Faire émerger une culture d’entreprise où chacun transmet au-delà de son poste 

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La spécialisation fonctionnelle offre une efficacité mesurable, mais limite parfois la circulation des savoirs non sollicités. Lorsqu’un collaborateur partage une compétence qui excède le périmètre de sa fiche de poste, il active une dynamique latérale qui bénéficie à l’ensemble de l’organisation. La création d’espaces dédiés à ce type de transmission élargit les interactions entre métiers et décloisonne les usages. Le geste de partage volontaire devient un marqueur de maturité managériale, fondé sur la reconnaissance des potentiels implicites.

Circulation des savoirs transverses en milieu opérationnel

Une compétence issue d’un autre parcours, d’une passion structurée ou d’un usage personnel offre une valeur directement mobilisable au sein d’une équipe, même si elle ne figure pas dans le périmètre contractuel. Lorsqu’un salarié propose un atelier ou partage une méthode qu’il maîtrise en dehors de sa fonction, il enrichit le socle commun sans modifier l’organisation du travail. Le cadre reste opérationnel, le contenu émerge de la pratique, et la temporalité s’ajuste au rythme de l’équipe. Ce type d’initiative repose sur la reconnaissance de la légitimité acquise par l’expérience, quelle qu’en soit l’origine. L’efficacité de ce partage se renforce lorsqu’il est perçu comme un enrichissement du quotidien professionnel, non comme un ajout de complexité.

Un modèle simple consiste à intégrer ces temps de transmission dans des formats déjà existants : réunion d’équipe étendue, créneau fixe dédié ou séquence ouverte en fin de sprint. Le collaborateur expose un usage, une méthode ou un outil, et les participants expérimentent sans attente de performance. Cette logique favorise l’expression d’un capital invisible, souvent dispersé dans l’organisation. Le déclenchement se fait par observation, puis par suggestion, et non par désignation verticale. L’accès à l’espace de transmission devient un levier d’expression volontaire, sans rupture avec les cycles métiers. Plus l’environnement favorise la reconnaissance immédiate, plus l’initiative s’intègre dans les habitudes collectives.

Dynamique de reconnaissance entre pairs

L’apparition d’une scène d’apprentissage entre collègues modifie les repères d’autorité habituels. Lorsqu’un technicien forme un chargé de mission à une compétence logicielle, ou qu’un juriste explicite une démarche méthodologique à un commercial, les codes de la transmission changent de registre. L’expertise ne descend plus, elle circule à l’horizontale. Cette configuration rééquilibre les prises de parole, valorise des profils sous-exposés et permet aux contributeurs de renforcer leur présence fonctionnelle à travers le contenu transmis. L’espace de transmission devient un espace de construction identitaire, sans posture d’expert, mais avec une autorité d’usage reconnue.

Les effets s’observent également dans la manière dont les équipes structurent leur écoute. Le respect s’attache au contenu, à la clarté de la démonstration, à la pertinence de l’exemple. Le collaborateur formateur n’enseigne pas un concept, il livre un usage maîtrisé dans un langage accessible. La relation devient circonstancielle, liée à une compétence contextualisée, non à un statut. Cette posture déclenche une valorisation de la connaissance pratique, alimentée par la diversité des parcours et des environnements d’origine. Plus le groupe perçoit cette mise en commun comme un acte d’engagement, plus il ajuste naturellement ses interactions pour en favoriser l’émergence future.

Formes souples de structuration collective

Le rythme naturel de l’organisation détermine les modalités les plus efficaces pour faire émerger ce type d’initiative. Un tableau partagé, une invitation ponctuelle ou un simple canal de proposition suffisent à activer les premiers partages. Le cadre de diffusion reste souple, sans procédure formelle, mais la trace est conservée pour favoriser l’accès ultérieur. Le volume des sessions importe peu, seul le caractère immédiatement utile du contenu rend l’exercice pertinent. L’absence de hiérarchisation entre les sujets transmis encourage la diversité des contributions, même les plus inattendues.

Plusieurs formats s’articulent autour du même principe : une compétence concrète, un exposé court, une interaction sans évaluation. L’entreprise gagne en lisibilité sur ses ressources humaines dès lors que le contenu transmis est indexé, capitalisé, puis redistribué au fil des projets. Cette boucle de diffusion encourage les nouveaux collaborateurs à proposer à leur tour une contribution, sans attendre de validation hiérarchique. Le système devient auto-structurant, guidé par l’usage observé plutôt que par des objectifs formalisés. Le maillage entre initiatives spontanées et organisation de travail devient plus dense à mesure que les effets se manifestent en situation.

Élargissement des représentations collectives

Les échanges issus de fonctions éloignées favorisent une meilleure compréhension des interdépendances. Lorsqu’un membre d’un service explique une compétence issue d’un domaine tiers, il permet aux autres de reformuler leur propre cadre d’intervention. Cette circulation modifie les représentations, affine les perceptions métier et ouvre des possibilités d’ajustement sur les interfaces entre services. Le partage ne vise pas une montée en compétence généralisée, mais une amélioration des connexions internes. Les collaborateurs n’attendent pas un bénéfice immédiat pour s’impliquer : ils y trouvent un levier de positionnement plus souple au sein du collectif.

Ces transmissions latérales activent une forme de vigilance collective. Les équipes appréhendent mieux les points de friction potentiels, ajustent leur communication et réduisent les erreurs de synchronisation. Le contenu échangé devient un point d’ancrage pour reconsidérer des pratiques installées, souvent non questionnées. Le dialogue se prolonge hors session, dans les boucles informelles du quotidien, et transforme progressivement le niveau de finesse des interactions transversales. La qualité de l’organisation ne repose plus uniquement sur les procédures, mais sur la densité des liens construits entre ses différentes composantes.

Encadrement léger et capitalisation progressive

Un référent peut coordonner l’initiative, sans fixer de thème ni imposer de cadence. Son rôle consiste à maintenir un cadre simple, qui facilite l’appropriation des espaces de transmission par les collaborateurs. La prise de parole se fait à partir d’un sujet précis, sur un format court, avec un objectif d’utilité immédiate. Cette régularité maîtrisée crée une familiarité avec le dispositif, qui s’ancre progressivement dans les usages sans perturber la structure hiérarchique. L’accompagnement reste fonctionnel, centré sur la fluidité de l’organisation et non sur la valorisation individuelle.

Les contenus produits peuvent faire l’objet d’un archivage rapide, consultable à tout moment selon les besoins. La répétition des thèmes, la diversité des intervenants et la nature des questions posées permettent d’identifier les points de densité collective. Ces éléments alimentent les futures politiques de formation, affinent les outils d’intégration et enrichissent les séquences de transmission internes. Le dispositif se prolonge dans les usages, sans interruption entre l’intention initiale et les effets d’appropriation observables. Le référentiel de compétences évolue ainsi par adjonctions successives, portées par la contribution directe des équipes.

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