Le déménagement d’entreprises, un réseau familial ?

Frédérique DORSO, dirigeante MIOTTO Déménagements

Entreprendre est une possibilité que Frédérique Dorso avait, depuis toujours, envisagé. La dirigeante de Miotto Transfert a, finalement, sauté le pas et repris l’entreprise de déménagement d’entreprises de ses parents. Même si les quarante ans d’existence de la firme et son réseau prouvent aujourd’hui que famille et entrepreneuriat peuvent faire bon ménage, Frédérique Dorso veille à ne pas mélanger les deux. Rencontre.

Pourquoi avoir choisi de reprendre Miotto Transfert ?

Je suis née dans une famille de déménageurs et Miotto Transfert est une entreprise familiale créée en 1978 par mes parents. Je n’étais pourtant pas issue de ce domaine-là au départ. J’étudiais, à l’époque, l’histoire de l’art avant de travailler dans le secteur de la mode. Je me trouvais à un tournant de ma vie. Je me suis intéressée à l’entreprise alors qu’un poste venait de se libérer. J’ai saisi cette occasion pour changer du tout au tout et reprendre l’activité en 1994. Malgré cet élément déclencheur, j’ai toujours détenu cette volonté d’entreprendre. J’ai toujours aimé ce côté gestion et management. J’aime, pour ainsi dire, occuper le rôle de leader et, en entrepreneuriat, quel que soit le secteur, le principe reste toujours le même de ce point de vue-là.

Vous dites qu’il s’agit d’une entreprise familiale. Racontez-nous son origine…

C’est l’histoire d’un chauffeur-livreur, monsieur Miotto, immigré italien, qui débarque sur Paris et se met à livrer du vin. Il a alors l’idée de proposer, grâce à son camion, d’autres services pour ensuite se spécialiser dans le déménagement de particuliers. Comme cela se faisait fréquemment il y a quarante ans, sa femme décide de le rejoindre dans l’aventure pour gérer toute la partie administrative.

À force d’exercice, de travail et d’opportunités, l’entreprise est, par la suite, sélectionnée par des grands groupes de banques dans le but d’assurer leur déménagement en interne. Le nombre de véhicules se multiplie ainsi que celui des salariés. En parallèle, une importante demande de garde-meubles se fait ressentir en région parisienne. Pendant cette période, le point fort de Miotto Transfert a été de rester ouvert du matin au soir. Et, contrairement aux autres entreprises du secteur qui imposaient de passer par des prestations de déménageurs, nous acceptions que nos clients viennent eux-mêmes déposer leurs mobiliers. L’activité de garde-meubles s’est ainsi énormément développée, ce qui a permis de toucher un autre type de clientèle et de l’élargir.

Et aujourd’hui, que fait-elle exactement ?

Après quarante ans d’existence, en parallèle du stockage, nous sommes toujours spécialisés dans le déménagement d’entreprises, d’où le nom de « Transfert ». Dans le jargon professionnel, cette notion détient une connotation davantage portée vers les entreprises que vers les particuliers. Nous ciblons principalement les banques, les cabinets d’avocats et d’assurance mais répondons à toutes sortes de demandes en rapport avec le déménagement. Par exemple, des start-up viennent de plus en plus nous voir. Même si cela représente un petit volume, elles contribuent à faire grandir notre notoriété. Pour la partie « Miotto », il s’agit simplement du nom de mes parents et donc de mon nom de jeune fille. À l’époque, les déménageurs appelaient souvent leur entreprise par leur nom de famille. Nous n’avons fait que perpétuer la tradition. Rien à changer de ce côté-là, si ce n’est que je me suis mariée !

Vous faites partie du réseau « Les Gentlemen du Déménagement ». Quels intérêts pour l’entreprise ?

Nous avons rejoint Les Gentlemen du Déménagement en 1995. Ils constituent, en réalité, la fusion de deux réseaux de déménageurs : le groupe Frandem, fondé par monsieur Miotto, et celui Interdem. Les fondateurs n’étaient autres que deux amis de l’époque et, au bout d’un moment, les présidents en place se sont dit que, plutôt qu’avoir deux petits groupements en parallèle, il leur serait plus profitable d’en créer un plus important. Ils ont alors fusionné pour ensuite créer Les Gentlemen du Déménagement. Lors de la reprise, j’ai fait le choix de rester dans ce réseau car il induit une valeur ajoutée en termes de notoriété. Et puis, il s’agit d’un groupement collaboratif qui regroupe des indépendants passionnés. Qui dit groupement dit flottes de camions beaucoup plus importantes. Des agences sont présentes sur toute la France dont les DOM-TOM (départements et territoires d’outre-mer, ndlr) voire à l’étranger.

Quelles sont les principales forces de ce groupement collaboratif ?

Ce réseau permet une meilleure visibilité mais aussi de mutualiser des connaissances ou encore de profiter de la publicité télévisée. Ce groupement est également l’occasion de partager nos idées et d’avancer sur des projets alors que, seul, on a souvent la tête dans le guidon. Faisant partie de l’un des premiers groupes à être certifiés ISO 9001 et 14001, notre réseau permet de mettre cet aspect en avant en toute occasion. Pour assurer un service qualitatif, nous réalisons d’ailleurs systématiquement des enquêtes de satisfaction auprès de nos clients et leurs retours sont épluchés scrupuleusement. Si quelqu’un, membre du réseau, ne joue pas le jeu ou n’entre pas dans les clous, il est soit sanctionné soit exclu. Une garantie supplémentaire qui fait, elle aussi, la force de notre réseau.

Plus largement, que représente, de votre point de vue, l’entrepreneuriat ?

L’expansion vers de nouvelles choses. Il y a, certes, toujours du bon et du moins bon. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas entreprendre seul. Il faut pouvoir mettre en place des éléments qui nous permettent d’avancer et trouver les bonnes personnes génère énormément d’ondes positives. C’est un vrai travail d’équipe ! Même si vous êtes leader au sein d’une entreprise, vous vous devez d’être entouré par vos équipes, qui, derrière, assurent une prestation à l’image de l’entreprise et qui constitue celle que vous souhaitez diffuser à vos clients et prospects. Pour y parvenir, cela demande un gros travail de communication en interne, une vraie chaîne avec des maillons soudés, où chacun est à sa place.

Gérer une entreprise familiale permet-il de dissocier vie professionnelle et vie personnelle ? Et si oui, comment faites-vous pour atteindre un équilibre entre les deux ?

C’est tout à fait possible. Cela se fait assez naturellement à partir du moment où chacun détient son propre rôle dans l’entreprise. Il ne faut surtout pas les mélanger. Si, dans une structure, des membres issus de la même famille détiennent le même rôle, à un moment ou à un autre, cela conduit à une confusion. L’un a la volonté d’aller dans un sens alors que le second souhaite naviguer dans une autre direction. Dans ce type de situation, l’information n’est pas bien comprise par le personnel.

Dès lors que nous avons chacun notre rôle, que tout est bien distinct et qu’il y a une entente entre les membres, cela ne pose aucun problème particulier. Pour parvenir à cet équilibre, il faut savoir arriver le matin, se mettre dans la peau d’un collaborateur et en oublier l’aspect familial. En ce qui nous concerne, nous parvenons très bien à faire le distinguo. Nous ne parlons pas du tout de nos affaires personnelles au sein de l’entreprise. Je conserve mon rôle de dirigeante et ma vie privée reste complètement mise de côté pendant ma journée de travail. Aucune confusion ne se fait. Une entreprise familiale est souvent assimilée à une petite entreprise et, comme je veux éviter cette confusion, je m’efforce de fonctionner comme une structure qui ne détient pas de liens familiaux.

Tout au long de l’aventure, quelle a été la plus grande difficulté ? Et, est-il plus difficile d’entreprendre lorsqu’on est une femme, selon vous ?

Elle reste toujours la même : trouver du personnel. Tout simplement parce que ce n’est pas nécessairement un métier qui donne envie bien que ceux qui l’exercent, le font souvent dans la joie et la bonne humeur. Je ne dispose d’ailleurs que de salariés affichant un certain niveau d’ancienneté. Je peine souvent à intégrer de jeunes talents qui ont envie de faire ce métier tout en étant courageux et, surtout, qui détiennent le sens de la courtoisie vis-à-vis de nos clients. Pour le fait d’entreprendre lorsqu’on est une femme, je ne pense pas que cela soit nécessairement plus difficile.

Il est, certes, assez surprenant de voir une entrepreneure exercer dans le secteur du déménagement mais le fait d’être une femme est davantage une valeur ajoutée. En ce qui me concerne, j’ai vraiment l’impression d’attirer plus l’attention. Sans paraître prétentieuse, je trouve également que nous détenons un côté plus raffiné, qui se révèle un atout dans le domaine du déménagement. Qu’il s’agisse de la mise en place, d’activités de « space planner » (« aménagement d’espaces », en français, ndlr), le regard d’une femme apporte un petit plus. Respectée pour ce que je fais, je ressens une certaine confiance émanant du personnel comme de la clientèle.

Que faites-vous pour décompresser ?

J’aime beaucoup voyager, bien que je ne dispose pas toujours du temps pour le faire. J’aime aussi tout ce qui est culturel et me passionne pour l’histoire de la chaussure ! Le sport me permet également de décompresser tout en restant sur Paris et de me défouler physiquement car j’en ai vraiment besoin. Je pratique ainsi toutes sortes de fitness en salle. J’apprécie ce côté anonyme, où vous arrivez : « Bonjour. Au revoir. », vous parlez cinq minutes avec quelqu’un sans vraiment vous connaître. C’est, pour moi, une manière de m’évader.

Quels sont vos projets professionnels ?

L’international est un service que je veux et dois développer dans mon entreprise. Même si, au travers des Gentlemen du Déménagement, des partenaires sont issus de plusieurs groupements européens et américains notamment, et nous recevons de plus en plus de demandes. Ce projet devrait voir le jour sur l’année 2018 et, pour les pays visés, l’Asie et les États-Unis se classent en tête de liste mais nous traiterons en fonction des demandes.

4 Conseils de Frédérique Dorso

« Une entreprise familiale est souvent assimilée à une petite entreprise et, comme je veux éviter cette confusion, je m’efforce de fonctionner comme une structure qui ne détient pas de liens familiaux. »

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