En France comme ailleurs, l’accompagnement des entrepreneurs est devenu un véritable marché. Incubateurs, mentors, consultants, coachs business, formations en ligne, programmes publics… Jamais il n’a été aussi simple, en apparence, de trouver quelqu’un pour guider un projet. Pourtant, derrière cette abondance de ressources se cache une réalité plus nuancée : beaucoup d’entrepreneurs échouent non pas faute d’idées ou d’efforts, mais faute… d’accompagnement adéquat.
Et ce constat n’est pas anodin. Selon une étude Bpifrance Le Lab (2024), près d’un dirigeant sur deux estime que l’accompagnement reçu ne répond pas réellement à ses besoins, et un sur trois affirme avoir perdu du temps ou de l’argent à cause de conseils inadéquats.
Alors pourquoi ces “fautes d’accompagnement” persistent-elles ? Et surtout, comment les repérer avant qu’elles ne coûtent trop cher ?
1/ L’erreur de diagnostic : quand on traite le symptôme au lieu de la cause
Jean, fondateur d’une jeune agence numérique, en a fait les frais. Son coach lui répète depuis des mois qu’il doit “être plus visible”. Plus de posts, plus de reels, plus de newsletters. Résultat : un burn-out algorithmique, mais aucun vrai changement sur chiffre d’affaires.
Ce qu’il découvre plus tard ? Son problème n’était pas la visibilité, mais le positionnement : il ne parlait pas aux bons clients.
Cette erreur est la plus fréquente. Beaucoup d’accompagnateurs se jettent sur la tactique, communiquer plus, prospecter plus, automatiser plus, alors que le cœur du problème est stratégique : proposition de valeur floue, offre mal structurée, modèle économique fragile, pipeline mal conçu.
Un bon accompagnement commence toujours par un diagnostic profond, pas par un plan d’action rapide.
2/ Le copier-coller : quand l’accompagnant applique la même méthode à tout le monde
C’est une dérive devenue courante : des méthodologies standardisées, vendues comme “universelles”, alors qu’aucun parcours entrepreneurial ne l’est.
Le B2B suit d’autres règles que le B2C. Une startup tech n’a rien à voir avec une activité artisanale. Un solopreneur n’a pas les mêmes besoins qu’une PME de 20 salariés.
Et pourtant, on observe encore trop souvent :
- des business plans préformatés,
- des stratégies marketing génériques,
- des “tunnels de vente magiques” copiés-collés,
- des conseils répétés comme des slogans.
Le résultat ? Des entrepreneurs qui avancent, mais dans la mauvaise direction.
L’accompagnement efficace demande de la finesse, de l’écoute, et surtout une compréhension profonde du contexte.
3/ La surpromesse : quand l’accompagnateur vend un futur qu’il ne peut pas garantir
Le marché du coaching entrepreneurial a explosé entre 2020 et 2024, notamment sous l’effet des formations en ligne. Avec lui, les promesses aussi :
- “Atteignez 10K/mois en 3 mois”
- “Multipliez votre CA par 5”
- “Automatisez votre business pendant que vous dormez”
- “Lancez une activité rentable en 30 jours”
Le problème n’est pas dans l’ambition, mais dans la garantie implicite.
Beaucoup d’entrepreneurs se retrouvent à culpabiliser lorsque “la méthode miracle” ne fonctionne pas pour eux. Comme si c’était leur faute. Comme s’ils avaient échoué là où “tout le monde réussit”.
Pourtant, l’entrepreneuriat dépend d’une multitude de facteurs : cycle économique, secteur, personnalité, réseau, ressources, contexte local, concurrence… Aucun accompagnateur sérieux ne peut garantir un résultat chiffré.
La seule promesse réaliste devrait être un progrès, pas un miracle.
4/ L’accompagnement déconnecté du terrain
Il existe un fossé surprenant entre théorie et pratique. Beaucoup d’accompagnants excellent dans la transmission, mais n’ont jamais monté, géré ou redressé une entreprise réelle. D’autres ont entrepris il y a dix ans, dans un environnement complètement différent : avant les marketplaces, avant les IA génératives, avant la volatilité actuelle.
Résultat : des conseils corrects… mais obsolètes, ou trop loin des réalités actuelles.
Les entrepreneurs témoignent souvent :
- “On m’explique comment vendre, mais pas comment gérer une chute de trésorerie.”
- “On me donne un modèle idéal, mais pas une stratégie lorsque tout déraille.”
- “On m’explique la théorie du marketing, pas comment décrocher un premier client quand on n’a rien.”
Un accompagnement utile doit être ancré dans le réel, nourri d’expérience, d’erreurs vécues, de situations imprévues. C’est là que la valeur se crée.
5/ L’absence de suivi : l’accompagnement qui commence fort… puis disparaît
Le phénomène est bien connu : trois premiers rendez-vous intenses, pleins d’idées, puis un accompagnateur qui disparaît entre deux emails tardifs.
Le suivi est pourtant ce qui fait la différence. Ce sont les retours réguliers, les ajustements, les pivots, les corrections qui transforment un entrepreneur en chef d’entreprise.
Sans suivi :
- les projets stagnent,
- les décisions se retardent,
- les erreurs se répètent.
Un bon accompagnement n’est pas un sprint de conseils, mais un rythme constant, adapté aux priorités du moment.
6/ L’accompagnement qui crée de la dépendance
Quand un accompagnateur ne transmet pas réellement les compétences, l’entrepreneur se retrouve à dépendre de lui pour chaque choix.
Et c’est un piège subtil.
Par exemple :
- on vous donne la stratégie, mais pas les outils pour la comprendre,
- on vous propose des solutions, mais pas les critères pour les évaluer,
- on vous aide à décider, mais pas à structurer votre propre processus décisionnel.
Au lieu de renforcer l’autonomie, l’accompagnement devient une béquille.
Le rôle d’un bon accompagnateur devrait être l’inverse : rendre l’entrepreneur capable de se passer de lui.
7/ Quand l’accompagnement ignore… l’humain
On parle beaucoup de business, de stratégie, de croissance. Mais l’entrepreneur, derrière son rôle, reste un être humain.
Un accompagnement utile prend aussi en compte :
- le stress,
- la charge mentale,
- la pression financière,
- la solitude des décisions,
- les doutes silencieux.
Les erreurs d’accompagnement surviennent souvent lorsque l’on oublie cette dimension. Lorsque l’on demande à l’entrepreneur d’être un robot optimisé, alors qu’il traverse des peurs très humaines.
La performance d’une entreprise dépend largement de l’équilibre de celui ou celle qui la dirige.
Comment éviter ces fautes d’accompagnement ?
Voici quelques repères simples :
1. Demander un diagnostic clair avant toute recommandation
Si l’accompagnateur propose des solutions avant d’avoir compris votre modèle, fuyez.
2. Vérifier qu’il adapte réellement sa méthode à votre contexte
Aucun business n’entre parfaitement dans un cadre théorique.
3. Exiger un calendrier de suivi
Sinon, la dynamique retombe vite.
4. Chercher un accompagnateur qui a expérimenté le terrain
Pas forcément un “success story”, mais quelqu’un qui a vécu des erreurs et des imprévus.
5. Observer s’il vous rend plus autonome
Un bon accompagnement doit vous libérer, pas vous attacher.

