La vente directe sans commerciaux traditionnels n’est plus l’apanage de quelques start-ups expérimentales. Certaines entreprises françaises établies ont fait le choix de transformer ou de supprimer totalement leurs équipes de vente classique. Cette décision, souvent audacieuse, repose sur des logiques précises : simplifier le parcours client, réduire les coûts d’acquisition, fluidifier la relation commerciale. Mais cette approche impose aussi des adaptations profondes sur la manière de piloter la croissance et de maintenir le lien avec les clients.
Remplacer la prospection par l’attraction naturelle
Certaines entreprises françaises ont supprimé leurs équipes de prospection pour basculer vers un modèle fondé uniquement sur l’inbound marketing. Plutôt que d’aller chercher les prospects, elles travaillent à faire venir à elles des clients déjà sensibilisés par le contenu, les témoignages ou les offres spécifiques.
Alan, acteur français de l’assurance santé, a bâti une large partie de son développement sans équipe commerciale traditionnelle. La majorité des leads proviennent de recommandations, de webinaires et de contenus éducatifs diffusés régulièrement. Cette stratégie limite les coûts fixes liés à la force de vente, mais impose d’investir fortement dans la qualité et la fréquence du contenu pour maintenir un flux de prospects naturel.
Transformer les équipes commerciales en experts support
Certaines entreprises ont redéfini totalement le rôle de leurs anciens commerciaux. Plutôt que de pousser à la vente, ils deviennent des conseillers spécialisés, déclenchés uniquement à la demande du client. Le cycle de décision reste entièrement piloté par l’utilisateur, sans pression.
Qonto, la néobanque pour PME et indépendants, a choisi cette approche : les « sales » traditionnels ont été remplacés par des équipes d’experts produits, disponibles pour accompagner les clients qui sollicitent un échange. Ce modèle renforce la qualité de la relation commerciale perçue mais nécessite une formation continue exigeante des équipes pour maintenir un haut niveau de compétence technique.
Automatiser l’essentiel du parcours d’achat
Supprimer les commerciaux impose d’avoir un parcours client digital sans friction. L’information doit être accessible, transparente, et les démarches simplifiées au maximum pour éviter toute frustration. Cela suppose des investissements lourds dans l’UX/UI, dans la qualité des outils de comparaison en ligne et dans l’accompagnement client non intrusif.
Swile, fournisseur de cartes et services de titres-restaurant, a développé un tunnel d’acquisition 100 % digital pour ses clients PME. Le modèle repose sur l’autonomie du client à chaque étape, avec un accès permanent à des démonstrations, des simulateurs et des FAQs interactives. L’absence de commercial est possible uniquement parce que chaque point de friction a été anticipé et traité en amont.
Réduire les coûts mais transférer la pression commerciale ailleurs
Supprimer les commerciaux classiques permet de réduire drastiquement les coûts salariaux et de structure. Mais cela transfère la pression commerciale sur d’autres équipes : marketing, produit, support client. La génération de leads, l’optimisation des taux de conversion et la fidélisation doivent être pilotées en continu, sous peine de voir les flux entrants se tarir.
Chez Lydia, la célèbre application de paiement française, la suppression d’une équipe de vente traditionnelle pour son offre BtoC implique une vigilance constante sur la performance des parcours clients, sur la pertinence des campagnes marketing et sur la rapidité de réponse du support utilisateur.
Réserver le contact humain aux moments à haute valeur ajoutée
L’absence de commerciaux ne signifie pas l’absence totale de relation humaine. Certaines entreprises françaises réservent l’intervention humaine uniquement aux moments critiques du cycle client : accompagnement lors de l’onboarding, résolution d’un problème complexe, demande de personnalisation.
Ornikar, leader français du permis de conduire en ligne, mise sur une plateforme self-service pour l’inscription et la planification des leçons. Mais elle maintient un accès rapide à des « coachs permis » en cas de besoin spécifique. Cette approche optimise le coût par client tout en préservant une qualité d’expérience sur les points sensibles.
Impliquer directement les équipes produit dans la conquête client
L’absence de commerciaux classiques implique parfois que les équipes produit elles-mêmes prennent une part active dans le processus de vente, en participant à des démonstrations, des ateliers ou des webinaires. Cela renforce l’authenticité de la relation commerciale mais impose aux profils techniques de développer des compétences relationnelles avancées.
Chez PayFit, spécialiste français de la gestion de paie et RH, les équipes produit sont impliquées directement dans certains événements de prospection ou de fidélisation, pour présenter les nouveautés ou expliquer en profondeur les usages. Cette implication directe renforce la crédibilité mais nécessite un alignement étroit entre marketing, support et développement.
Accepter un cycle d’acquisition plus lent mais plus robuste
En l’absence de commerciaux chargés d’accélérer artificiellement la décision d’achat, le cycle de conversion devient plus long. Le client mûrit son choix de manière autonome, prend plus de temps à comparer, à vérifier, à valider son besoin. Ce ralentissement impose de revoir les indicateurs de performance commerciale et d’accepter une dynamique d’acquisition plus qualitative que quantitative.
Les entreprises qui réussissent ce pari, comme Shine (compte pro pour indépendants), investissent dans l’éducation du marché plutôt que dans la pression commerciale directe. Ce choix stabilise la base clients sur le long terme, mais implique une gestion patiente de la montée en charge.