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Partir travailler à l’étranger : une préparation indispensable

Au 31 décembre 2013, 1 642 953 ressortissants français étaient inscrits au registre mondial des Français établis hors de France. Le nombre de salariés expatriés ou détachés ne cesse de croître. Sont notamment concernés les salariés désireux d’être détachés temporairement pour travailler dans une filiale de leur société à l’étranger.

Cette mobilité internationale est souvent vécue comme le choix d’une meilleure qualité de vie conciliant plus aisément vie professionnelle et vie familiale ou, pour ceux qui ont des origines dans un pays en particulier, comme un retour aux sources. Des objectifs louables certes mais qui ne doivent pas occulter le fait que cette mobilité internationale doit s’entourer de précautions juridiques nécessaires. Quelle est le droit applicable au contrat de travail exécuté dans une filiale à l’étranger ? Existe-t-il un « droit au rapatriement » en cas de rupture du contrat avec la filiale à l ‘étranger ? Quels avantages (primes, mutuelle, frais pris en charge etc….) peuvent être négociés avec la société d’origine ou la société d’accueil à l’étranger ? 

Un détachement à l’international réussi suppose donc une anticipation tant en ce qui concerne les conditions de départ à l’étranger que les conditions de séjour dans le pays d’accueil sans omettre les modalités de retour après la mobilité.

Les conditions de départ à l’étranger

Prévoir des clauses adaptées 

Rappelons de prime abord que le détachement concerne la situation du salarié envoyé à l’étranger pour une durée limitée. Cette durée est fixée par des conventions bilatérales entre la France et le pays d’accueil. A l’inverse, l’expatriation correspond à une mission de longue durée à l’étranger (supérieure à celle prévue par les convention bilatérale) et à un emploi exclusif pour le compte de la société du pays d’accueil à l’étranger sans lien contractuel avec la société d’origine en France.

Une première question, anodine en apparence, peut se poser pour le salarié et l’employeur avant d’opter pour un poste à l’étranger : un nouveau contrat de travail sera-t-il signé avec la filiale ou est-il préférable de conserver le contrat initial ? Cette question a d’importantes conséquences en termes d’avantages du salarié détaché mais aussi en cas de rapatriement anticipé ou de reclassement. Si les relations de travail s’exercent dans un groupe international de sociétés, le reclassement ne sera possible que s’il existe un contrat de travail (plus précisément un « lien de subordination ») entre le salarié détaché et l’employeur initial (la société mère). Dans le même sens, si le salarié vient à être licencié par la filiale étrangère, le fait que le contrat de travail soit maintenu avec la société mère permet au salarié de retrouver un poste au sein de cette société en France.

Cette réflexion mérite d’être posée avant le départ à l’étranger. C’est pourquoi, il est préférable pour le salarié en cas de détachement à l’étranger, de conserver son contrat de travail initial avec la société mère en France, tout en signant un avenant à ce contrat pour définir les conditions de départ pour l’étranger. Une lettre de mission est également parfois annexée au contrat initial. Cet avenant ou lettre de mission est en général tripartite entre le salarié, la société d’origine (société mère) et la filiale étrangère d’affectation (société d’accueil). Le contrat avec la société mère est dans ce cas suspendu le temps du détachement au sein de la filiale étrangère.

L’accès à la mobilité internationale est désormais facilité avec la loi du 14 juin 2013. Cette loi crée, dans les entreprises de plus de 300 salariés, un droit à la mobilité externe sécurisée en reconnaissant un droit au retour dans l’entreprise d’origine après une mobilité dans autre entreprise. L’employabilité et la formation sont ainsi favorisées par ce dispositif. En cas de retour, le salarié retrouvera son emploi antérieur ou un emploi similaire, avec une rémunération au moins équivalente.

D’autres précautions juridiques sont à prendre.

Par exemple, certains avenants (voire des conventions collectives) stipulent qu’une période d’adaptation (de 6 mois par exemple) au poste à l’étranger doit être prévue permettant ainsi au salarié de réintégrer son ancien poste en cas de difficulté particulière.

Anticiper les frais et démarches administratives

Sans « plan de vol » précis, partir travailler à l’étranger peut s’avérer coûteux. En pratique, nombreux sont les éléments relevant d’une négociation entre l’employeur et le salarié avant son départ. Ainsi, certains employeurs permettent au salarié et à sa famille de partir découvrir leur futur lieu de travail à l’étranger en organisant un voyage de découverte ou un stage d’immersion linguistique. Billets aller-retour, déplacements sur place, frais d’hôtel et de repas sont ainsi pris en charge par l’employeur. Ce voyage de deux ou trois semaines permet de trouver le logement, de se familiariser avec l’environnement local, d’organiser les modalités de scolarisation des enfants et de régler toutes les questions administratives. Par principe, les démarches nécessaires à l’obtention de titres de séjour et de travail locaux relèvent de l’employeur.

Négocier une couverture santé complémentaire

D’une manière générale, repose sur l’employeur une obligation d’information et de sécurité qui se traduit en pratique par la mise à disposition au profit du salarié, et avant son départ, de toutes les informations concernant la règlementation fiscale et sociale qui régira sa situation localement, ou encore une information médicale pour les régions à risque sanitaire. Il est même possible de prévoir le paiement par l’employeur des cotisations sociales auprès du pays d’origine, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour le salarié détaché en terme de cotisations retraite, maladie, accident du travail ou assurance chômage. La couverture santé complémentaire du salarié et de sa famille est d’ailleurs un des points essentiels de négociation. Elle n’est pas prévue de manière systématique pour les salariés pour lesquels il est envisagé une installation à long terme à l’étranger (dès que le salarié quitte le territoire français pour une durée supérieure à 6 mois, il ne relève plus du régime de protection sociale français) mais le Code de la sécurité sociale français offre la possibilité au salarié de maintenir son affiliation au régime de sécurité sociale français en s’inscrivant volontairement auprès du Centre des Français de l’Etranger (CFE) moyennant une cotisation prise en charge par l’employeur ou le salarié. Même si la loi du 14 juin 2013 a prévu une couverture complémentaire obligatoire pour tous les salariés sur le territoire français à compter du 1er janvier 2016, la question de la couverture à l’étranger relève de la négociation.

Des frais d’installation parfois pris en charge par l’employeur

Certaines chartes d’entreprises (qui d’ailleurs peuvent être reprises dans la lettre de mission ou l’avenant au contrat de travail) prévoient la prise la prise en charge par l’employeur des frais liés au changement de domicile et à l’installation dans le nouveau logement à l’étranger (téléphone, entretien, prime d’expatriation, prime spécifique d’intempérie pour les désagréments climatiques, prime liée à la fiscalité destinée à compenser le différentiel d’imposition avec le pays d’accueil, déménagement des effets personnels, du véhicule personnel, frais de garde-meuble, prise en charge d’un voyage annuel de retour vers le pays d’origine pour les congés annuels ou pour un événement gave, etc..). Autant de détails auxquels il convient de penser avant le départ à l’étranger. En somme, tout est affaire de négociation contractuelle entre l’employeur et le salarié avant le départ à l’étranger.

Les conditions de séjour dans le pays d’accueil

La loi applicable

En droit du travail international, il existe un principe de liberté contractuelle (« lex contractus »). Par exemple, la Convention de Rome prévoit que les parties peuvent choisir dans le contrat de travail la loi applicable à leur relation de travail lorsqu’il s’agit d’un détachement au sein de l’Union européenne (Convention de Rome du 19 juin 1980, art. 3). En revanche, la question est plus ardue lorsqu’il s’agit d’un détachement dans des pays hors Union européenne. Et pour cause, l’internationalisation des relations de travail a soulevé un certain nombre de difficultés juridiques qui ne sont pas toujours traitées par les accords bilatéraux entre le pays d’origine et le pays d’accueil. C’est pourquoi, l’employeur et le salarié peuvent prévoir une « clause attributive de juridiction » dans le contrat de travail.

Choisir contractuellement la loi française pour des relations de travail à l’étranger peut donc présenter un intérêt certain. Mais le choix de la loi applicable au contrat ne peut priver le salarié de la protection des lois d’accueil dites « impératives » (salaire minimum, durée du travail, protections particulières…). C’est notamment ce qu’à jugé, a contrario, la Cour de cassation, le 29 septembre 2010, à propos de certains employés d’ambassades étrangères en France.

Lorsque les parties ne choisissent pas la loi applicable, c’est de facto la loi du lieu d’exécution habituelle du travail qui s’appliquera au salarié détaché (la « lex loci laboris »), en d’autres termes : la loi du pays d’accueil. Bien évidemment, ce principe concerne un détachement à long terme dans un pays étranger et non un simple voyage d’affaires.

Les modalités de retour après le détachement

Un droit au retour fixé par la loi française

Penser les conditions du départ commande aussi de penser les conditions du retour. Le Code du travail français prévoit que lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein (article L.1231-5 du Code du travail). Si en France, le rapatriement et le reclassement du salarié sont fréquemment prévus dans les contrats, encore faut-il que le salarié n’ait pas contracté exclusivement un contrat de droit local avec la filiale à l’étranger. Dans cette dernière hypothèse (souvent en cas d’expatriation), le risque existe qu’aucune obligation de réintégration ne s’impose à l’employeur initial. C’est pourquoi, lorsqu’il ne s’agit pas du même groupe de sociétés, il est conseillé de signer en amont avec la société en France une promesse d’embauche qui prendra effet en cas de rupture du contrat de travail local ou de prévoir une mobilité externe sécurisée ainsi que le permet désormais la loi du 14 juin 2013. Ceci constitue une sorte de garantie d’emploi que le salarié a tout intérêt à négocier dès le départ.

Finalement, partir travailler à l’étranger en toute sérénité est une question de préparation et d’anticipation des éventuels problèmes pouvant survenir tant dans le pays d’accueil qu’au moment du retour en France. Le moyen le plus sûr de vivre cette expérience à l’étranger sans mauvaises surprises est de prévoir un contrat de travail détaillé avant son départ.

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