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Entrepreneur

Interview de Sébastien Pissavy, Cofondateur du site Jeuxvideo.com

Entretien exclusif avec Sébastien Pissavy, cofondateur du site Jeuxvideo.com

Comment avez-vous eu l’idée de créer Jeuxvideo.com ?

C’était en 1995. J’étais amateur de jeux vidéo, sans non plus être un joueur invétéré qui reste 12 heures par jour devant sa console. à l’époque, les jeux étaient très difficiles à terminer et la plupart des joueurs étaient frustrés car ils n’arrivaient pas à aller au bout. C’étaient des jeux programmés par des informaticiens pour des informaticiens : le grand public ne s’y retrouvait pas. Face à cette situation, une ribambelle de magazines délivrant des astuces de jeux sont sortis sur le marché. Ces astuces permettaient aux joueurs de débloquer les difficultés des jeux et d’aller au bout. L’idée que j’ai eue alors était de rassembler toutes ces astuces de jeux en un seul document numérique et contributif que j’ai appelé L’Encyclopédie des astuces de jeux vidéo. Mon Encyclopédie a été publiée par des magazines de jeux vidéo, ce qui m’a permis de gagner en notoriété. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré mes deux futurs associés et que, face au succès de l’encyclopédie, nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure. Nous voulions transformer notre passion pour les jeux vidéo en vrai business.

Vous avez ensuite lancé l’encyclopédie sur Minitel ?

Oui, une société nous a proposé de créer un serveur 3615 sur Minitel. C’est ainsi que nous avons commencé à monnayer notre projet, avant même de créer l’entreprise. La consultation de l’encyclopédie sur le serveur était facturée à la minute. Même si nous n’avions pas beaucoup de trafic, cela nous rapportait un peu d’argent.

Mais vous vous êtes rapidement lancés sur Internet ?

Oui, nous avons lancé le site Internet Jeuxvideo.com en 1997, alors qu’Internet n’en n’était alors qu’à ses premiers balbutiements en France. Moi-même, je ne disposais pas de connexion Internet à l’époque. C’était bien avant que Google ou même Caramail n’arrivent sur le web. Mais un de mes associés nous a convaincus qu’Internet allait tout révolutionner et qu’il fallait qu’on s’y place le plus tôt possible. Et, comme nous étions parmi les premiers à lancer un site Internet en France, le nom de domaine Jeuxvideo.com était encore disponible.

C’est à ce moment-là que vous avez réellement créé l’entreprise ?

Exactement. Et la petite particularité c’est que, mes deux associés et moi-même, nous ne nous étions jamais rencontrés avant de signer les statuts de l’entreprise ! Nous avions travaillé à distance, chacun dans une ville différente. Je me rappelle encore de la tête des experts-comptables lorsque nous les avons sollicités pour créer l’entreprise : situés en Auvergne, ils avaient plus l’habitude de travailler avec des agriculteurs ou des commerçants qu’avec des entreprises innovantes. Et, lorsque je leur ai expliqué que je n’avais pas encore rencontré mes associés avant… je les ai sentis très sceptiques !

Mais le regard sur votre projet a vite changé ?

Quand nous parlions de l’entreprise en 1997, les gens étaient perplexes et ne croyaient pas vraiment en notre potentiel. Puis, vers 98-99, nous sommes entrés dans une autre période, cela a été un vrai tournant. Subitement, avec le gonflement de la bulle Internet, nous sommes devenus à la mode ! Nous avons appris que nous avions créé une start-up sans le savoir ! Des entrepreneurs du web levaient des millions avec un concept qui tenait sur un post-it ! Les start-ups faisaient la une de tous les journaux et nous avons pu bénéficier de cet engouement médiatique.

Avez-vous profité de l’essor de la bulle Internet pour lever, vous aussi, des millions ?

Non, car nous ne nous sommes jamais vraiment sentis dans cette mouvance des start-ups. Nous avons toujours géré l’entreprise en bon père de famille, sans dépenser l’argent que nous n’avions pas. Mais, comme nous avons vu que la valorisation de l’entreprise commençait à bien augmenter, nous avons fait le choix d’en céder 80 % en mai 2000 au groupe Gameloft. Nous avons continué à développer le site Internet avec une autonomie de décision à peu près totale. Et, en 2006, Gameloft a cédé ses actions à un autre groupe français, Hi Media. Aujourd’hui, le site Internet est devenu le plus grand média de jeux vidéo en Europe.

Vous avez finalement quitté l’entreprise l’an dernier. Pourquoi ?

Car j’avais l’impression de tourner en rond. Et puis je ne retrouvais plus dans ma situation la liberté dont je bénéficiais au départ en tant qu’entrepreneur. J’ai alors quitté l’entreprise avec de nouvelles idées de création en tête. Et, dans la foulée, j’ai concrétisé un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps, celui d’écrire un livre pour raconter toute mon aventure d’entrepreneur.

Comment avez-vous vécu le fait de partir de l’entreprise que vous aviez vous-même créée ?

J’avoue que les premiers jours c’était difficile : je continuais à aller sur le site Internet pour vérifier que tout allait bien, qu’il n’y avait pas de bug informatique ! Cette entreprise c’était un peu mon bébé, j’ai travaillé dessus pendant 17 ans ! C’est finalement l’écriture du livre qui m’a permis de décrocher, de faire un bilan de cette aventure. Ce livre, c’est un peu comme une sauvegarde que vous faites lorsque vous venez de faire une bonne partie dans un jeu vidéo !

Auriez-vous un conseil à donner aux futurs entrepreneurs ?

Je leur conseillerais de ne pas attendre d’avoir une idée de génie, un concept incroyable qui va vous rendre milliardaire, pour se lancer. Si vous avez une idée simple qui comble un besoin non couvert, faites-le, et faites-le jeune. C’est là où nous avons le plus d’énergie et le plus de temps. Dans notre secteur, toutes les grosses réussites se font avant l’âge de 30 ans. Les Facebook, Apple ou Dell n’ont pas été créés par des retraités !

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