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EntrepreneurFemme et entrepreneuriat

Une chef d’entreprise talentueuse qui ouvre une nouvelle voie dans le domaine de la mode

Interview d’Amel Batita, fondatrice et designer de la marque Amel Batita, une créatrice talentueuse de mode qui a su s’imposer…

Comment t’es venue l’idée de créer une marque autour des Carrés de soie ?

Cet accessoire fait partie de moi. Il est un héritage de mon père, qui est marchand de foulards depuis quarante ans. Petite, je l’accompagnais dans les usines en Italie à la recherche de nouvelles tendances de foulards. C’était une routine pendant les vacances scolaires. Notre garage chez mes parents était rempli de foulards. Il était comme une piscine de foulards ! En grandissant, à partir de mes 10 ans, tous les dimanches, j’ai commencé à travailler avec mon père sur les marchés. Au début, c’était pour avoir mon argent de poche. Là-bas, j’y ai rencontré des femmes pour qui le foulard était plus qu’un accessoire. Elles cherchaient un foulard qui mettrait en valeur leur beauté intérieure et extérieure. C’est là qu’un amour pour cet accessoire commençait à naître. En parallèle, je commençais à me sensibiliser et à m’affirmer à travers la mode et l’art. J’ai commencé à faire mes premiers tableaux, mes expériences plastiques sur mes toiles que j’appelais des textures. Ayant pour seul but : créer un visuel unique qui me faisait rêver ! Par la suite, une fois que j’ai fini le lycée, j’ai commencé une école de communication visuelle en école d’art. Bien plus tard, j’ai commencé à travailler dans l’industrie de la mode en tant que graphiste. Je continuais à créer mes textures sur mes toiles, mais travailler sur les marchés avec mon père me manquait et ce contact avec ces femmes inspirantes aussi. J’ai donc réalisé que ma toile finale était cet accessoire qui me tient particulièrement à cœur : le foulard. Et plus particulièrement le carré de soie. J’ai donc décidé que mes textures deviendraient les motifs de mes accessoires en soie.

C’était en quelle année ?

C’était entre 2020 et 2021. Mais j’ai toujours su que je voulais lancer ma marque de foulards, j’attendais juste d’être « prête » ! Ma marque aujourd’hui est la première marque de carrés de soie dans l’industrie de la mode qui représente une génération créative, dynamique et inclusive ! En effet, nous avons souvent été habitués aux carrés de soie classiques, et j’avais envie de moderniser et de rendre tendance cet accessoire prestigieux et intemporel à ma manière. Aujourd’hui, mes carrés sont créés comme des œuvres d’art que les gens peuvent porter et exposer.

Depuis tes débuts, donc depuis 2020, quelles ont été les grandes étapes de développement jusqu’à aujourd’hui ?

Le lancement officiel s’est fait en 2021 et depuis deux ans, il s’est passé beaucoup de choses. J’ai déjà lancé deux collections ainsi que des éditions limitées. Je suis actuellement distribuée chez Harvey Nichols à Hong Kong, sur les Champs-Élysées, à Dubaï dans l’hôtel de luxe Jumeirah Beach et à Tokyo. J’ai aussi été sélectionnée parmi les quatre meilleurs designers d’accessoires pour le grand concours de mode : le Fashion Trust Arabia. Les jurys étaient des grands noms de la mode tels qu’Olivier Roustaing de chez Balmain ! Cela a été ma plus belle reconnaissance jusqu’ici, et honnêtement je ne m’y attendais pas du tout. Je suis arrivée deuxième. J’éprouve un sentiment de grande fierté.

« Mon prochain défi, c’est qu’une fois par an, je fais ce que j’appelle « Le Musée d’Amel Batita ». J’en ai déjà organisé deux à Paris. Il s’agit d’une galerie éphémère, à la fois un pop-up, un showroom et une exposition où j’expose tous mes tableaux avec leurs carrés de soie à côté. »

Quelles vont être tes perspectives de développement ?

Je me concentre principalement sur un business plan en gros (« wholesale »), même si je vends aussi sur le site internet. Mon but est donc de continuer à trouver plusieurs points de vente luxueux dans le monde entier. Je suis aussi en train de développer l’image de la marque. Ayant un savoir-faire unique, où je crée chaque motif sur une toile, et donc chaque carré de soie appartient à une toile unique, la direction artistique est très agréable à réaliser et les gens y sont très réceptifs ! Je me rends compte, depuis deux ans et demi, qu’il y avait un réel besoin de carrés de soie tendance dans l’industrie de la mode. Aujourd’hui, mon but est de révolutionner l’histoire du carré de soie à travers ma marque et mon savoir-faire.

Quelle a été la plus grande difficulté que tu as rencontrée et comment tu l’as surmontée ?

Ma plus grande difficulté, je pense que c’est d’avoir été seule. Je me qualifie d’entrepreneure, mais je suis aussi designer et donc artiste. C’est parfois dur de pouvoir prendre des décisions seule, de se dire : « Est-ce qu’on va dans la bonne direction ? » « Est-ce que c’est bien ce que je fais ? » Surtout quand tu dois faire toutes les tâches : au niveau du business, du marketing et de la création. Cela fait beaucoup de travail, donc, je ne dormais pas beaucoup. Je buvais beaucoup de café. Quand j’ai commencé à avoir des distributeurs, j’ai pu embaucher ma première employée, ce qui m’a énormément soulagée et ce qui me permet aussi de développer davantage la marque. Je pense que beaucoup d’entrepreneurs doivent se reconnaître là-dedans. Et pour surmonter cette difficulté, il faut juste toujours écouter sa petite voix intérieure qui nous chuchote la bonne direction, ne pas trop douter, foncer et surtout déléguer ! D’ailleurs, je ne suis pas contre le fait d’avoir un investisseur ou un business angel, je pense que c’est le moment

Quels vont être les challenges à venir ? Est-ce de structurer une équipe autour de toi ?

Je pense qu’en premier lieu, c’est d’avoir une équipe solide. Mon prochain défi, c’est qu’une fois par an, je fais ce que j’appelle « Le Musée d’Amel Batita ». J’en ai déjà organisé deux à Paris. Il s’agit d’une galerie éphémère, à la fois un pop-up, un showroom et une exposition où j’expose tous mes tableaux avec leurs carrés de soie à côté. Cela permet aux gens de voir l’histoire du carré et son savoir-faire à travers ces œuvres. En effet, les clients achètent en ligne ou chez le distributeur, mais ils ne voient pas les tableaux d’origine des carrés de soie. Le Musée leur permet de toucher, d’essayer et de comprendre. C’est une immersion totale dans l’univers de la marque. Le but est de leur faire vivre une expérience unique lorsqu’ils achètent un carré de soie ! Aujourd’hui, mon défi est d’en organiser de plus conséquents et dans d’autres pays. Il s’agit désormais de trouver des personnes qui vont m’accompagner à l’étranger et aussi en France pour réaliser ces musées, je recherche donc des partenaires.

Je vois que tu as tout de suite voulu te lancer à l’international. Pourquoi tout de suite cette dimension ?

Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, il n’y a aucune frontière. J’ai l’impression qu’on peut voyager d’un pays à un autre en l’espace d’une photo ou d’une vidéo. Surtout pour moi, la mode et l’art sont internationaux. Je vise bien sûr les premiers secteurs dans lesquels je vends le mieux, tels que l’Extrême-Orient et le Moyen-Orient.

Comment est-ce que tu as réussi à convaincre le premier distributeur de faire appel à toi ?

J’ai participé pendant la Fashion Week de Paris à un salon de mode international appelé le « Tranoï ». J’y présentais donc ma marque à plusieurs acheteurs, et l’un d’eux a eu un gros coup de cœur. Il m’a rappelée quatre mois après pour passer une commande importante rapidement. Honnêtement, j’ai été surprise car la marque avait été lancée depuis seulement 7 mois, et surtout Harvey Nichols est l’un des distributeurs les plus luxueux du monde. Je n’aurais jamais cru qu’il serait mon premier distributeur !

Peux-tu m’en dire plus sur les tableaux ?

Mes tableaux sont le cœur de mon savoir-faire. Je crée les designs de mes carrés de soie sur un tableau unique sur lequel je vais souvent réutiliser des objets recyclés. C’est pour cela que j’appelle mon savoir-faire l’artcycling (en français : l’art recyclé). Je vais détourner ces objets de leurs usages habituels afin de leur donner une nouvelle valeur en créant une texture abstraite sur une toile. Par exemple, j’ai réalisé tous les motifs de ma dernière collection grâce à des bouteilles d’eau en plastique recyclées. Or, quand on regarde le tableau final ou bien le carré de soie, on ne voit même pas que ce sont des bouteilles d’eau ; cela ressemble plutôt à une peau d’animal. Il faut vraiment les voir pour comprendre ! Pour moi, le recyclage est le nouveau luxe, et il est essentiel de réutiliser à notre manière pour le bien de notre planète

Quelles sont les valeurs de ta marque ?

Il y a l’audace, l’art, le respect de l’environnement et le temps. En effet, afin que le carré de soie Amel Batita soit parfait, la confection est très longue. Nous sommes dans une société où la surconsommation est exponentielle, alors que je veux transmettre la démarche d’acheter une pièce de très bonne qualité, qui a de la valeur et que je vais pouvoir transmettre à mes enfants, mes petits-enfants, etc. C’est pourquoi, quand je crée le carré de soie, je le considère comme un tableau, et j’y passe énormément de temps pour que les gens puissent posséder une pièce à vie qu’ils vont pouvoir garder ou offrir.

Est-ce qu’aujourd’hui, tu te sens plus artiste ou tu te sens plus cheffe d’entreprise ?

C’est une bonne question. Et je dirais les deux ! J’aime être plusieurs personnes, avoir plusieurs rôles complètement différents, sinon je m’ennuie. Mais en réalité, le côté artiste prendra toujours le dessus car c’est grâce à cette créativité que je ne me mets aucune limite !

« Mes tableaux sont le cœur de mon savoir-faire. Je crée les designs de mes carrés de soie sur un tableau unique sur lequel je vais souvent réutiliser des objets recyclés. C’est pour cela que j’appelle mon savoir-faire l’artcycling. Je vais détourner ces objets de leurs usages habituels afin de leur donner une nouvelle valeur en créant une texture abstraite sur une toile. »

On oppose souvent chefs d’entreprise et artistes. Est-ce que tu trouves que c’est compatible ou pas ?

Au final, je pense que le plus dur est de trouver cet équilibre-là. Se dire « là, il faut que je me lâche et là, il faut que je ne me lâche pas trop ». Autant j’ai mon côté artiste quand je réalise mes œuvres, autant je suis quelqu’un de très organisé parce que je sais que mon côté artiste peut prendre le dessus et que tout peut vite se mélanger. Ces dernières années, j’ai réussi à gérer ce bouton on et off. Lorsque je sais que je dois créer et lorsque je sais que je dois penser business. Donc une fois la partie créative terminée, je me remets en mode cheffe d’entreprise. Je gère ça assez bien maintenant, surtout depuis que je suis entourée, mais c’est un sacré exercice !

Quelle est la partie qui te plaît le plus ?

Une des parties qui me plaît, c’est l’étape finale dans le processus de création, quand le design est fini et qu’il passe enfin sur le carré de soie, donc quand l’art devient un accessoire de mode. J’adore aussi lorsque je croise quelqu’un qui porte mon carré de soie. Là, c’est une réelle satisfaction !

Qu’est-ce qui t’a le plus surprise depuis tes débuts ?

C’était le concours où j’ai fait partie des quatre finalistes. Il y avait au moins 4 000 participants du monde entier. J’ai été surprise parce que je me suis inscrite sans penser que j’aurais un retour. J’avais même oublié que j’avais envoyé mon inscription quand j’ai reçu la réponse. Puis, le fait d’avoir pu échanger avec des grands noms de la mode qui m’ont donné des conseils et m’ont encouragée à continuer ainsi m’a donné une réelle confiance en moi et m’a confirmé que j’avais entièrement ma place dans l’industrie du luxe et de la mode.

Est-ce qu’au niveau de l’entourage, de la famille, des amis, est-ce que tu as senti un certain soutien ?

Oui et non. Je ne viens pas du tout d’un environnement où l’on vit d’un métier artistique. L’art et la mode c’est à la télé et c’est une passion. Mon père est commerçant, donc il se réveillait tous les matins à cinq heures. J’ai grandi avec le principe de « il faut travailler pour y arriver ». Et c’est grâce à cela que je travaille sans relâche ! Quand j’ai exprimé l’envie de faire cela, ou même d’aller en école d’art, ils n’ont pas compris dès le début mais ils m’ont vite fait confiance car peu importe ce qu’on me disait, j’étais quand même déterminée. D’autant plus quand ils ont vu les résultats que j’ai eus pendant ces dernières années ; aujourd’hui je pense qu’ils sont fiers de moi. 

3 Conseils d’Amel Batita

  • Quand tu as peur de quelque chose, c’est forcément que c’est bon et qu’il faut le faire. Souvent quand on a une idée de faire quelque chose et qu’on se dit « non mais j’ai peur », c’est qu’il faut le faire. Parce que si tu as peur, c’est que cela te fait vibrer et qu’il faut y aller.
  • C’est l’artiste qui parle, mais il faut être passionné. Pour moi, c’est difficile de faire quelque chose ou d’entreprendre sans être passionné. Peu importe, ce ne sera pas forcément dans l’art ou dans la mode, juste être passionné de travailler ou de te trouver une passion quelque part dans son entreprise parce que je pense que sans celle-ci, quand tu te réveilles et que tu n’as pas cette chose-là qui te fait vibrer…
  • Faut bien s’entourer. C’est très important. Je pense qu’il faut bien s’entourer. Bien s’entourer, trouver les bonnes personnes qui t’accompagnent, que ce soit au niveau du professionnel ou du personnel. Avoir un bon équilibre entre toi et ton environnement. 

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