Surveiller ses employés sans les espionner

Avec le télétravail qui s’est imposé ces derniers mois, il est devenu difficile de contrôler le rythme des salariés et certaines entreprises ont la velléité de vouloir les  surveiller. Mais attention à ne pas surveiller vos employés à leur insu, vous pourriez vous retrouver en difficultés. Avec l’apparition des nouvelles technologies, la frontière est devenue mince entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Il est légitime de surveiller ce qui se passe dans l’entreprise sans que vous tombiez dans le piège de l’espionnage. Il convient de faire le point sur les techniques légales auxquelles vous pouvez recourir.

Focus sur ce que dit la loi. 

Votre statut de chef d’entreprise vous donne le droit de contrôler ce qui se passe dans votre entreprise mais vous interdit d’espionner vos salariés à leur insu, et ce, même quand il s’agit de prouver une faute. L’article 9 du Code civil prévoit la protection de la vie privée mais les limites restent encore floues. Avant d’envisager tous systèmes de surveillance, vous devez obligatoirement en référer à votre comité d’entreprise, les délégués du personnel devront statuer si vous respectez les règles de la jurisprudence. Si le comité d’entreprise valide vos outils de contrôle, vous devrez prévenir obligatoirement vos salariés de leur existence quelle qu’elle soit. Attention, certains dispositifs demandent d’en référer à la CNIL en plus des institutions du personnel. Les risques encourus pour le non-respect des règles dictées par la CNIL peuvent s’élever à 300 000 € d’amende et 5 ans de prison. 

L’employeur a le droit d’espionner ses salariés

Contrairement aux idées reçues, le droit du travail n’interdit pas à l’employeur d’espionner ses salariés à condition qu’il n’emploie aucun procédé de surveillance illicite pour le faire. La jurisprudence est explicite :
« L’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail » (Cass. Soc., 20 novembre 1991) et « la simple surveillance d’un salarié faite sur les lieux du travail par son supérieur hiérarchique, même en l’absence d’information préalable du salarié, ne constitue pas en soi un mode de preuve illicite » (Cass. Soc., 26 avril 2006).
Pour autant, il existe des restrictions : ce droit d’espionner est limité par l’article 9 du Code civil qui protège le droit au respect de la vie privée de tout un chacun.

Votre employeur a-t-il le droit de surveiller vos communications ?

Un employeur possède un droit d’accès étendu au matériel informatique utilisé sur le lieu de travail et ses pouvoirs sont souvent méconnus par les salariés. Ainsi, votre employeur dispose d’un accès à :
Votre ordinateur professionnel
Cela comprend les connexions internet, la liste des favoris ou de l’historique enregistrés, les fichiers que vous avez créés ou encore les courriers électroniques envoyés ou reçus via votre messagerie professionnelle.
Votre téléphone portable professionnel
Cet accès permet à votre employeur de disposer des relevés d’appels entrants et sortants, ainsi que des messages texte — ou SMS.
Vos documents papier
Tous les documents physiques de nature professionnelle sont également libres à la consultation par votre employeur, même s’ils sont dans vos tiroirs ou armoires fermées.

La mention « personnel »

Votre employeur peut accéder librement à ces fichiers, à la seule condition qu’ils ne portent pas la marque expressément comme « personnel ». Cette mention doit être inscrite dans le titre, dans le nom du fichier ou dans l’objet de l’email pour être valide.

Vos outils de contrôle pour vérifier la présence de vos salariés.

 Vous pouvez opter pour une pointeuse, un système de badge ou encore la vidéosurveillance. L’utilisation de cette dernière doit justifier un intérêt légitime pour votre entreprise (ici, il s’agit d’un enjeu sécuritaire mais aussi d’un système de pointage en postant les caméras aux entrées et sorties de la société.). De tels dispositifs demandent le respect des libertés individuelles et de la vie privée de vos salariés.

à titre d’exemple : vous n’avez pas le droit d’orienter les caméras de surveillance en continu sur le poste de travail de vos salariés, ni de les placer dans certains lieux comme les toilettes, les vestiaires ou les salles de repos et ils ne doivent servir qu’à la prise d’images uniquement. Si vous êtes dans un espace public, vous devez demander une autorisation au préfet de votre ville. Vous devez avertir individuellement chaque salarié de l’existence de tels outils mais aussi de les renseigner sur le délai maximal dont vous disposez pour garder les données personnelles soit 30 jours selon la loi « Informatique et Libertés ». Vous pouvez les alerter en rédigeant une note dans le journal interne, en envoyant un e-mail, ou une note de service. 

Surveiller ses employés à des fins sécuritaires. 

Selon l’étude Olféo (en 2014), les employés passeraient 63 minutes par jour à surfer sur internet à des fins personnelles (particulièrement sur les blogs, les forums, Wikipédia et les sites de commerce en ligne). Vous pouvez utiliser internet à des fins personnelles s’il n’y a pas d’abus et que cela ne nuit pas à leur productivité. Vous êtes dans votre bon droit de garder le contrôle et d’encadrer techniquement et juridiquement l’usage d’internet au bureau.

Attention aux informations essentielles

En surfant sur le web, l’employé peut laisser s’échapper des informations confidentielles concernant l’entreprise ou encore mettre en péril le système informatique de votre société en contractant des virus. Afin de vous en prémunir, vous pouvez interdire l’accès de certains sites ou les limiter en fixant une durée hebdomadaire, vous pouvez également user de moyens de filtrages ou de détection de virus… D’autre part, vous avez l’obligation légale de conserver l’historique de navigation de vos employés pour garantir la sécurité de votre entreprise d’éventuelles fuites d’informations, visites de sites illégaux…

Attention ! Vous vous trouverez dans l’illégalité si vos salariés ne sont pas avertis dans le règlement intérieur et si vous vous utilisez des outils comme les logiciels keyloggers, vous permettant de connaître tout ce que qu’ont tapé vos employés sur leur clavier. Dans le cas où vous utilisez le système de géolocalisation, vous devez le déclarer à la CNIL avant de le mettre en place en précisant bien les motifs d’une telle installation (la connaissance de la gestion en temps réel des interventions chez le client, pour se prémunir contre le vol, suivi et facturation d’une prestation). Les données seront envoyées au service concerné directement. S’il s’agit du suivi de facturation, les données seront envoyées au service comptable et non à l’employeur. De même s’il s’agit de se prémunir contre le vol, les informations personnelles seront transmises à la police et non à vous. 

Veiller à la productivité de ses salariés. 

Afin de gérer de près ou de loin la productivité de vos employés, vous pouvez opter pour la méthode de « Mind mapping » qui vous permet d’avoir une vue d’ensemble de chaque projet et d’en connaître l’évolution selon chaque équipe, chaque individu. Plusieurs entreprises utilisent cette méthode de gestion de projet comme EDF, Total et Air France. Il existe des logiciels spécialisés mais vous pouvez également le faire sous forme de tableau Excel (en utilisant un code couleur et les filtres pour chaque salarié ou équipe). Autre élément qui peut s’avérer un élément perturbateur dans le temps de travail de vos salariés : le temps des conversations téléphoniques personnelles.

Vous avez la possibilité d’installer un autocommutateur afin de vérifier la durée pour chaque appel, le nombre d’appels pour chaque numéro pour chaque poste. Vous avez également la possibilité de vérifier toutes les communications via les relevés de France Télécom. Juridiquement, vous pouvez aussi écouter les conversations téléphoniques de vos employés pour vérifier leurs réponses dans le cadre professionnel (surtout quand il s’agit d’un service après vente, de démarchage téléphonique), mais aussi pour contrôler la durée des appels. Même si l’on peut téléphoner à des fins personnelles, il ne faut pas que cette pratique soit abusive.

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