Comment faire de vos concurrents vos meilleurs alliés

Et si le plus grand atout de votre croissance n’était pas votre client… mais votre concurrent ? L’idée peut faire grincer des dents. Dans l’imaginaire classique de l’entrepreneur, le concurrent est un rival, une menace à surveiller de près, un chasseur de parts de marché que l’on redoute autant qu’on l’espionne. On le suit sur LinkedIn, on analyse ses tarifs, on scrute ses recrutements. Mais rarement, très rarement, on l’appelle.

Et pourtant.

Ceux qui réussiront ne seront pas les plus agressifs, mais les plus connectés. Les plus stratégiques. Les plus audacieux. Alors, soyons clairs : non, il ne s’agit pas d’organiser un dîner entre vous et votre pire concurrent pour lui faire des confidences business. Il s’agit de changer de regard. Parce que faire de vos concurrents vos alliés, ce n’est pas naïf. C’est visionnaire.

C’est fini, le “guerre ou rien”

Bienvenue dans l’économie de la co-opétition. Ce mot étrange, contraction de coopération + compétition, a émergé dans les années 1990, notamment sous la plume de Nalebuff et Brandenburger, deux stratèges de Yale. Leur idée est simple mais révolutionnaire : vos concurrents ne sont pas toujours vos ennemis. Parfois, ils peuvent devenir vos partenaires les plus utiles.

Et dans les faits ? On le voit tous les jours.

Apple et Samsung, ennemis jurés sur le marché du smartphone, travaillent ensemble sur la fourniture d’écrans OLED.

Peugeot et Toyota ont co-développé des véhicules urbains tout en se disputant le marché européen.

Des milliers de start-ups collaborent avec des entreprises qu’elles prétendent “disrupter”.

La logique est claire : dans un monde complexe, il est plus rentable de partager certains morceaux du gâteau… que de se battre pour l’avoir entier, quitte à l’écraser.

Pourquoi voir votre concurrent comme une opportunité

Voici quelques raisons stratégiques de considérer sérieusement vos “rivaux” comme des alliés potentiels :

1/ Ils comprennent mieux que quiconque vos enjeux

Vous pouvez passer des heures à expliquer à vos partenaires ou investisseurs les spécificités de votre marché… ou en parler 10 minutes avec un concurrent, et il comprend tout, tout de suite.

  • Même galères.
  • Même clients.
  • Même pression.
  • Même arbitrages.

C’est un miroir opérationnel unique. Et parfois, une source d’intelligence partagée redoutablement utile.

2/ Vous êtes souvent plus complémentaires que concurrents

Les frontières concurrentielles sont floues. Prenons deux agences marketing :

  • L’une excelle en SEO technique.
  • L’autre en branding et social media.

Sur le papier : concurrentes.

En pratique : parfaites partenaires pour une offre globale.

Les marchés sont vastes, les clients ont des besoins multiples. En nouant des alliances, vous passez d’un schéma de confrontation à un schéma de co-création de valeur.

3/ Vous pouvez mutualiser des ressources sans diluer votre singularité

Tout le monde ne veut pas “fusionner” ou créer une joint-venture. Et ce n’est pas le sujet. Mais des formes de collaboration ponctuelles, ciblées et intelligentes permettent de gagner en efficacité :

  • Partage de données de marché anonymisées
  • Co-organisation d’événement
  • Partage de ressources logistiques ou techniques
  • Groupement d’achat pour négocier en volume
  • Lobbying ou plaidoyer commun sur des enjeux réglementaires

Ce ne sont pas des rêves idéalistes. Ce sont des leviers de compétitivité concrets.

Oui, mais… “Et si je me fais doubler ?”

C’est LA peur centrale. Le syndrome du “je me ferai piquer mes idées”. Un classique.

Soyons francs : elle est légitime, mais souvent exagérée.

Parce qu’au fond, les idées ne valent pas grand-chose. C’est l’exécution qui fait la différence. Et le fait de partager certaines informations ou de collaborer sur des points précis ne signifie pas que vous ouvrez les portes de votre coffre-fort.

Ce qu’il faut, c’est :

  • Mettre un cadre clair à toute collaboration : périmètre, confidentialité, durée.
  • Travailler sur des champs bien définis où l’intérêt commun est évident.
  •  Privilégier une logique de “test & learn”, sur des projets pilotes, avant d’aller plus loin.

Et surtout : choisir des partenaires matures et alignés, pas des “frères ennemis” prêts à tout pour vous écraser.

7 manières concrètes de collaborer avec vos concurrents

Voici 7 façons stratégiques de transformer vos concurrents en alliés utiles (sans vous vendre l’âme au diable) :

1/ Créer un groupement sectoriel ou une alliance commerciale

Exemple : plusieurs agences digitales régionales se regroupent pour répondre ensemble à des appels d’offre nationaux. Résultat : elles passent d’invisibles à incontournables.

2/ Mutualiser des outils ou des ressources

Partage d’un outil d’analyse, mutualisation d’un studio photo ou de serveurs, gestion commune d’un back-office… C’est rentable. Et souvent indolore en termes de business.

3/ Lancer un produit ou service en co-branding

“Ennemi” ne veut pas dire “non compatible”. Un lancement commun peut donner plus d’impact, plus de presse, et créer un effet de surprise sur le marché.

4/ Organiser des événements ensemble

Table ronde, webinar, salon ou live sur LinkedIn : organiser un événement avec un concurrent intelligent, c’est envoyer un message fort : vous êtes là pour construire, pas juste pour attaquer. Et c’est bon pour l’image.

5/ Partager vos apprentissages (en off)

Certains dirigeants créent des cercles de pairs avec leurs “concurrents intelligents”. Pas pour parler business confidentiel, mais pour échanger sur :

  • Les tendances du marché
  • Les galères RH
  • Les outils qui marchent (ou pas
  • Les modèles économiques viables

Ce genre d’échange vaut de l’or.

6/ S’échanger des leads non pertinents

Oui, vous avez bien lu. Un lead arrive chez vous, mais vous ne pouvez pas le servir (pas le bon profil, trop petit, mauvaise zone…). Au lieu de le jeter, vous le redirigez vers un concurrent-allié. Et vice-versa. C’est ce qu’on appelle la “coopétition élégante”.

7/ Faire de la veille commune

Plutôt que de tous passer 3 heures par semaine à faire de la veille sectorielle dans votre coin, pourquoi ne pas monter un mini groupe de partage ? Un Google Doc, un Slack, un Notion commun. Chacun y met ses trouvailles, ses alertes, ses insights. Et tout le monde gagne du temps.

Pour que ça fonctionne : trois règles d’or

Bien sûr, tout cela n’a de sens que si c’est bien fait. Voici trois règles à graver dans le marbre :

  • Règle n°1 : Choisissez vos “concurrents-alliés” avec soin. Ne visez pas ceux qui sont dans une logique de prix cassés ou de guerre frontale. Cherchez plutôt des acteurs avec une vision alignée, qui partagent vos valeurs business et qui comprennent la valeur du long terme. 
  • Règle n°2 : Donnez avant de demander. La meilleure façon de bâtir une relation saine avec un concurrent, c’est de commencer par donner quelque chose d’utile. Un conseil, une intro, une ressource. Cela installe la confiance, et montre que vous êtes dans une logique d’abondance, pas de compétition mesquine.
  • Règle n°3 : Encadrez. Clarifiez. Formalisez. Un partenariat flou finit toujours par un malentendu. Soyez clairs sur : Ce qui est partagé, ce qui ne l’est pas, ce qui est attendu de chacun et ce qui se passe si ça ne marche pas

Un simple mail récap’ ou document d’intention suffit souvent. Pas besoin d’avocats. Juste de la clarté.

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