6481

Management

Le management stratégique est-il utile aux TPE-PME ?

La plupart des dirigeants de TPE-PME adoptent spontanément un mode de management « entrepreneurial adaptatif ». Ce qui signifie en substance :

  • Qu’ils monopolisent la prise de décision. Ils ne délèguent pas, soit parce qu’ils n’ont personne à qui déléguer, soit par méfiance instinctive envers la délégation.
  • Qu’ils focalisent sur les opportunités à court terme, faisant « feu de tout bois » au détriment de la recherche d’une cohérence dans leur offre et d’une vision stratégique du devenir à moyen terme de leur entreprise.

Ils ont de nombreuses raisons pour agir de la sorte même si, ce faisant, ils passent, sans le savoir, à côté d’opportunités majeures de développement et/ou d’amélioration des performances de leurs entreprises.

Ils tendent à croire que le plus important est leur métier, les savoir-faire techniques qu’ils maîtrisent, et que leurs clients potentiels sont censés savoir quelle valeur ces savoir-faire sont susceptibles de créer pour eux. Certains vont même jusqu’à ignorer, faute de s’y intéresser vraiment, la valeur qu’ils apportent réellement à leurs clients. Ce faisant, ils perdent des occasions majeures de se différencier de leurs concurrents aux yeux des clients potentiels.

Le profit découle de la différenciation.

Une offre indifférenciée est une offre formulée en des termes qui ne permettent pas aux clients de percevoir en quoi vous pouvez leur apporter plus de valeur que vos concurrents. C’est le cas par exemple si vous vendez exactement les mêmes produits qu’eux (distributeurs). Mais c’est aussi le cas, si vous ne prenez pas la peine d’identifier la valeur attendue par les clients et celle de leur démontrer que vous êtes, plus que les autres, en mesure de leur apporter cette valeur. Or, plus cette valeur est associée à de forts enjeux pour vos clients et plus le fait de différencier votre offre aura un fort impact sur votre volume d’activité et sur vos profits.

En la matière, la règle est simple. Si votre offre est indifférenciée, vous ne pouvez vous distinguer aux yeux des clients que par la pratique de prix plus bas que les autres. Au détriment de vos marges.

En revanche, plus votre offre est différenciée, c’est-à-dire plus elle apparaît supérieure à celle de vos concurrents sur des points ayant une forte valeur pour vos clients, et plus ils seront prêts à payer cher pour obtenir cette valeur.

Il est donc indispensable de différencier son offre. Et pour cela, de se centrer sur une seule chose : La valeur que vous souhaitez apporter à vos clients et non vos savoir-faire techniques ou technologiques (qui ne sont que des moyens).

Modèle économique et concept d’activité.

Le modèle économique d’une entreprise consiste en la façon dont elle compte s’y prendre pour transformer ses savoir-faire en sources de business et de profits.

A la lumière de ce qu’on vient de dire, il est évident que cette définition du modèle économique doit être centrée sur la valeur qu’apporte notre offre à nos clients. Un même savoir-faire peut être monétisé sous des formes différentes. Par exemple, si vous maîtrisez une technologie vous permettant de produire une certaine valeur pour une catégorie de cibles, vous avez probablement aussi différentes façons de la mettre en œuvre. Vous pouvez vendre des produits finis, vendre la machine qui permet de les produire ou louer cette machine.

Autant de façons différentes de fonctionner qui n’ont évidemment pas les mêmes implications pour vous et qui créent vraisemblablement une valeur différente pour vos clients. Par ailleurs, il se peut que la technologie que vous maîtrisez ne soit qu’un moyen parmi d’autres d’apporter une valeur donnée aux clients. Ou qu’une nouvelle technologie vienne modifier la donne en améliorant cette valeur. Dès lors, quel est votre métier ou, plus précisément, votre concept d’activité ? Est-ce d’exploiter vos savoir-faire ou de créer un certain type de valeur pour vos clients ?

Les technologies ne sont que des moyens.

Si, comme la plupart des entreprises, vous accordez la primeur à la technique ou au métier, vous en serez réduit à essayer de démontrer à vos clients, parfois contre toute évidence, qu’ils ont intérêt à souscrire à votre offre parce que vous êtes les meilleurs. Je vous souhaite bien du courage si la supériorité de cette offre ne saute pas aux yeux. En revanche, si vous reléguez la technologie au second plan, celui d’un simple moyen, pour focaliser sur la valeur que vous voulez apporter aux clients, vous avez toutes les chances de vous différencier efficacement. Même si cela doit vous conduire à intégrer d’autres technologies, si elles permettent de mieux créer la valeur attendue.

Autrement dit, la définition du modèle économique, passe par celle du concept d’activité de l’entreprise. Et ce concept d’activité doit être exprimé en termes de valeur créée pour les clients en excluant toute mention de la façon (technologie) dont vous créez cette valeur. Les clients achètent des résultats pas des moyens. Et c’est la nature et la valeur de ces résultats qui compte seule à leurs yeux. Cette façon d’envisager le concept d’activité est d’autant plus différenciatrice que vous êtes dans des activités à fort contenu technique ou technologique.

Pourquoi ? Parce que les entreprises à dominante technique érigent la technique en valeur et croient que c’est leur technicité qui est l’argument le plus convaincant pour les clients. Les rares entreprises à forte dimension technique qui sont capables de faire abstraction de leurs savoir-faire pour focaliser sur la valeur créée, ne s’en différencient que plus fortement de leurs concurrents.

Voyons à travers quelques exemples l’intérêt d’un concept d’activité exprimé en termes de valeur créée et les conséquences potentielles d’un manquement à cet impératif.

Distributeur militant.

Le premier exemple est celui de l’enseigne de distribution E.LECLERC. La diversité des produits et services qu’ils proposent à leurs clients rend impossible toute définition d’un concept d’activité centré sur cette offre.
En revanche, et les dirigeants de l’enseigne ne nous ont pas attendu pour le comprendre, cette cohérence devient évidente si l’on se place du point de vue de la valeur qu’ils entendent apporter à leurs clients.
Toute leur communication publicitaire depuis de nombreuses années, les définit comme des défenseurs du pouvoir d’achat des ménages.

En l’occurrence, cette définition de leur concept d’activité n’est pas seulement un facteur de différenciation. Bien illusoire d’ailleurs quand toutes les enseignes de la grande distribution prétendent pratiquer les prix les plus bas et font de la surenchère sur ce plan.

Elle a une autre fonction, très intéressante, qui est de baliser le modèle de développement de l’enseigne. Chaque fois qu’un marché est tel que la puissance d’achat de E.LECLERC lui permet de faire baisser les prix pour les consommateurs tout en conservant un niveau de marge suffisant, ils considèrent que c’est leur métier que de commercialiser ces produits. Ce qui les a amenés, au fil des ans, à investir de nouveaux secteurs, tels que la bijouterie, les voyages, la téléphonie, les livres et produits culturels ou la parapharmacie.

Ainsi donc, un concept d’activité pertinent est aussi apporteur de sens et permet à une entreprise de faire des choix judicieux de développement, centrés sur le type de valeur qu’elle veut apporter à ses clients.

La technologie est parfois mortelle.

Il existe aussi des contre-exemples, ceux d’entreprises qui ont donné la primeur à leurs savoir-faire et que cela a condamné à disparaître. Nous n’en donnerons qu’un seul exemple, celui de Polaroïd, leader quasi monopolistique de la photo à développement instantané, jusque dans les années 80. Le procédé breveté de cette entreprise était de nature chimique et l’entreprise elle-même se définissait comme une entreprise de chimie.

Bien évidemment, en tant qu’entreprise de chimie, elle ne s’est pas sentie concernée par l’apparition du numérique qu’elle a vécu comme une menace et non comme une opportunité. Cette entreprise se serait définie, en termes de concept d’activité, comme le fournisseur de solutions consistant à permettre de visualiser instantanément le résultat d’une prise de vue, il est vraisemblable qu’elle aurait investit massivement dans le numérique, supérieur à son procédé chimique en termes de résultats et de coût. Elle aurait perçu l’émergence de cette technologie comme une opportunité d’améliorer la valeur apportée à ses clients. C’est la référence aux moyens technologiques (la chimie) qui imprégnait l’identité même de l’entreprise qui l’a empêché de remédier efficacement à l’obsolescence de son procédé.

Voilà une autre illustration, à contrario, de l’importance d’un concept d’activité centré sur les bénéfices que l’on se propose d’apporter à ses clients et non sur les moyens que l’on utilise pour y parvenir. Les exemples sont nombreux et ne concernent pas seulement des TPE/PME, comme on peut le constater.

Marché des capteurs ou capteur des marchés ?

Un autre exemple fort de l’utilité de se centrer sur les bénéfices clients nous est fourni par cette entreprise qui commercialisait des capteurs industriels pour contrôler le remplissage des flacons sur les chaînes de production. La problématique des clients en la matière peut être décrite comme suit. Leurs flacons doivent contenir à minima, la quantité de produit annoncée sur l’étiquette. Il en résulte que la précision du système de mesure de remplissage des contenants, permet d’ajuster au plus près la quantité de produit et donc d’éviter les gaspillages. Il s’agissait certes d’une niche de marché, mais suffisamment importante pour que la concurrence y fasse rage.

La plupart des intervenants sur ce marché se définissaient comme des vendeurs de capteurs de précision et se battaient pour les vendre à un prix moyen de l’ordre de 12.000 €.

Parmi eux, une petite PME de 8 personnes avait décidé de se différentier en se définissant, non comme une entreprise de vente de capteurs mais comme un prestataire de service en matière d’optimisation des process de remplissage automatique des contenants. Elle ne vendait pas des solutions techniques mais des économies. Ayant vite compris que les enjeux pour les clients étaient d’autant plus forts que la valeur de leurs produits était élevée, elle ne s’intéressait qu’aux conditionneurs de produits coûteux : parfums, médicaments, vinaigre balsamique, vins hauts de gamme, etc.

Leur argumentaire commercial était basé sur le calcul du retour sur investissement. En installant un capteur plus précis, s’il était possible de réaliser une économie moyenne de 1 cl par flacon, compte tenu du prix de revient du produit et du nombre de flacons remplis chaque jour, il était facile de dire au bout de combien de temps, une solution donnée allait devenir rentable pour l’entreprise. La société ne s’intéressait qu’à des ROI (retours sur investissements) inférieurs à un an. Moyennant quoi, elle vendait exactement les mêmes capteurs que ses concurrents à un prix, environ deux fois et demi supérieur. Le dirigeant avait compris qu’il ne vendait pas des capteurs mais des économies. Et cette prise de conscience était une source majeure de différenciation et de profits.

Très vite, il a diversifié son offre vers des solutions d’historisation et de traçabilité associées aux dispositifs de capteurs pour augmenter la valeur créée et apporter des solutions complètes à ses clients. Accessoirement aussi pour développer son CA et ses profits.
Cela l’obligeait certes à intégrer des technologies sans rapport avec les compétences de base de l’entreprise mais contribuait à la rendre plus attractive aux yeux des clients.

On voit bien ici comment le centrage sur la valeur apportée est, non seulement source de différenciation, mais aussi un facteur de développement pour une entreprise.

Le management stratégique à la portée des TPE ?

Et il faut bien considérer que le concept d’activité, qui est comme on a pu le voir à travers ces quelques exemples, un outil majeur de différenciation, n’est qu’un outil basique de management stratégique. Il est très utilement complété par d’autres outils, tout aussi simples et non moins efficaces que sont l’analyse du positionnement dans la chaîne verticale de création de valeur et celle des couples technologies-applications.

Ces différents outils d’analyse stratégique recouvrent l’une des fonctions de ce qu’on appelle le management stratégique. La fonction de différenciation, essentielle pour optimiser les profits et la croissance.
Le management stratégique a également une autre fonction majeure qui concourt elle aussi à optimiser les performances d’une entreprise. Il s’agit de la fonction d’optimisation de l’allocation des ressources.

Car, en fin de compte, quelle est la finalité d’une entreprise ? Apporter à ses dirigeants et à ses collaborateurs le plus possible de ce qu’ils recherchent. A savoir, selon les cas, une combinaison des trois objectifs généraux que sont la croissance, le profit et les plus-values sociales et sociétales.

Les outils principaux de pilotage de l’allocation des ressources sont la segmentation stratégique et la modélisation des flux. La segmentation permet de cibler les segments d’activité les plus intéressants en termes d’attraits pour l’entreprise (en fonction de ses objectifs généraux) et en termes d’atouts dont dispose l’entreprise pour se différencier aux yeux des clients.

La modélisation des flux, permet de mesurer la contribution de chacun des segments au chiffre d’affaires et aux marges de l’entreprise.

La compilation de ces deux types d’informations permettant de faire des choix d’allocation des ressources sur les segments prioritaires.

Ce sont évidemment des outils majeurs de pilotage stratégique qui permettent d’optimiser le développement et les performances d’une entreprise, quelle que soit sa taille.

La plupart des TPE n’ont pas de comptabilité analytique, elles ne savent donc pas ce que leur rapporte chaque segment d’activité. Elles n’ont même bien souvent qu’une vague conscience de ce qu’est la segmentation et ne sont pas forcément capables de définir quelle valeur elles apportent réellement à leurs clients. Raisonnant en termes de moyens et non de finalités elles essaient de vendre ce qu’elles savent faire au lieu d’essayer de produire ce qui a de la valeur pour leurs clients. Ce faisant, elles passent à côté de la plupart de leurs potentiels de développement et de création de valeur.

Voilà, à travers cet article qui, j’espère, vous aura intéressé, je voulais juste vous faire comprendre que, même dans les TPE, le management stratégique n’est pas un gros mot. Qu’à l’aide d’outils très simples et à la portée de tous, il est un facteur de réussite et d’optimisation des résultats.

Alors ne manquez pas ce webinar et inscrivez-vous dès maintenant, le nombre de places à chaque session étant limité à 25, pour des raisons techniques.

Article par Patrick Daymand

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page