La fin d’année n’arrive jamais comme les autres moments du calendrier. Elle s’annonce plus calme en apparence, mais intérieurement, pour beaucoup de dirigeants, elle est tout sauf reposante. Les agendas se vident, les équipes lèvent le pied, les clients se font plus rares… et l’esprit, lui, commence à faire du bruit.
C’est souvent là, entre deux dossiers refermés et quelques jours de respiration, qu’un étrange phénomène se produit : le bilan mental. Pas celui des tableaux Excel, ni celui présenté au conseil d’administration. Un bilan plus intime, plus flou, parfois inconfortable. Une sorte de quiz intérieur que peu de dirigeants formalisent, mais que presque tous traversent.
Et si la fin d’année n’était pas tant un moment pour “prévoir” que pour se poser les bonnes questions ?
Question 1 : Est-ce que cette année m’a ressemblé ?
C’est une question simple en apparence. Pourtant, elle touche à quelque chose de profond. Beaucoup de dirigeants terminent l’année avec des résultats corrects, parfois excellents, mais un sentiment diffus de décalage.
Le projet avance, l’entreprise tient, les indicateurs sont au vert… mais est-ce vraiment l’entreprise que vous aviez envie de construire ?
Selon une étude de Bpifrance publiée en 2024, près de 60 % des dirigeants de PME déclarent ressentir une forme de fatigue morale en fin d’année, même lorsque l’activité est stable. Ce n’est pas la charge de travail en elle-même qui pèse, mais le sentiment d’avoir parfois perdu le fil.
La fin d’année agit comme un miroir : elle renvoie l’image de ce que l’on a fait, mais aussi de ce que l’on a laissé de côté.
Question 2 : Ai-je passé plus de temps à gérer qu’à décider ?
Beaucoup d’entrepreneurs reconnaissent ce moment précis où ils ont cessé de “choisir” pour simplement “tenir”. Gérer les urgences, éteindre les incendies, répondre aux contraintes. L’année s’enchaîne alors comme une suite de réactions.
Ce n’est ni un échec ni une faute. C’est souvent la réalité des PME, particulièrement dans un contexte économique instable. Mais la fin d’année est l’un des rares moments où cette question peut être posée sans jugement : ai-je encore la main sur mes décisions ?
Ce quiz intérieur n’appelle pas de réponse parfaite. Il sert surtout à identifier ce qui, l’an prochain, mérite d’être repris en main.
Question 3 : Qu’est-ce qui m’a réellement épuisé cette année ?
On parle beaucoup de surcharge de travail, mais peu de ce qui fatigue vraiment les dirigeants. Ce ne sont pas toujours les heures, ni même la pression financière. Ce sont souvent les tensions invisibles : les non-dits avec un associé, un recrutement qui ne fonctionne pas, une vision floue qui oblige à improviser en permanence.
La fin d’année permet parfois de mettre des mots là où, le reste du temps, on n’a fait que serrer les dents. Ce n’est pas un exercice confortable, mais c’est un exercice utile.
Identifier ce qui a coûté le plus d’énergie est souvent plus stratégique que d’analyser ce qui a rapporté le plus d’argent.
Question 4 : Ai-je laissé de la place aux autres… et à moi-même ?
Dans les discours managériaux, on parle souvent d’équilibre, de délégation, de confiance. Dans la réalité, beaucoup de dirigeants terminent l’année avec le sentiment d’avoir porté trop de choses seuls.
Un quiz de fin d’année, c’est aussi cela : se demander honnêtement si l’on a laissé de l’espace à ses équipes pour grandir, décider, se tromper. Et, plus délicat encore, si l’on s’est laissé à soi-même un espace pour respirer.
Selon l’Observatoire Amarok, près d’un dirigeant sur trois présente des signes de surmenage en fin d’année, sans toujours en avoir conscience. Le corps et l’esprit envoient des signaux discrets, que seule une pause permet parfois d’entendre.
Question 5 : Qu’est-ce que je ne veux plus reproduire l’an prochain ?
La fin d’année est souvent envahie de listes d’objectifs, de résolutions ambitieuses, de plans stratégiques. Pourtant, une question mérite peut-être d’être posée avant toutes les autres : qu’est-ce que je ne veux plus revivre ?
Un client toxique, un rythme intenable, un compromis permanent avec ses valeurs, une absence prolongée auprès de ses proches… Ce sont rarement des éléments qui figurent dans les business plans, mais ils façonnent profondément la trajectoire d’un dirigeant.
Ne pas vouloir répéter n’est pas renoncer. C’est clarifier.
Question 6 : Qu’est-ce qui m’a rendu fier, même discrètement ?
Les dirigeants ont souvent tendance à minimiser leurs réussites. Ce qui a fonctionné devient “normal”, ce qui a échoué devient “problématique”. La fin d’année offre pourtant une occasion rare : reconnaître ce qui a été fait avec justesse, même si cela n’a pas fait de bruit.
Un collaborateur qui a pris confiance. Une décision difficile mais alignée. Un projet mené jusqu’au bout malgré les doutes. Ces victoires silencieuses ne figurent pas toujours dans les bilans, mais elles comptent.
Les reconnaître, ce n’est pas s’autocongratuler. C’est se donner des repères pour la suite.
Question 7 : Quelle place est-ce que je veux occuper l’an prochain ?
Derrière les objectifs de croissance, de recrutement ou de transformation se cache souvent une question plus personnelle : quelle place ai-je envie d’occuper dans mon entreprise ?
Dirigeant très présent ou plus en retrait ? Stratège ou opérationnel ? Chef d’orchestre ou soutien ? Ces choix ne sont ni figés ni définitifs, mais la fin d’année est un moment propice pour les interroger.
Beaucoup de dirigeants découvrent, parfois tard, qu’ils ont grandi plus vite que leur rôle… ou l’inverse.
Un quiz sans note, mais pas sans impact
Ce quiz de fin d’année n’a pas de score, ni de bonne ou mauvaise réponse. Il n’a pas vocation à être partagé sur les réseaux sociaux, ni à être validé par un consultant. Il est souvent silencieux, personnel, parfois inconfortable.
Mais il a une vertu essentielle : il remet du sens là où l’année a parfois laissé place à l’automatisme.
La fin d’année n’est pas seulement une transition comptable. C’est un moment de lucidité. Un espace fragile, mais précieux, où le dirigeant peut redevenir autre chose qu’un gestionnaire d’urgence : un décideur conscient de sa trajectoire.
Et si, au fond, le plus beau cadeau de fin d’année pour un entrepreneur n’était pas un nouveau plan d’action, mais quelques questions bien posées ?
