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Entrepreneur

Interview de Philippe Houzé, Président du Directoire du groupe Galeries Lafayette

Quels sont vos principaux conseils pour les entrepreneurs ?

  • Avoir confiance en soi et savoir douter. La qualité principale d’un bon entrepreneur réside dans la confiance en soi : il faut croire en soi, en son projet et en ses produits. Une fois que l’entrepreneur a mené une réflexion approfondie sur son marché, la confiance en lui déterminera l’énergie qu’il déploiera pour développer son entreprise. Il reste essentiel de savoir se remettre en question même s’il ne faut pas passer son temps à douter. L’important demeure d’avancer avec confiance. Si l’on commence à se faire des montagnes autour des problèmes qui pourraient advenir, on ne va jamais bien loin.
  • Être capable de se mettre à la place des autres (l’empathie). Si l’on possède naturellement peu d’empathie, on peut la travailler. Si au contraire, on ressent facilement de l’empathie, il faut la valoriser. Pour les fonctions marketing et commerciales, avoir de l’empathie leur permet de savoir instinctivement comment l’autre va recevoir leur conception, parole ou action. Pouvoir se mettre à la place des autres facilite la communication : d’un rapport d’opposition on passe naturellement à un lien de compréhension mutuelle.
  • Ne pas penser qu’on manque de chance. Je crois profondément qu’il n’existe pas des personnes ayant de la chance et d’autres qui n’en n’ont pas. Par contre, il existe des optimistes et des pessimistes. L’optimiste n’a pas de chance, il est juste revenu 100 fois sur le sujet et a trouvé la solution parce qu’il a persévéré. Le pessimiste, quant à lui, va essayer une fois ou deux fois. Si cela ne marche pas, il s’arrête en prétextant un manque de chance. La ténacité systématique ainsi que la capacité à toujours voir le coté positif des choses : voilà ce qui génère la « chance ».
  • Ne pas avoir peur de la différence au sein d’une équipe. Ce qui apporte la richesse d’une association réside dans la différence de personnalités. Elle permet de porter un regard autre que le sien. Cela entraîne généralement la prise de meilleures décisions.
  • Savoir utiliser son Quotient Emotionnel (QE). Le système français a tendance à plutôt mettre en avant le Quotient Intellectuel (QI). Or, dans l’activité entrepreneuriale, c’est souvent la créativité, la capacité à sortir des sentiers battus qui détermine la réussite. Comme disent les anglo-saxons, « You have to think out of the box! ». Dans tous les domaines d’activité, le cycle s’est accéléré. Selon moi, une des qualités principales de l’entrepreneur doit être cette capacité à constamment se renouveler et réinventer son business model. Cela aura pour effet de redonner une impulsion et permettra de retrouver la période de maturité du cycle. Tant mieux si l’on a un Q.I élevé, mais, on le sait bien, ce n’est pas la logique qui mène le monde, et cela reste d’autant plus vrai en ce qui concerne l’entreprise : de nombreux événements viennent bouleverser la stratégie de l’entreprise et votre vision du monde. Se baser sur des analyses intellectuelles et logiques restent indispensables, mais l’intuition ne doit pas être mise de côté.
  • Mettre en avant ses valeurs personnelles. J’ai la conviction que la société dans laquelle nous vivons, une société post-déflagration mondiale, aspire à retrouver des valeurs. Le monde qui se désagrège aujourd’hui a détruit les valeurs par dévoiement du système capitaliste. Le monde a détruit les valeurs (humaines) pour créer de la valeur (financière). Le jeune entrepreneur doit être très clair sur ses valeurs personnelles, sa ligne éthique, et ne pas en dévier. Il est indispensable que son entreprise crée de la valeur, mais en aucun cas en trahissant ses valeurs propres. Le monde de demain attend de l’éthique, de l’esthétique, de la relation et de la durabilité. L’entreprise doit dès maintenant s’attacher à développer ces quatre valeurs.

Pouvez-vous expliciter ces valeurs que vous prônez au sein de votre entreprise ?

L’éthique et l’esthétique : je rassemble ces deux valeurs car aujourd’hui les artistes possèdent une vision du futur qu’il faut essayer de comprendre. Le design, l’art, la création font appel à l’émotion et l’intuition qui sont, comme vous l’avez compris, des qualités essentielles à développer au sein de l’entreprise.
Le bien être et la relation : la recherche de naturel et de relationnel caractérisent notre époque. Cette tendance devient perceptible grâce à l’impact des réseaux communautaires tels que Facebook.
La durabilité : je pense que l’entreprise joue un rôle déterminant dans
la société actuelle. Elle doit travailler à la création d’un futur
souhaitable.

Comment développer la confiance en soi ?

Le fait d’entreprendre montre une certaine confiance en soi. J’ai mis très longtemps à la développer. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je me sens davantage manager qu’entrepreneur. Dans mon parcours, j’ai vécu des périodes de doutes sur les directions à suivre ou des remises en question après des échecs. Dans de tels moments, j’ai pu avancer grâce à ma famille et mes amis qui étaient présents pour m’insuffler cette énergie qui m’a permis de repartir. On peut également trouver des moyens de cultiver cette confiance en soi et je crois que la pratique du sport peut beaucoup aider dans ce domaine. Le sport relie l’effort à un succès visible. Le fait d’aller au bout des objectifs qu’on s’est fixé apporte un sentiment de réalisation personnelle.

Votre secret pour prendre les bonnes décisions et développer sans cesse votre activité ?

Lorsque l’on prend une décision, on ne peut avoir une claire compréhension de la portée qu’elle aura dans le futur. Aussi, la réussite d’une stratégie ne peut être jugée que longtemps après avoir été mise en place. Dans ma carrière, si j’ai pu prendre des bonnes décisions, je l’ai fait de manière intuitive et grâce à l’empathie dont j’ai parlé, c’est grâce à elle que j’ai pu saisir le besoin de mes clients. Je reste en permanence à l’écoute afin de sentir les évolutions de la société. D’autre part, j’ai toujours un œil sur ce qui se fait à l’étranger. Certaines de mes décisions ont pu sembler n’être que des caprices de patron mais elles s’appuyaient sur ce cocktail d’intuition et d’observation.

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