Le temps, ressource stratégique des entrepreneurs : comment reprendre les rênes de son agenda

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Il est 7 h 32. Le téléphone vibre déjà : notifications, mails urgents, messages à traiter. À peine sorti du lit, l’entrepreneur est happé par la spirale du « toujours plus » : répondre vite, décider vite, produire vite. Dans cette économie de la réactivité, le temps est devenu à la fois rare et mal utilisé. Pourtant, c’est sans doute le capital le plus stratégique d’un dirigeant.

1/ Un capital invisible, mais décisif

D’après la Harvard Business Review (2024), les dirigeants passent en moyenne près des trois quarts de leur semaine à des tâches qui n’ont pas d’impact stratégique :

Au final, moins d’un tiers de leur temps reste réellement consacré à la vision, à l’innovation ou au développement de leur entreprise.

une enquête OpinionWay / UPE (2023) montre que la moitié des dirigeants de PME Français se sentent constamment débordés, et qu’un sur trois admet ne plus avoir la main sur son emploi du temps.

2/ L’agenda : miroir de la stratégie

Un agenda raconte une histoire. Celle des priorités réelles, des zones d’évitement, des urgences subies. Il reflète la stratégie vécue bien plus que les business plans. La plupart des chefs d’entreprise subissent leur emploi du temps au lieu de le piloter.

Le coût est tangible : selon le Slack Future Forum (2024), le travail fragmenté réduit la productivité de 23 % et augmente la fatigue mentale de 30 %. Le multitâche fragilise la concentration et ralentit les décisions.

Trois dérives fréquentes

  1. Le syndrome du pompier : vivre dans l’urgence, éteindre les feux au quotidien, journées de 12 heures et mails à minuit.
  2. La dictature du plein : un agenda saturé rassure, mais empêche le temps de réflexion.
  3. La captivité numérique : notifications, messageries, interruptions permanentes fragmentent l’attention et empêchent de se concentrer.

Ces comportements, longtemps valorisés, épuisent le mental et réduisent la clairvoyance.

3/ Changer son rapport au temps : une culture, pas une méthode

Reprendre le contrôle de son agenda ne consiste pas à ajouter des outils, mais à changer de culture. Le vide devient une ressource permet :

  • de penser,
  • d’anticiper
  • de créer.

Les dirigeants qui progressent sur ce point parlent de gouvernance du temps, un acte de leadership qui consiste à créer des plages de réflexion pour mieux décider.

Reprendre le contrôle : leviers concrets

1-Auditer son temps

Pendant deux semaines, noter toutes les activités et les classer :

  • Stratégique : crée de la valeur à long terme
  • Opérationnelle : nécessaire mais délégable
  • Parasite : inutile ou répétitive
    Résultat fréquent : 30 à 40 % du temps disparaît dans les tâches parasites.

2-Bloquer des temps sanctuarisés

Deux heures de concentration par jour permettent de gagner 29 % de productivité et 45 % de clarté mentale (Microsoft Work Trend Index 2024).

3-Dire non

Refuser une réunion ou un projet non aligné, c’est dire oui à ce qui compte vraiment.

4-Automatiser et déléguer

Outils digitaux et IA libèrent du temps sur les tâches administratives. Selon France Num (2025), les PME ayant automatisé ces processus gagnent environ 6 heures par semaine.

4/ Le paradoxe du vide

Le temps vide fait peur. Pourtant, la science montre que les moments d’oisiveté permettent au cerveau d’associer des idées nouvelles, socle de la créativité. Les meilleures décisions naissent souvent dans le recul et la réflexion.

5/ Le nouveau luxe : du temps de sens

À l’ère de la productivité infinie, le vrai luxe des entrepreneurs n’est plus financier, il est temporel. Pouvoir choisir son rythme, se reconnecter à la raison d’être de son projet, c’est le nouveau signe de réussite.

Selon le Baromètre de l’entrepreneur 2025 (BNP Paribas) :

  • 62 % des dirigeants placent la gestion du temps parmi leurs trois priorités stratégiques.
  • 48 % envisagent de réduire leur charge horaire dans les deux ans, non pour “travailler moins”, mais pour travailler mieux.

6/ Vers un entrepreneuriat plus lucide

La nouvelle génération bouscule les codes. Start-ups “slow”, incubateurs intégrant la santé mentale, fonds qui évaluent la durabilité du leadership : une révolution douce est en marche.

Certaines entreprises expérimentent déjà un indice de maturité temporelle, mesurant la qualité de la planification et le respect des rythmes humains. Demain, les bilans d’entreprise pourraient afficher, à côté du chiffre d’affaires, un indicateur inédit : le capital temps, reflet de lucidité, disponibilité et capacité à penser l’avenir.

7/ Reprendre le temps de décider

Le téléphone vibre à nouveau. Cette fois, le dirigeant respire. Il ne répond pas tout de suite, prend quelques minutes de silence. Le monde ne s’est pas écroulé. Il vient de poser l’acte le plus stratégique de sa journée.

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