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Start-Up

Quand entrepreneur se marie avec l’optimisme

Interview de Beya Zerguine, cette entrepreneure qui a toujours le sourire.

Quel est votre parcours (estudiantin, professionnel et personnel) avant la création de votre entreprise ?

En classe de seconde, je décide d’être journaliste pour assouvir une forte curiosité, une forte créativité, un goût prononcé pour la lecture, l’écriture, l’analyse, la découverte de l’humain et de son histoire de vie. Je voulais passer le bac littéraire mais les professeurs m’ont mise dans une autre barque. A partir de là, je me suis laissé emporter par la rivière et mon parcours s’est fait via des opportunités plus que des envies, jusqu’à l’entreprenariat.

J’ai obtenu une  maîtrise, en gestion des entreprises option management et commerce avec pour objectif d’effectuer des études de marché, de comprendre le fonctionnement de l’humain dans le process d’achat.

Pour financer mes études, j’ai occupé le poste d’hôtesse caisse. J’ai été sollicitée par la cheffe de secteur pour porter un projet RH sur l’amélioration des conditions de travail en caisse : mise en place de groupes de réflexion, analyse de la situation, proposition de solutions. J’ai participé également à des entretiens de recrutements. Cela m’a plu. J’ai donc  décidé en maitrise de faire mon stage dans une agence d’intérim spécialisée en restauration collective, pour valider mon choix d’orientation.

Mais à l’université je me suis  rendu compte qu’être indépendante fait partie inhérente de mes compétences aussi bien  pour organiser mon planning que de conseiller les autres.

A partir de là, j’ai  construit mon parcours professionnel avec pour seul objectif, la création d’entreprise. En 2005, j’ai commencé à travailler sur mon projet. J’ai rencontré des consultants indépendants qui m’ont conseillé d’avoir davantage d’expériences, avoir minimum 45 ans… J’en ai 41 et j’ai commencé il y a 5 ans… J’ai décidé d’acquérir des compétences  nouvelles comme celle du commercial.  Lors d’un bilan de compétences, j’ai  constaté que celui-ci n’était finalement qu’un compte rendu limité au répertoire des métiers existant et non la fine analyse que j’attendais.

J’ai décidé de postuler chez Randstad pour la polyvalence du poste, administration du personnel, recrutement et commercial. Ma candidature est refusée pour absence d’expériences dans le commercial. J’en ai conclu que l’outil par excellence du commercial est le téléphone. J’ai postulé chez Téléperformance via une agence d’intérim et pour pouvoir être sélectionnée, grâce à mon expérience dans le recrutement,  j’ai fait un CV en adéquation avec le poste. Puis, j’ai présenté à nouveau ma candidature chez Randstad. Ma candidature fut retenue, grâce à mon expérience de téléphone.

Voilà comment j’ai géré mon parcours. Un objectif, une stratégie, une connaissance du terrain, du relationnel, des prises de décision, des actions.

15 ans dans les RH dont 13 dans le recrutement, principalement dans les agences d’interim. ADIA, ADECCO, CRIT INTERIM, RANDSTAD et AUCHAN, ORANGE, TELEPERFORMANCE.

J’ai choisi les grandes entreprises en pensant que j’allais acquérir les bonnes méthodes de travail pour ma future entreprise.

C’est grâce à ce parcours autodidacte que j’ai pu constater au moins 7éléments essentiels :

  • La similitude des CV : date,  société, postes occupés. Très peu de choses sur la personne, voire rien
  • Le vrai parcours n’est pas sur le CV
  • Les gens sont moroses au travail avec un impact réel sur leur santé et sur celle de l’entreprise
  • Les préjugés lors de recrutement de la part des clients
  • La méconnaissance de la richesse de l’éco-système économique en France
  • La méconnaissance du marché de l’emploi et de ses opportunités
  • La résignation.

Le monde professionnel doit être un lieu d’épanouissement, non un monde de détresse psychologique avec des dégâts sur la santé physique et psychique.

Quand avez-vous créé votre propre entreprise ? Dans quel secteur ? Et surtout pourquoi (anecdote, déclic) ?

Ce sont mes frustrations et le décalage que j’ai avec le fonctionnement de la société qui est constitué mon déclic. J’ai constaté qu’on passe plus de temps à nous empêcher d’agir qu’à nous transmettre la volonté de passer à l’action.

Dans ma commune, le bar-restaurant près de la gare était à vendre. Je me suis dit que l’emplacement était  idéal pour une boulangerie. J’avais 20 ans. J’avais un CDI. Je pouvais faire un prêt. En quelques instants, le plan d’action s’est mis en place. Au même moment, la fameuse autocensure appuyée par la société arrive. « Pense à ton diplôme. Avoir un diplôme, c’est mieux. C’est plus sûr. Tu auras un bon poste et un bon salaire. Et puis, ce n’est pas pour une femme de monter une affaire. » Et voilà, je passe à autre chose. Aujourd’hui, il y a une boulangerie-pâtisserie qui marche super bien. La gare a été refaite avec plusieurs bus et la commune s’est agrandie. Dans la même période, je vois une ancienne ferme à vendre. Je me dis que c’est idéal pour en faire des appartements. Rebelote… Aujourd’hui, ce sont des appartements.

J’ai créé au départ, une auto-entreprise en 2011. Avant de me lancer, il m’a été proposé un CDD, d’accompagnement à l’emploi auprès des femmes victimes de violences. Il s’agissait de permettre aux personnes accompagnées d’identifier et de mettre en place leur projet professionnel adapté à leur personnalité.

Je suis passé du recrutement à l’accompagnement

Que représente l’entrepreneuriat pour vous ?

L’entreprenariat est la possibilité de faire ce que je veux, comme je veux, avec qui je veux.

Je peux créer mon propre modèle, y avoir mon propre management, alimenter ma créativité.

L’entreprenariat est le seul moyen pour créer et développer mon propre univers.

Il y a un point qui m’a surprise : j’ai retrouvé les mêmes blocages que dans le salariat.

Je me suis entendu dire « Beya, si tu ne respectes pas les codes, tu n’y arriveras pas. » ou « On n’est pas dans le monde des bisounours. »

5 ans après, je suis toujours présente et ma particularité est bien identifiée.

L’entrepreneuriat est un monde où on peut remettre l’humain au centre, à sa place, recréer du lien, recréer un écosystème où chaque personne a sa place, dans le respect et l’intérêt de tous.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? Et inversement les principales satisfactions ?

La première difficulté rencontrée a été les personnes, qui sont aussi mes principales satisfactions.

Beaucoup de personnes ne croyaient et ne croient pas en ce que je fais. S’intéresser à l’humain est très utopique pour beaucoup de monde, surtout quand c’est dans le monde du travail. S’intéresser et être capable de transformer son vécu en compétences l’est tout autant. Nous sommes dans une société qui nous impose un modèle.

Toutes ces personnes  m’ont énormément apportées dans le sens où j’ai pu peaufiner la présentation de mes activités et ma différenciation. Et j’ai appris à ne plus me laisser influencer par les commentaires qui dépendent du vécu de chaque personne, et qu’e l’atout maitre est d’être curieux, de s’informer et de se faire son propre avis.

Des personnes, emplies de louables intentions,  pensent nous suggérer de bons conseils, mais  qui ne nous correspondent cependant pas. A nous de nous faire notre propre avis. D’où l’intérêt de bien se connaître.

Comment vous êtes-vous financé ?

J’ai effectivement fait une demande de départ volontaire pour création d’entreprise lorsque Randstad a lancé un PSE. J’ai eu accès à des aides à ce moment-là.

Et surtout, mon activité a démarré tout de suite.
Connaissant le goût prononcé en France de la diplomite aigue, j’ai recherché des postes en CDD  pour l’accompagnement à l’emploi.

J’ai postulé à un poste de vacataire. L’entretien s’est très bien déroulé et le cabinet est devenu mon premier client.

Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie personnelle ?

Au début, mon activité a pris le pas sur tout. C’est comme si on lâchait un enfant dans un parc de jeux. Je découvrais un nouveau monde rempli d’opportunités à découvrir. J’ai cofondé un groupement d’auto-entrepreneurs que j’ai présidé de 2011 à 2013, créé le seul et unique Forum des auto-Entrepreneurs en 2011 et 2012, qui a été  un beau succès et  créé par ailleurs de nombreux évènements pour des clubs d’entrepreneurs.

J’ai fait connaissance avec toutes les facettes de l’entreprenariat en participant à des ateliers, à des événements.

J’ai appris et en même temps, j’ai créé mon propre réseau qui continue de se développer, jusqu’à m’ouvrir des milieux que je ne connaissais pas et/ou que je ne soupçonnais pas. Cette surcharge d’activité m’a amenée naturellement vers le burn-out et aujourd’hui je suis en train d’apprendre à maitriser toutes les facettes de ma vie.

J’ai mélangé passion et cheffe d’entreprise mais il est nécessaire d’avoir   un équilibre dans son écosystème.

Aujourd’hui, je fais un travail sur moi, participe à des pratiques de développement personnel, qui me permettent de comprendre mon parcours, de me libérer  des préjugés et des limites que la société m’a transmis. J’apprends à prendre du temps pour moi, pour ma famille, pour mes amis, à clarifier mes projets, les prioriser, gérer les opportunités, et faire de ma santé la priorité.

Avez-vous une anecdote à partager ?

Je pourrais écrire plusieurs volumes.

Celle qui me vient  à l’esprit est l’e-mail que j’ai reçu pour participer au concours du  « Gala de la femme africaine dans la catégorie chef d’entreprise ».

Il m’est proposé, en général des opportunités pour participer à des évènements importants  qui m’apportent de la visibilité et des clients. Mais là, ce fut une vraie surprise. C’est un peu comme une consécration, quel que soit le résultat.
Ce concours se gagne au nombre de votes. Les concurrentes avaient pour la plupart beaucoup plus d’années d’expériences et de réseau. Au final, c’est moi qui ai obtenu le prix. C’était un grand Waouhh dans ma tête qui  m’a laissée sans voix. Le prix de la cheffe d’entreprise d’Afrique de l’année. Celui-ci m’a ouvert des portes. On m’a sollicité pour intervenir au forum international de l’entrepreneuriat de la femme africaine. Des télés étaient présentes. Cela a entrainé de nouveaux clients, certes, mais aussi des projets audio-visuels. Rester focus sur ses objectifs, c’est  Tout un art. D’où l’intérêt d’être accompagné par un club.

Quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui se lance pour réussir ?

En tout premier point, appréhender son parcours de manière globale. Faire une introspection pour découvrir son parcours privé, personnel et professionnel au-delà du cadre académique. L’analyser mais aussi se réconcilier avec lui.

Avant de faire grandir son entreprise, il est indispensable de grandir soi-même, connaître et libérer notre mode de fonctionnement.

Etre persévérant et déterminé. Votre vie personne n’a le droit de la diriger et de vous dicter votre conduite. Ecouter tout ce que l’on vous dit, que cela  vienne de personnes que vous appréciez et, surtout, de personnes que vous n’appréciez pas et qui ne vous apprécient pas.

Noter vos idées et les classer pour ne pas vous dispersez. Identifier et classer vos objectifs en court, moyen et long terme. Rappelez-vous que ce qui vous permettra de financer vos projets, c’est votre chiffre d’affaires.

Soyez fainéant quant aux démarches commerciales. Comment gagner un maximum d’argent en un minimum de temps avec ce que vous aimez faire.
Soyez créatif. Pensez à créer vos documents commerciaux avec les délais de règlements. Des clients peuvent ne pas vouloir vous payez. Blindez-vous !
Clause de confidentialité, de loyauté, de non-concurrence auprès de vos clients, de vos partenaires, si vous faites du troc de services. Demandez un acompte et prenez tous les chèques que vous encaisserez au bon moment. Ne commencez que si vous avez mis en place cette organisation. Telle est mon expérience.

Mieux vous vous protégez, plus vous travaillez sereinement.
Votre expertise se monnaie. Les relances de règlement prennent beaucoup d’énergie, surtout avec les mauvais payeurs. Définir les règles dès le départ, permet de gagner du temps, de sélectionner les bonnes personnes, d’identifier les bonnes cibles et de ne pas gaspiller votre énergie.

On nous conseille souvent d’appliquer la même règle pour tous. Cependant, chaque personne est unique  et il ne faut jamais l’oublier.

Ne pas  entrer dans les conflits et comprendre que si on ne s’entend pas avec une personne, c’est simplement qu’elle ne correspond pas à notre mode de fonctionnement.

Vous êtes l’unique artiste de votre vie.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour votre entreprise ? Pensez-vous vous développer à l’international ? Pensez-vous effectuer des levées de fonds ?

Le plus important dans un projet est de croire en soi et en son projet, et vivre la stratégie comme un jeu à créer. Il faut certes bien s’entourer mais aussi  comprendre que les personnes qui partagent notre aventure ne seront peut-être pas avec nous demain. Je grandis et mon entreprise avec. Il est naturel également de faire évoluer les personnes avec qui l’on travaille ou de rencontrer de nouvelles personnes qui nous inspirent.

J’ai de belles perspectives pour mon entreprise et pour moi-même.

Le développement à l’international a déjà commencé avec l’Algérie et se profile vers des pays auxquels je ne pensais pas.

Deux mots clefs : s’ouvrir au monde et accueillir les opportunités.

C’est là où intervient la vision. Plus on sait où on veut aller, mieux on définit ses priorités.

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