Interview de Ning Li, Cofondateur de Made.com

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Entretien exclusif avec Ning Li, cofondateur du site Internet de vente en ligne de meubles Made.com.

Vous avez un parcours assez atypique je crois, racontez-nous.

Je suis né dans un petit village en Chine, dans une famille modeste. Traditionnellement, les jeunes de ma région partent faire leurs études à l’étranger. Je suis donc arrivé en France à 16 ans, un peu par hasard, car j’avais rencontré en Chine le directeur d’une pension française qui a accepté de m’y accueillir. Cela a été le tournant de ma vie. C’était une très bonne école, mais je m’y suis vite ennuyé. Nous étions au fin fond de la Normandie et moi je voulais connaître la grande ville, Paris !

A 17 ans, je suis donc descendu à Paris, où j’ai tapé à la porte d’un épicier chinois très généreux qui a accepté de me loger contre du travail. Grâce à cela, j’ai pu intégrer une prépa, puis entrer à HEC. Là-bas, tous les étudiants rêvaient de faire carrière dans les banques d’affaires, dans lesquelles on peut très bien gagner sa vie. Comme je ne savais pas quoi faire, je me suis retrouvé « par défaut » à la banque Rothschild dans le secteur de la fusion-acquisition où je suis resté un an. Je me suis vite rendu compte que j’avais besoin de respirer, de créer des choses nouvelles, d’être dans la création… Alors j’ai démissionné.

Mais, suite à cela, vous n’avez pas tout de suite monté votre entreprise ?

Non, car je n’avais pas encore une idée très précise de ce que je voulais faire. J’étais très impressionné par le parcours de Marc Simoncini, le créateur de Meetic, qui venait d’introduire son entreprise en bourse. Alors je l’ai contacté directement et je lui ai proposé de m’embaucher pour gérer leur plan d’acquisition à l’international, en me payant un petit salaire, au lieu d’aller voir des banques d’affaires. Il m’a donné cette chance d’être à ses côtés en tant qu’assistant, il m’a emmené à toutes les réunions pour négocier les deal de transactions importantes. Ce travail a été pour moi une vraie formation au métier d’entrepreneur, et l’expérience a éveillé fortement en moi l’envie de me lancer.

C’est donc à ce moment-là que vous avez créé MyFab ?

Oui, je me suis dit « pourquoi pas moi ? ». J’avais gardé contact avec un collègue de la banque Rothschild qui partageait avec moi cette envie d’entreprendre. Nous avons donc décidé de nous retrouver tous les week-ends pour brainstormer des idées de projets. Nous avions une foule d’idées que nous testions auprès de nos proches. Le concept qui a fini par émerger était un site e-commerce de vente flash sur le secteur de l’ameublement. Nous avions observé le succès des ventes privées sur Internet, qui ne s’appliquaient alors qu’au domaine du textile, et nous souhaitions l’appliquer à un nouveau secteur. Nous nous sommes donc lancés dans la création de MyFab en 2007. Nos bureaux étaient en France, et les produits que nous vendions venaient de Chine. Nous avons vite grandi, et le siège a été déplacé à Shanghai, tout en continuant à vendre avec succès sur le marché français, puis en Allemagne.

Mais à ce moment-là vous avez décidé de vous retirer de l’aventure. Pourquoi ?

J’avais 26 ans et je me retrouvais, avec mes associés, à la tête d’une équipe de 180 personnes. Je commençais à ne plus me sentir très à l’aise dans cette position et j’avais, de plus, très envie de voyager. J’ai saisi l’opportunité de céder mes parts de capital quand le groupe Kering (ex PPR) nous a proposé d’investir dans MyFab. J’ai donc revendu mes parts, j’ai pris mon sac-à-dos, et je suis parti à l’aventure ! Avec le recul, je me dis que j’ai pris la bonne décision car, quelques mois après, le marché s’est retourné, et MyFab a commencé à battre de l’aile. J’ai donc revendu au bon moment.

Vous avez donc quitté pour un temps votre vie d’entrepreneur ?

Je me suis inscrit à l’université de la Havane et j’ai voyagé un an à Cuba. Je suis ensuite revenu en Europe quelques jours pour un mariage, où j’ai rencontré Brent Hoberman, un investisseur avec lequel j’avais travaillé précédemment. Il m’a proposé alors de venir m’installer à Londres pour lancer avec lui un nouveau projet, dans le même secteur que MyFab, mais adapté au marché anglais. J’ai dit « oui » sur le champ car j’étais à la recherche d’un nouveau concept à lancer et que l’investisseur en question était l’un des piliers du business en Angleterre. Je savais qu’en me lançant tout seul dans la création d’une start-up, sans bénéficier d’un bon réseau, cela aurait été très difficile de réussir tout de suite à lever des fonds et à recruter des talents.

Vous vous êtes donc lancé dans la création de Made.com ?

Oui, mon investisseur m’a présenté Chloé Macintosh, une architecte française vivant à Londres et qui est devenue mon associée et la directrice artistique de l’entreprise. Et, pour s’occuper de la partie logistique, j’ai fait appel à Julien Callède, un ancien camarade d’HEC, encore un français, qui s’était spécialisé dans l’importation de meubles. L’équipe était créée. Il ne nous restait plus qu’à trouver le nom de l’entreprise !

Et alors, comment êtes-vous tombé sur Made.com ?

Pendant 6 mois nous avons cherché un nom. Sur un projet Internet, le nom est très important, c’est un peu comme la devanture d’une boutique. Nous avons pensé à Made, qui nous semblait parfait pour notre activité. ça se retenait bien, et ça nous permettait d’envisager des partenariats avec des designers reconnus en lançant des collections « Made by… ». Seul problème, le nom appartenait déjà à une société coréenne qui refusait de le vendre ! En plus c’était très dur car les dirigeants ne parlaient pas un mot d’anglais… J’étais à deux doigts de partir en Corée avec une valise de cash quand ils ont fini par accepter de nous le céder.

J’ai payé une fortune pour acquérir le nom, mais je pense que cela valait le coup, même si c’était un risque financier énorme à prendre. Nous avons enfin pu lancer le site Internet en mars 2010, après avoir fait une levée de fonds de 2,5 millions auprès de business angels entrepreneurs issus de notre réseau. Depuis, nous nous sommes développés très vite, et nous faisons aujourd’hui en Angleterre, et depuis un an en France également, un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de millions d’euros. En septembre 2013, nous venons également de nous lancer sur le marché italien, qui semble très réceptif à nos produits design.

3 conseils de Ning Li

  • Montez votre entreprise en Angleterre !

En Angleterre, la création d’entreprise est très peu taxée au démarrage et les start-ups peuvent plus facilement dénicher des talents venus du monde entier car il y a cette langue commune qui est l’anglais.

  • Travaillez bien votre réseau.

Il est très difficile pour une jeune start-up de réussir à lever des fonds si elle ne bénéficie pas d’un solide réseau. En Europe, l’investissement dans les entreprises est beaucoup affaire de réseau. Et, lorsqu’on vit sa première expérience entrepreneuriale et qu’on n’a pas encore pu prouver ses compétences, c’est très dur d’inspirer la confiance à des investisseurs.

  • Ne pas avoir peur des géants du marché.

Sur le secteur de l’ameublement nous avons face à nous le mastodonte Ikea, mais cela ne nous effraie pas du tout. Nous proposons une offre clairement alternative aux produits de ce géant, donc nous pouvons nous aussi trouver notre place sur l’énorme marché de l’ameublement.

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