5h45 — Le réveil sonne, la journée commence.
Le silence est encore profond, presque palpable. La maison dort encore, mais dans la tête du dirigeant, l’activité a déjà commencé depuis plusieurs minutes. Entre conscience du devoir et la nécessité de calme, il s’étire, les paupières encore lourdes. Une pensée traverse l’esprit — la liste interminable de décisions à prendre, les crises à anticiper, les échéances à ne pas manquer. Mais pour l’instant, il reste dans cette bulle intime, cette parenthèse matinale qui lui appartient.
6h00 — Café, lecture, premières notes.
Le rituel est immuable : café noir, un journal ouvert sur la table, mais les yeux ne lisent pas encore vraiment. C’est le moment où le cerveau commence à classer mentalement la journée à venir. Priorités, urgences, rendez-vous, mails importants — tout est déjà en train de se trier, dans un ordre invisible pour quiconque. L’adrénaline monte doucement, insidieuse. Une pensée revient : « Je ne dois rien oublier. »
6h30 — Briefing rapide avec l’assistante.
Une demi-heure suffit pour faire le point sur les urgences. Il écoute, ponctue d’un « ok », d’un « fais-le », ou d’un « attention à ça ». Sa voix est calme mais ferme, habitude prise au fil des années. Il faut décider vite, souvent sans tous les éléments. Dans ce métier, le doute n’est pas un luxe qu’on peut se permettre.
7h00 — Check des emails et messages.
La boîte mail est un torrent d’informations. Certains sont urgents, d’autres peuvent attendre. Le dirigeant a appris à repérer instantanément ce qui nécessite son attention personnelle, ce qui peut être délégué, et ce qui doit être éludé. Dans l’écran, une phrase attire son regard — une crise potentielle dans une filiale. Un pic de tension intérieure se manifeste, rapide, mais intense. Il prend une décision immédiate : appeler son directeur opérationnel.
7h30 — Appel stratégique.
En même temps qu’il déroule son café, il dialogue avec un collaborateur clé. La voix de l’autre bout est calme, rassurante, mais le dirigeant sait que sous cette surface, une tempête gronde. Il questionne, écoute, valide. À la fin de la conversation, il se sent un peu plus maître du jeu, mais l’inquiétude persiste. L’incertitude est le compagnon constant de son poste.
8h00 — En route vers le bureau.
Le trajet est court, mais mentalement intense. Chaque seconde est utilisée pour réfléchir à la réunion de 9h, au dossier à remettre dans l’après-midi, au rapport financier qui lui est tombé dessus la veille. Une voix intérieure le pousse à toujours anticiper, toujours être un pas devant. Il remarque les visages dans la rue, les passants, mais son esprit ne s’y attarde pas.
9h00 — Réunion de direction.
La salle est froide, austère. Les visages autour de la table sont concentrés, parfois tendus. Les mots fusent, rapides, techniques. Le dirigeant doit à la fois écouter, comprendre, trancher, motiver. Il sent parfois le regard de certains se poser sur lui, cherchant un signe, une décision, une direction. La pression monte, mais il reste maître de lui. Son esprit jongle entre stratégie, diplomatie et autorité.
10h30 — Pause express, un moment pour souffler.
Il saisit une gorgée d’eau, évite de croiser les regards. Son cerveau tourne à plein régime. Derrière ce visage impassible, les émotions dansent en silence : stress, fatigue, détermination, parfois un soupçon d’angoisse. Il se rappelle qu’il faut tenir, encore, encore.
11h00 — Décision difficile à prendre.
Un dossier épineux lui est présenté. Les chiffres ne sont pas bons, mais il y a aussi des opportunités cachées. Il pèse le pour et le contre, visualise les conséquences possibles. Sa main se crispe un instant. Puis, il tranche. La décision est prise, mais le doute ne le quitte jamais vraiment.
12h30 — Déjeuner de travail.
Il n’y a pas de pause véritable. La conversation est à la fois formelle et informelle, une danse subtile entre échanges humains et objectifs professionnels. Parfois, il sourit, parfois il écoute en silence, pesant chaque mot, chaque inflexion de voix. Son esprit note, analyse, classe.
14h00 — Visite terrain ou rencontre client.
Le contact humain est essentiel, mais parfois épuisant. Il sait que derrière chaque sourire se cachent des attentes, des enjeux. Il doit être à la fois accessible et inébranlable, charismatique et rigoureux. Un exercice d’équilibre perpétuel.
15h30 — Retour au bureau, emails en rafale.
La boîte de réception a explosé. Il ne s’attarde pas. Il lit en diagonale, délègue sans perdre de temps. Le téléphone sonne. C’est le directeur financier qui annonce une alerte budgétaire. La tension remonte d’un cran.
16h00 — Réunion de crise.
Un problème majeur vient de surgir. Le dirigeant rassemble ses équipes, il écoute, interpelle, propose des solutions. Son rôle n’est plus seulement de décider, mais de rassurer, de fédérer. Sa voix, calme et posée, doit transmettre confiance malgré la tempête.
17h30 — Moment de solitude, réflexion.
La journée, bien que chargée, n’est pas terminée. Il prend quelques minutes, ferme les yeux, respire profondément. Un dirigeant revoit mentalement les événements, les décisions, les paroles échangées. Il anticipe déjà demain. Il sait que la solitude est le prix à payer pour la responsabilité.
18h00 — Fin officielle de la journée de travail.
Mais dans sa tête, la journée continue. Les dossiers, les problèmes, les projets — rien ne s’arrête vraiment. Il éteint son ordinateur, mais son esprit tourne encore. Il sait qu’il devra replonger tôt demain matin.
19h30 — Dîner en famille.
Le masque tombe parfois. Les sourires sont vrais, les rires plus sincères. C’est un refuge, une pause bienvenue. Mais même là, dans les échanges doux, il y a cette pensée sourde : « Est-ce que j’ai bien fait aujourd’hui ? »
21h00 — Temps personnel, lecture ou sport.
Il cherche à se vider la tête, à se reconnecter à lui-même. Le corps demande, le mental réclame. Un livre, un jogging, une méditation. Quelques instants volés au tumulte.
22h30 — Préparation pour demain.
La liste est prête, le planning est calé. Il écrit quelques notes. Son esprit s’apaise un peu, mais il sait que demain sera une autre bataille.
23h00 — Le sommeil, fragile refuge.
Les paupières se ferment, mais le sommeil est souvent léger, interrompu. Les pensées affluent, le stress murmure. Il cherche le repos, sachant qu’il devra à nouveau affronter l’aube et ses exigences.
Derrière le masque du dirigeant
Cette journée ordinaire d’un dirigeant est tout sauf simple. Derrière le costume et le discours bien rodé, il y a un homme ou une femme confronté(e) à une charge mentale souvent insoupçonnée. La solitude, la responsabilité, la pression permanente de prendre les bonnes décisions, le poids des attentes multiples — voilà ce qui rythme chaque minute.
Il faut apprendre à jongler avec l’incertitude, à dompter ses émotions, à masquer ses faiblesses. Pourtant, derrière cette façade de contrôle, l’humain reste fragile, avec ses doutes et ses failles.
Ce journal intime, cette plongée dans l’esprit d’un dirigeant, rappelle que le leadership n’est pas qu’une position de pouvoir : c’est une bataille quotidienne, un défi personnel, une quête sans fin d’équilibre entre exigence et humanité.