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Entrepreneur

Interview de Franck Annese, Fondateur du groupe So Press

Interview de Franck Annese, fondateur du groupe So Press, qui sans faire de vagues, surfe sur la crise et multiplie depuis 15 ans les magazines. 

Comment l’aventure a-t-elle commencé ?

Avec mes amis, nous avons décidé de monter un festival de rock une fois par an au sein de l’école. On s’est vite rendu compte que cela ne nous occupait pas toute l’année alors nous avons lancé un fanzine de musique en complément. C’était un petit livret, imprimé à la photocopieuse qu’on sortait tous les mois. On trouvait cela plutôt rigolo et on a commencé à réfléchir à créer un vrai magazine culturel. Nous adorions donner notre avis sur les disques, les films et les livres et aucun magazine ne nous plaisait suffisamment pour y écrire. C’est comme cela qu’est né Sofa en 1999. Vu que nous avions besoin d’argent pour démarrer, les 9 que nous étions, nous nous sommes débrouillés pour récupérer chacun 10 000 francs. Moi j’ai revendu ma voiture… En revanche, je ne sais pas pourquoi on s’était fixé à l’époque qu’il fallait avoir 90 000 francs pour lancer un magazine.

Qu’est-ce que vous avez retenu de cette première expérience ?

L’aventure de Sofa a duré 7 ans. Nous avons appris comment lancer un magazine et comment le fabriquer, les leviers pour faire en sorte que cela fonctionne mieux. Nous avons testé aussi pas mal de choses et fait énormément d’erreurs. Le magazine n’était pas voué à faire de l’argent et nous n’avons jamais essayé d’en vivre. Nous avions tous un job à côté et nous ne nous payions pas. à l’époque, je travaillais en parallèle pour l’émission Culture Pub. Nous ne voulions aucune contrainte économique sinon celle de la fabrication du magazine. Ce choix, nous l’avions pris dès le début. L’aventure a été passionnante mais effectivement, cela coûtait plus cher que cela ne rapportait. Le marché de la presse culturelle en France est très faible.

Du coup, vous avez opté pour un virage à 90° en lançant un magazine de sport ?

Absolument pas. L’idée de SoFoot est née d’une blague. Nous avions une équipe de foot « corpo » à Sofa et ce sont ces personnes qui m’ont demandé de lancer un magazine de football. Nous étions à 3 semaines d’une coupe du monde. J’ai dit : on y va ! Nous avons vendu 1 500 exemplaires, ce qui était vraiment nul mais nous avons reçu beaucoup de retours. C’était incroyable ! J’avais l’impression que tous ceux qui avaient acheté le magazine nous écrivaient. Je me suis rendu compte que nous avions touché quelque chose même si rien n’était calculé. Six mois plus tard, nous avons retenté l’expérience avec un numéro « 0 bis », plus petit. Nous étions certains que changer de format modifierait la donne ! Cela n’a eu aucun effet. Nous avons une nouvelle fois vendu 1 500 exemplaires… C’était vraiment de l’artisanat. Nous scannions les photos d’autres magazines et nous n’avions aucun contact de joueurs. Nous n’étions pas des journalistes sportifs, simplement des passionnés. C’était peut-être là la différence. Quand nous avons vu que certaines personnes voulaient nous rejoindre sur le projet, cela nous a mis en appétit. J’ai arrêté mon job et en mars 2003, nous sommes partis pour de bon à l’aventure.

Comment vous êtes-vous financé ?

Avec mes cofondateurs, Guillaume et Sylvain, nous avons mis notre argent de Noël : 450 euros à trois… ce qui est à l’heure actuelle toujours notre capital ! Nous sommes allés démarcher les banques. Seule une a accepté de nous aider en nous apportant 100 % du capital ! Ce qui représentait 900 euros en tout. Nous n’allions pas aller très loin… J’ai rencontré l’imprimeur avec lequel nous travaillions pour Sofa et chez qui nous avions pas mal de dettes déjà. Je lui ai proposé un deal : nous avancer 3 numéros en lui disant qu’on allait le rembourser en fin d’année et qu’on resterait ensuite chez lui pour l’impression. Cela représentait quand même 60 000 euros. Il a accepté et nous avons démarré comme ça, grâce à un prestataire qui a bien voulu nous faire confiance. Cela a suffisamment marché pour que nous le remboursions en décembre. Depuis, nous n’avons plus jamais eu de dettes.

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Comment s’est développé le groupe SoPress ?

Très simplement. Nous n’avons jamais fait de réunions pour mettre au point des stratégies incroyables et compliquées. Nous avons toujours préféré y aller petit à petit. Le premier numéro de SoFoot s’est vendu à 4 500 exemplaires. En 11 ans, il s’est fait un nom dans le milieu. 70 000 numéros par mois sont vendus actuellement. De fil en aiguille, j’ai rencontré des personnes qui m’ont proposé des projets que j’ai acceptés. C’est comme ça qu’est née la boîte de production SoFilm que j’ai montée avec Sophie, ma femme, qui est réalisatrice et quelques amis. Nous avons aussi financé d’autres magazines comme Doolitle, Pédale, SoFilm et SoFoot Junior. Ce ne sont que des opportunités. Au printemps prochain, nous allons lancer un quinzomadaire de société et pour le coup, c’est différent. Je n’ai pas envie de faire un magazine plus petit que SoFoot. C’est pour cela que pour la première fois, nous faisons entrer des investisseurs au capital et empruntons 700 000 euros à la banque.

Votre parcours, c’est quand même un beau pied de nez à la crise.

C’est certain, SoFoot aurait vendu beaucoup plus il y a 20 ans mais, la crise, cela ne nous parle pas vraiment car nous sommes nés avec. Nous avons lancé les magazines sans trésor de guerre. Nous n’avons pas le choix, si ça marche, ça marche. Sinon, nous sommes obligés d’arrêter. Nous sommes nés sans confort et notre principe fonctionne sur l’auto-alimentation. Ainsi, nous avons plutôt tendance à sentir une expansion que la crise. Nous savons bien qu’à un moment, tout peut s’arrêter alors nous évitons de flamber. Par exemple, nous avons déménagé récemment et pour économiser, nous nous chargeons nous-même d’une partie des travaux.

Quel type de manager êtes-vous ?

Nous fonctionnons vraiment en bande. Tout est à la fois plus simple par certains côtés mais il faut aussi prendre le temps de ne pas précipiter les choses. C’est vrai pour les recrutements comme pour les responsabilités. Depuis septembre, je ne suis plus le rédacteur en chef de SoFoot. Je savais qu’au bout de 10 ans, il fallait que quelqu’un d’autre prenne la succession. Mais je ne voulais pas que cela se fasse par une poignée de main dans un coin du bureau. Le point d’orgue a donc été la coupe du monde de Brésil où toute l’équipe s’est rendue. Un passage de témoin en douceur.

les Conseils de Franck Annese

  • Créer sa boîte en fonction de sa personnalité. Il n’y a pas de méthode pour lancer son entreprise car toutes sont radicalement différentes. Certains préfèreront être chef, avoir une secrétaire et gagner rapidement de l’argent. Ma boîte me ressemble car j’ai toujours aimé l’esprit « bande de copains » et je n’ai pas d’angoisses matérielles. Cela ne veut pas dire que nous sommes meilleurs que d’autres. Il faut simplement avoir l’envie de défendre ses valeurs.
  • Miser sur une équipe. Toutes les personnes qui travaillent pour moi, je les connais. Notre organisation se fonde sur de l’autogestion au sein d’un collectif. Une des règles : joue pour l’équipe et l’équipe jouera pour toi.
  • Faire du terrain. Nous avons des lecteurs et des clients, les kiosquiers. Au lancement d’un magazine, je ne veux pas que ce soit des commerciaux qui aillent voir ces derniers mais des journalistes du canard. Cela fait un peu « camelote » mais ce sont ces personnes qui nous représentent sur le terrain. Si nous arrivons à les faire adhérer à nos magazines, elles nous défendront auprès des lecteurs.

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