Dans une petite salle de réunion d’une start-up parisienne, l’équipe marketing tourne en rond autour d’un problème devenu courant : leur dernière campagne avec un influenceur “star” n’a presque rien donné. Pas de pic de ventes. Pas d’engagement massif. À peine quelques commentaires polis. La scène, qui aurait paru improbable il y a encore trois ans, s’est banalisée. Et elle raconte à elle seule ce qui est en train de se jouer dans le marketing d’influence.
Depuis 2024, un glissement s’opère. Discret d’abord, puis brutal. Les audiences se fragmentent, les attentes évoluent, les codes s’affinent. L’influence n’a pas disparu. Elle a simplement pris une autre forme, plus exigeante, plus crédible et surtout, plus humaine.
1/ La fin de l’audience pour l’audience
Pendant presque une décennie, les chiffres ont dicté les choix : plus un influenceur avait d’abonnés, plus sa parole était considérée comme rentable.
Mais en 2025, la music change.
Selon une étude publiée en février 2025 par HypeAuditor, les campagnes menées auprès de macro-influenceurs (plus de 500 000 abonnés) affichent un taux d’engagement moyen de 1,2 %, en baisse de 20 % par rapport à 2022.
À l’inverse, les collaborations avec des micro-communautés (entre 5 000 et 50 000 abonnés) affichent une progression spectaculaire : 5,4 % d’engagement moyen, portée par des audiences plus fidèles, plus réceptives, plus ancrées dans le réel. Mais derrière les chiffres, il y a un phénomène de fond : la confiance, devenue le critère principal.
Une enquête menée à l’automne 2024 par l’institut OpinionWay révélait déjà que 68 % des consommateurs français ne croient plus aux contenus trop scénarisés. Un rejet qui pousse les marques à repenser leurs partenariats. On ne cherche plus simplement un “visage”, mais un interprète crédible de la marque.
2/ La montée des influenceurs-experts : la compétence avant la notoriété
On les appelle les “experts du quotidien”. Ce sont des ingénieurs, des chefs de projet, des artisans, des infirmières, des coachs sportifs, des professeurs…
Ils ne vivent pas de leur visibilité, mais de leur métier. Et c’est précisément ce qui les rend précieux.
L’étude Creator Insight 2025 de Traackr montre que les créateurs considérés comme “experts” dans leur domaine génèrent 45 % de taux de conversion en plus que les influenceurs lifestyle généralistes.
Pourquoi ? Parce que leur parole repose sur une expérience, non sur un script.
Le public ne cherche plus une vitrine parfaite, mais un guide qui connaît réellement le sujet.
Dans la tech, la beauté, la santé, l’alimentation, le tourisme ou l’entrepreneuriat, ces influenceurs-experts redessinent les contours du marketing d’influence.
Ils testent, expliquent, comparent, critiquent parfois.
Et les marques qui acceptent cette transparence reçoivent en retour une visibilité plus authentique.
3/ La demande de vérité : le public ne veut plus être “vendu”
La lassitude face aux contenus trop parfaits s’est accélérée en 2024.
Sur TikTok comme sur Instagram, les vidéos “désenchantées”, les retours d’expérience réels, les avis spontanés cartonnent. Le phénomène a même un nom dans les études récentes : le “real content shift”.
Un rapport de Nielsen (2024) indiquait que les contenus perçus comme “non retouchés” génèrent une mémorisation 30 % supérieure à celle des contenus produits de manière professionnelle.
Cette année, ce n’est plus une tendance : c’est une règle d’or. Les marques s’éloignent des mises en scène trop propres. Elles privilégient les formats plus bruts :
- stories spontanées,
- tests produits filmés sans montage,
- coulisses de fabrication,
- retours d’expérience personnels,
- interactions directes avec la communauté.
La perfection n’est plus un argument. La sincérité, si.
4/ Le marketing d’influence devient plus responsable
En 2025, les collaborations ne se déroulent plus à la légère. Les audiences demandent des preuves, et les législations suivent.
La France a durci son encadrement de l’influence en 2024 : mentions obligatoires, transparence accrue sur les partenariats, interdiction de certaines pratiques trompeuses.
Résultat : les consommateurs ont commencé à faire plus confiance aux créateurs qui respectent ces règles.
Une étude de Reech (2025) montre que 72 % des utilisateurs valorisent les créateurs “éthiques”, c’est-à-dire ceux qui :
- expliquent pourquoi ils acceptent une collaboration,
- refusent les produits non alignés,
- affichent clairement les partenariats rémunérés,
- assument leurs valeurs.
L’influence responsable n’est plus un slogan. C’est devenu un argument de vente et parfois même un critère de sélection.
5/ La collaboration longue durée : adieu les campagnes jetables
Une autre tendance s’impose : le partenariat continu. Les marques réalisent qu’un post isolé ne convainc plus. Selon une récente analyse de Kolsquare (2025), les campagnes réalisées sur 3 à 6 mois génèrent 2,7 fois plus de ventes que les collaborations ponctuelles.
Pourquoi ? Parce que le public a besoin de voir un créateur utiliser réellement le produit,
pas seulement le présenter. La répétition crée la crédibilité. Et la crédibilité crée la conversion. C’est un retour à des logiques plus proches du sponsoring :
- un créateur devient ambassadeur,
- suit la marque dans le temps,
- raconte son évolution,
- donne un avis construit.
La collaboration devient une histoire, pas une transaction.
6/ L’IA au service de l’humain, pas l’inverse
Dans l’imaginaire collectif, l’IA aurait pu remplacer les créateurs. Mais c’est l’inverse qui se produit. En 2025, l’IA est un outil d’analyse, pas un substitut. Elle repère :
- les signaux faibles,
- les audiences engagées,
- les micro-tendances,
- les créateurs émergents.
Elle optimise aussi la pertinence des campagnes. Mais ce sont les humains, créateurs comme audiences, qui donnent le ton.
Une étude de Digiday publiée en janvier 2025 souligne que 84 % des consommateurs préfèrent un contenu humain même si un contenu généré par IA est parfois plus “propre”.
Le marketing d’influence redevient donc ce qu’il aurait dû toujours être : une conversation, pas une formule.
7/ Les plateformes changent : TikTok vieillit, Instagram s’adapte, YouTube s’impose
La géographie de l’influence évolue elle aussi.
TikTok : toujours fort, mais moins impulsif
L’audience mûrit et devient plus exigeante. On y cherche davantage d’expertise que de spectacles.
Instagram : le retour de la proximité
Les stories restent le cœur de la relation. Les collaborations y sont perçues comme plus crédibles lorsqu’elles sont incarnées dans un récit personnel.
YouTube : le grand gagnant de la confiance
Les formats longs explosent. Selon SocialBlade, le temps passé par vidéo a augmenté de 27 % entre 2023 et 2025. Le public veut comprendre, pas seulement apercevoir.
8/ En 2025, l’influence devient adulte
Le marketing d’influence n’est plus le terrain des effets de mode.
- Il s’est professionnalisé.
- Il s’est assaini.
- Il s’est humanisé.
Les marques qui réussissent ne cherchent plus à acheter de la visibilité.
- Elles cherchent à tisser des alliances.
- Elles valorisent des voix sincères, des personnes crédibles, des communautés engagées.
- Elles acceptent que le narratif compte autant que le message.
En 2025, l’influence n’est plus une vitrine. C’est une relation.

