Interview de Jérémie Mani, Cofondateur de Netino

Entretien exclusif avec Jérémie Mani, cofondateur de Netino, service de modération des commentaires d’internautes sur les sites Internet et pages de marques.

Netino n’est pas votre première expérience entrepreneuriale je crois ?

J’ai passé six mois dans une université du Michigan, dans le cadre d’un échange au cours de mes études à HEC. Nous étions en 1999 et aux états-Unis c’était la grosse explosion du web. Dans la rue, à la télé… on n’entendait parler que de boîtes en .com ! Et tous les étudiants à l’université travaillaient sur des projets de création de sites Internet. Dans ce contexte, je suis rentré en France et je me suis aperçu avec étonnement qu’il y avait au moins 2 ans de retard. Je me suis donc tout de suite dit qu’il y avait une vague à prendre. Donc, dès le début de l’année 2000, avec 4 camarades de promotion, nous avons lancé une société qui s’appelait Directinet.

A-t-elle connu du succès ?

Directinet s’était spécialisée dans la collecte de données marketing grâce aux lancements de loteries en ligne. Cela a été un peu difficile car la bulle Internet a explosé quelques temps seulement après que nous nous soyons lancés. à  l’époque, c’était presque honteux d’avoir un .com sur sa carte de visite ! Cela a pris trois ans avant que la société ne décolle vraiment. Nous avions levé des millions de francs qui nous permettaient de tenir, mais ce n’était pas toujours facile. Mais, ce qui nous a permis de vraiment exploser, c’est le vote de la loi sur l’Opt in en France. Cette loi imposait à tous les services marketing de collecte d’informations de ne plus pré-cocher la case « Je souhaite recevoir des informations commerciales » sur leurs formulaires. Il se trouve que, dès le départ, nous avions opté pour ce positionnement à contre-courant du marché, donc nous étions prêts pour ce revirement du marché. Nos concurrents ont dû repartir de zéro, ce qui nous a laissé le champ libre.

C’est un beau coup de chance !

On peut appeler cela un coup de chance, mais je parlerais plutôt d’instinct. Cette loi a été la récompense d’une éthique et la réussite d’une vision à long terme. Grâce à cela, nous nous sommes bien développés, avant de revendre en 2006 l’entreprise à un acteur anglais qui avait le même positionnement et qui souhaitait s’implanter en France. Nous sommes restés dirigeants jusqu’en 2009. à notre départ, la société pesait une grosse vingtaine de millions d’euros de chiffre d’affaires. C’était pour nous la fin d’une première aventure entrepreneuriale. Et nous avons cédé Directinet pour 33 millions d’euros, à nous partager entre les différents actionnaires. J’ai pris un petit congé sabbatique de quelques mois pour profiter un peu avant de me relancer.

Puis vous êtes revenu vers une nouvelle aventure entrepreneuriale ?

Oui, début 2010 j’ai ressenti l’envie de repartir sur un nouveau projet. J’ai rencontré le fondateur de Netino, une société positionnée sur la niche du web participatif et plus particulièrement de la modération des commentaires des internautes sur les sites web ou sur les pages des réseaux sociaux des marques. L’entreprise faisait encore un chiffre d’affaires de moins de 500 000 €. C’était une jolie TPE mais dont le potentiel était énorme. Le fondateur, qui a plutôt un profil de technicien informatique, cherchait une personnalité davantage commerciale, marketing pour s’associer. J’ai acheté 80 % du capital et j’ai commencé à développer l’entreprise avec lui. En 2012, nous avons levé 2 millions d’euros auprès d’un fonds d’investissement pour accélérer la croissance. Et aujourd’hui, nous sommes devenus l’acteur de référence sur notre marché.

Votre marché n’est pas très connu du grand public. Est-ce que cela vous dérange d’être « dans l’ombre » ?

Non, au contraire, j’aime beaucoup les marchés peu glamour ! Dans ma précédente expérience, l’activité de l’e-mail marketing était perçue par les gens comme du spam, pas très sexy. Donc toutes les start-ups préféraient se lancer sur des choses plus valorisantes comme l’e-pub ou l’e-commerce. Pour la modération c’est un peu pareil, nous sommes parfois perçus comme des censeurs. Au mieux, personne ne se rend compte de notre travail, car c’est justement le but, de nous faire les plus discrets possibles par rapport à l’internaute. J’aime beaucoup ces métiers de niches, ces métiers de l’ombre qui n’attirent pas beaucoup et dans lesquels il y a clairement moins de concurrence. Ces métiers moins connus sont vraiment passionnants !

Vos salariés sont dispersés dans le monde entier. Comment faites-vous pour manager des personnes que vous ne voyez jamais ?

Grâce à notre outil, nous pouvons savoir en permanence en temps réel tout ce qu’il se passe pour chacun de nos opérateurs. Quel message il a supprimé, comment il l’a traité… Puis nous sommes en contact permanent avec eux via Skype. C’est vraiment comme si nous travaillions ensemble, sans pouvoir simplement se serrer la main ! Nous essayons aussi de bien payer nos opérateurs pour qu’ils soient motivés à rester car la formation des nouveaux salariés est assez intense.

Netino était un projet déjà bien lancé. Cela ne vous a pas manqué de reprendre à zéro un projet ?

Oui et non. Nous sommes partis suffisamment petits pour que j’ai cette impression de monter un projet de A à Z. Et je suis tombé sur une telle opportunité que je ne pouvais pas refuser ! Et la première rencontre avec le fondateur de Netino a été pour nous comme un « coup de foudre professionnel », il y a tout de suite le courant qui est bien passé.

Comment avez-vous vécu le fait de rejoindre une petite start-up ?

Je quittais une société de 100 collaborateurs où j’avais mes secrétaires, mes assistantes, un certain confort… pour une petite structure qui n’était pas capable de me dégager un salaire immédiat. L’état d’esprit était complètement différent, je me remettais à sortir les poubelles le soir dans mon entreprise ! J’ai vécu cela comme une cure de rajeunissement !

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