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Entrepreneur

Interview de Samuel Tual, PDG du Groupe Actual

Rendez-vous avec avec Samuel Tual, PDG du Groupe Actual. Engagé et passionné par son métier, il préside le MEDEF et la Santé au Travail, en Mayenne, sa région natale. Par ailleurs élu à la Chambre de Commerce et d’Industrie,  il est Administrateur du CISME et fait partie de l’Association Progrès et Management.  Rencontre avec l’homme derrière le businessman. 

Quel a été votre parcours avant Actual ?

J’ai fait mes études à la Faculté des Sciences économiques d’Angers puis à l’école de Commerce de Paris. En 1991, je fonde Média Sup, une maison d’édition spécialisée dans la presse étudiante. Plus tard, je m’associe à Jeunes Editions, afin de créer le groupe Studyrama. À 30 ans, je m’oriente vers le télémarketing qui est en plein boom. L’arrivée des call centers me motive à monter Call Intérim : la première structure dédiée au travail temporaire, spécialiste du détachement des conseillers en relation clientèle. En 3 ans, nous nous implantons dans les grandes villes avec 5 agences. À cette époque, mon père gère Service Intérimaire Mayennais, qui compte 10 agences, mais généralistes et davantage situées en province. Nous avions envie de travailler ensemble et le groupe Actual est né !

Quelles sont les différentes étapes du développement du groupe ?

Nous sommes sur le marché des agences d’intérim depuis 1991. Nous avons constaté que nous fonctionnions par cycle de 10 ans. En 2001, nous avions 15 agences à notre actif et on avait pris le pari fou de passer à 100 agences en 10 ans. Objectif atteint ! Notre réseau parvient à démultiplier son chiffre d’affaires. De 40 millions d’euros, nous sommes passés à 260, ce qui est extrêmement motivant. En 2011, mon père est à l’époque, président et moi directeur général. Il ne se voit pas repartir pour 10 ans.

Nous avons donc organisé la transmission de l’entreprise et nous avons lancé un nouveau défi : Actual 2021. Ce projet d’une décennie confirme notre volonté de nous étendre. Nous souhaitons rendre actives plus de personnes dans encore plus d’endroits. Notre but est de transformer le paysage de l’emploi et d’amener à repenser les modes de travail, en France. Le groupe fête aujourd’hui ses 25 ans et nous nous imposons petit à petit pour devenir une référence.

Pourquoi avez-vous décidé de travailler avec votre père ?

Il y a 15 ans, dans la baie de Quibéron (ndlr : près du lieu de l’interview), nous avons eu une discussion qui a tout changé. Il m’expliquait toutes les difficultés qu’il rencontrait, notamment certaines liées au manque de structuration. De mon côté, je progressais malgré des obstacles différents des siens. Nous trouvions dommage de rester chacun dans notre coin car certains problèmes pouvaient être résolus ensemble. Nous esquissons le projet en septembre 2001. En effet, nous contactons nos partenaires financiers pour financer le projet et entrer au capital de l’entreprise.

Que signifie cette entreprise pour vous ?

Actual, c’est un réseau de 200 agences qui ne comptent pas moins de 700 collaborateurs couvrant tout le territoire national. Leur mission première est de donner du travail à ceux qui viennent chez nous et nous font confiance. D’un autre côté, nous nous devons de fournir aux entreprises les compétences qui leur manquent. Nous trouvons à chaque fois la formule la plus adéquate, toujours sur le mode de détachement pour apporter la flexibilité attendue par les entreprises. Nous nous positionnons comme un véritable fournisseur de solutions et de compétences pour l’emploi. Nos employés sont le reflet de nos valeurs, ils ont à cœur la réussite de nos membres et les intérêts de nos clients. En 2015, ce ne sont pas moins de 65 000 personnes qui ont fait de l’intérim avec Actual.

Qu’avez-vous de différents des autres ?

Actuellement, sur le marché de l’emploi, il y a 1 500 acteurs en France et nous sommes dans les dix premiers derrière les majors. Nous représentons un acteur alternatif, car nous ne nous limitons pas aux offres d’emploi traditionnelles, placement en CDI et CDD ou travail temporaire. Les majors ont une logique de volume autour des formes d’emploi classiques. Nous privilégions le projet professionnel des candidats et proposons aussi de nouvelles formes d’emploi comme le CDI à temps partagé ou le portage salarial.

On essaye de mettre l’humain au cœur de notre structure. Notre but reste l’épanouissement de l’autre par le travail. En 2016, nous prévoyons un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros. Au-delà du montant, c’est la fierté d’avoir donné du travail à des milliers de personnes qui prime. Nous sommes en constante progression depuis 25 ans. Je suis assez content que nous arrivions à prendre des parts de marché, avec une croissance de 30 % (15 % croissance organique et 15 % croissance externe) alors que celle du secteur n’est que de 5 %.

Quelle posture adopterez-vous au passage de la loi du travail ?

Cette réforme est inévitable car il s’agit d’un modèle européen qui s’impose de lui-même à chaque pays membre de l’Union Européenne. Il se base sur la flexi-sécurité, qui fluidifie le fonctionnement du secteur en donnant plus de souplesse aux entreprises au niveau de l’embauche et du licenciement. À long-terme, cela permet de lutter contre la précarité et le chômage tout en relançant l’économie du pays. Nous développons d’autres formes d’emploi qui sont au cœur de la promesse d’innovation sociale. Ces solutions répondent à l’enjeu d’entrée dans une relation tripartite c’est-à-dire qui n’est pas régi par et entre deux parties : un salarié et une entreprise, mais qui fait appel à un tiers de confiance.

Cela permet une relation tripartite qui porte plusieurs noms : travail temporaire principalement, temps partagé ou encore portage salarial. Dans ce cadre, il est très facile d’apporter de la sécurité au salarié. Nous pouvons également apporter beaucoup de flexibilité attendue par les entreprises.

Notre action a été légitimée en 2005 lorsque Jean-Louis Borloo a transformé les agences d’intérim en agence d’emploi. Nous avons mis fin au monopole de placement de l’ANPE, désormais ouvert aux agences privées. Aujourd’hui, on dénombre 500 000 intérimaires et seulement 50 000 portés. On pourrait passer à 500 000 si le cadre réglementaire et la législation évoluaient. Parallèlement, il existe le freelance, soit le statut de micro-entrepreneur, qui demeure un choix d’indépendance et d’autonomie. On retrouve la relation bilatérale entre l’indépendant et l’entreprise pour laquelle il donne sa prestation. La limite reste que certains auront du mal à trouver des missions. Nous militons pour leur insertion et accompagnement. Grâce à des solutions comme le portage, ils sortent de l’isolement et bénéficient du statut salarié.

Le droit au chômage est-il l’avantage principal ?

Non, ce n’est pas l’avantage majeur du portage. L’important, c’est que nous travaillions sur des personnes libres en termes de gestion et de capacité. Elles définissent leurs conditions de prestation sans être seules. Le principal, c’est de les aider, de les coacher et de leur trouver des « jobs ». Mais vous avez raison, ils sont également salariés donc cela leur permet de bénéficier de tous les avantages de la protection sociale dont le chômage, en cas d’intermission.

Quelles sont les valeurs fondamentales du groupe ?

Chez Actual, l’enrichissement interpersonnel reste capital. Nous avons à cœur la réussite de chacun et le succès de notre projet global. Le dépassement de soi, l’audace, la performance sont les qualités requises pour quiconque dans la vie active. La nouvelle promesse de notre groupe : « social innovation ». Elle est très engageante pour tous les collaborateurs dans leur rapport à l’autre, aux autres, que ces derniers soient  jeunes, étudiants, travailleurs, cadres d’entreprises, seniors. La pugnacité et l’endurance qu’exigent le travail montrent qu’il s’agit d’un sport quotidien finalement. Cela se traduit par notre de soutien à Yves Le Blevec, skipper de haut niveau, avec qui nous partageons bon nombre de principes. Il témoigne de son vécu à nos équipes et nous parlons souvent de notre projet sportif en interne.

Parlez-nous de votre partenariat.

Nos chemins se sont croisés en 2001. Depuis nous avons construit une belle relation de partage et d’écoute. Nous accompagnons l’ambition professionnelle de l’autre. Nous relevons tous les deux le défi de notre vie. Que ce soit sa carrière de coureur au large ou Actual pour moi. Il recherchait un partenaire pour réaliser son rêve de traverser l’océan sur un mini 6.50. On a juste mis un autocollant sur le bateau pour lui permettre de le concrétiser. L’aventure ne s’est plus arrêtée.

Ensemble, nous avons construit pendant 3 ans le prototype d’un nouveau bateau pour la Transat Jacques Vabre, qu’il a remportée en 2007 à Bayard. Sa victoire était aussi la nôtre, nous partageons un esprit d’équipe absolu. Il était cohérent d’avoir aussi un projet sportif ambitieux et audacieux. C’est pourquoi nous avons construit le Multi50 et qu’aujourd’hui nous avons rejoint le Collectif Ultim avec un projet de course autour du monde en 2019. Nous ambitionnons d’être plus rapides et plus audacieux que le Vendée Globe, qui lui, a commencé à 5 bateaux pour aujourd’hui en compter une trentaine environ.

Actual, se lance donc en haute mer ?

Nous nous sommes dit « pourquoi pas nous ? ». C’est un vrai défi sportif mais humain avant tout. Nous y croyons en misant sur nous. Nous n’hésitons pas à investir une part du budget communication du groupe qui en a les moyens grâce à sa croissance. Les retombées ne sont pas forcément toutes mesurables. Nous faisons l’exercice de savoir combien nous avons eu de retombées collatérales. Ainsi, nous avons pu mesurer le chiffre d’affaires que nous réalisions avant d’embarquer dans le bateau et après.

Nous avons également des indicateurs comme le nombre de fans qui suivent Yves et Actual sur l’ensemble des réseaux. Une chose est sûre : cela génère en interne une mobilisation des équipes. Comme elles sont réparties sur les différents sites afin de couvrir un maximum de territoire, il nous faut générer de l’engagement de leur part. Nous invitons certains collaborateurs à partir sur le bateau notamment ceux qui remportent les challenges internes et nous suivons les performances de notre champion.

Quelle serait la morale de votre histoire ?

L’entrepreneuriat est une aventure personnelle qui devient collective. L’esprit d’équipe est indispensable à la survie de chacun dans un groupe aussi important qu’Actual. Nous devons pouvoir compter les uns sur les autres. Ma plus grande satisfaction, c’est de voir notre réseau s’étendre et aider toujours plus de personnes. La fidélité de nos équipes sur le long terme et au cours des divers projets est le fruit de notre culture d’entreprise : nous sortons du cadre de la pyramide habituelle. Les difficultés, sont quotidiennes, il faut savoir les éviter ou y pallier ensemble. L’agilité est de mise, il faut savoir s’adapter à son environnement.

6 Conseils de SAMUEL TUAL

  • Avoir une vraie vision sur son produit et son marché, partagée par tous.
  • Se démarquer de l’offre actuelle, savoir se repositionner si nécessaire.
  • Demeurer audacieux, le principe de précaution peut s’avérer néfaste en affaires.
  • Ne jamais se laisser décourager ou influencer.
  • Rester proche de ses valeurs dans le cadre professionnel.
  • Etre connecté au monde, impliqué dans son environnement en permanence, à tous les niveaux et de différentes façons.

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