innovons ». « Nous sommes passionnés par notre activité. La passion stimule l’innovation. Nous sommes une équipe passionnée utilisant nos cœurs et notre cerveau pour faire du monde un meilleur endroit »
  2. In Trust We Trust « dans la confiance nous croyons ». « La confiance est la condition nécessaire pour libérer le pouvoir de partage à l’échelle. Confiance entre pairs, confiance dans notre plate-forme, confiance dans notre équipe. Donc la confiance est finalement c’est ce en quoi nous croyons, et ce que nous nous efforçons de construire et de préserver. »
  3. The Member Is The Boss : « le membre est le patron ». BlaBlaCar est avant tout une communauté. Nous vivons pour et par nos membres. Nous veillons à ce que nous n’oublions pas que tout ce que nous faisons doit viser à rendre leur expérience plus transparente et agréable.
  4. Think It Build It UseIt : « Pense-le, construits-le, utilises-le ». La seule façon de comprendre et d’améliorer continuellement un service est de l’utiliser. C’est un élément crucial de notre capacité d’anticiper et de répondre aux besoins de notre communauté.
  5. Share More Learn More : « Partage Plus, apprends plus ». Les membres de notre équipe sont encouragés à partager systématiquement leurs connaissances à travers l’entreprise afin que chacun puisse en bénéficier, comprendre toutes les dimensions de notre activité et se sentir inspiré par un environnement qui permet l’apprentissage continu.
  6. Fail Learn succeed : « échoue, Apprends, réussis ». L’échec est inhérent au processus d’apprentissage. Nous ne devons pas craindre d’échouer, sinon nous empêcherons l’innovation. Il est important d’apprendre de ses erreurs, d’en tirer les leçons nécessaires, d’en partager les raisons, et d’en sortir grandi, prêt pour de nouveaux défis.
  7. Done Is Better Than Perfect : « Fait, c’est mieux que parfait ». Notre culture d’entreprise est axée sur l’amélioration du service au quotidien ainsi que l’évaluation et l’intégration continuelles des retours et suggestions de nos membres.
  8. Vanity Sanity Reality : « Vanité, sain, réel ». Ne soyez pas aveuglés par des gros chiffres de l’ordre de la vanité. Afin de croître, vous devez regarder les bonnes métriques, celles qui représentent la réalité, puis les améliorer.
  9. Never Assume Always Check : « Ne suppose jamais, vérifie toujours ». Avec 40 millions de membres dans 22 pays on ne peut plus baser nos décisions sur des intuitions. Nous vérifions nos hypothèses avec des datas ou du benchmark pour éviter d’investir nos ressources dans la mauvaise direction.
  10. Fun&Serious : « Marrant et sérieux ». On peut se permettre d’avoir une ambiance très fun dans l’équipe seulement si chacun travaille de manière sérieuse à son poste. Le respect mutuel permet une collaboration plus détendue et de profiter de chaque moment.

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