Perpétuer l’héritage familial est le souhait de la majorité des dirigeants d’entreprises familiales interrogés dans le cadre de cette étude réalisée pour Deloitte par OpinionWay. Or, la transmission n’est pas suffisamment anticipée et préparée pour la plupart d’entre eux. Comment mener à bien la transmission de gouvernance ?
Un diagnostic
Selon le baromètre 38% des personnes interrogées ont rejoint l’entreprise familiale pour préserver la dimension humaine et garantir la pérennité de l’entreprise dans la famille . Ce fait souligne l’attachement à l’entreprise familiale.
76% des dirigeants d’entreprises identifient comme repreneur idéal un membre de leur famille. Ils expliquent ce choix avant tout par la volonté de maintenir le caractère familial de l’entreprise (83%) et de garder une influence dans la vie de l’entreprise (19%).
Pour désigner la personne capable de gérer cet héritage familial, les raisons évoquées sont l’expérience au sein de l’entreprise (66%), l’intérêt porté à l’affaire familiale (57%), le leadership (56%) et l’expérience hors de l’entreprise (41%).
Les dirigeants ont conscience que le travail en famille comporte des freins : près de 65% d’entre eux perçoivent le fait de travailler en famille comme une source potentielle de conflit et pour 34% comme une responsabilité trop lourde.
Mener à bien la transmission de gouvernance
Considérée par certains comme l’expérience la plus « agonisante » pour les membres de la famille, la succession est jugée également comme « l’activité la plus significative pour les entreprises familiales » par d’autres. La question de la succession représente le talon d’Achille des entreprises familiales. Elle constitue une véritable épreuve à surmonter, ce qui est d’autant plus difficile qu’elle n’est, dans la plupart des cas, pas organisée.
Au moment de la succession, est mis en jeu ce qui caractérise le plus l’entreprise familiale : sa volonté de durer. à aucun moment de son existence, elle n’apparaît autant fragilisée et menacée de disparition qu’au moment de sa succession.
L’entreprise familiale se démarque des autres entreprises dans le sens où elle présente souvent une organisation hors des limites du management traditionnel. Son mode de fonctionnement, autant que son évolution dans le temps, sont contrariés par l’aspect émotionnel, omniprésent dans l’entreprise familiale. Ceci provoque des comportements managériaux parfois irrationnels.
Ces biais comportementaux trouvent leur origine dans les deux dilemmes fondamentaux auxquels doit faire face l’entreprise familiale : d’une part celui de la place que prend l’entreprise dans la famille et, d’autre part, celui du statut de l’individu acteur dans cette entreprise au sein de la communauté familiale. Cela implique de constamment maintenir un équilibre entre les deux dimensions de la famille et de l’entreprise. Cet équilibre se trouve grâce à des outils concrets : organes de gouvernance, structure organisationnelle, répartition de la propriété, différenciation entreprise-famille.
La gouvernance de ces dilemmes qui conduit à la réalisation d’un double équilibre identité-structure et intérêts-besoins met en évidence le rôle majeur du dirigeant en place qui doit s’efforcer de lever toute ambiguïté quant à la réalité de la succession.
Pour être une réussite, la succession doit être gérée comme un processus, une série d’accords et de conduites planifiés à l’avance. Si elle est réfléchie tranquillement en amont, la succession ne devient pas un évènement précipité et, trop souvent, mal organisé.
Comment réaliser une bonne gouvernance de la succession ?
Une bonne gouvernance de la succession dans l’entreprise familiale s’articule autour de deux axes
L’élaboration d’une charte familiale afin de clarifier l’organisation des rapports familiaux. Celle-ci a pour but de formaliser et de clarifier les valeurs et les grands principes de fonctionnement de la famille en interne et vis-à-vis de l’entreprise dont elle est actionnaire.
La transmission du capital social, qui explique largement l’avantage concurrentiel et la meilleure performance des entreprises familiales.
Un constat : un manque de préparation
Selon étude réalisée pour Deloitte par OpinionWay bien que la préparation de la transmission soit perçue comme cruciale pour les dirigeants, leurs priorités pour les deux prochaines années se portent sur le développement de l’entreprise :
- 50% se concentrent sur le développement de nouveaux produits,
- 50% sur l’augmentation du chiffre d’affaires,
- 47% sur le développement de nouveaux marchés
- 47% pour améliorer la rentabilité.
Le volet transmission n’arrive qu’ensuite pour 36% d’entre eux.
Un manque d’anticipation évident :
- 59% des dirigeants ne disposent pas d’un plan de succession, seuls 11% ont un plan de succession formel et seuls 22% sont pourvus d’une charte familiale.
Les freins et obstacles sont nombreux :
- le poids de la fiscalité (18%),
- l’absence d’un successeur motivé ou capable (16%),
- des raisons intrafamiliales (16%),
- des difficultés à gérer les disputes au sein de la famille (11%),
- la difficulté à choisir parmi les candidats de la famille.
Malgré cela, plus de la moitié des dirigeants (59%) ont d’ores et déjà identifié un membre de la famille comme successeur, et 67% ont déjà pris des dispositions pour assurer la pérennité de l’entreprise comme le pacte Dutreil, la nue-propriété, la désignation et la formation du repreneur.
Article par Gérard Hirigoyen
Directeur du pôle universitaire de Sciences de Gestion
Professeur à l’Université Montesquieu – Bordeaux IV