Oui à la cession de parts sociales pour 1 euros symbolique ! Mais attention… à utiliser avec prudence !
La validité de la cession de parts sociales pour 1€ symbolique
A bien y réfléchir la cession de parts sociales pour 1€ symbolique est plutôt attrayante. Toutefois, l’opération n’est pas sans risque si l’on se réfère à la jurisprudence en la matière. En effet il a été décidé que la vente consentie sans prix réel et sérieux est affectée d’une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun (Cass. com., 23 oct. 2007, no 06-13.979). La Cour de cassation a reconnu la nullité absolue de la vente pour absence d’un élément essentiel du contrat. Etant précisé que depuis la réforme de 2008, les actions en nullité sont soumises à un délai identique de cinq ans (pour les actions personnelles ou mobilières).
La cession de parts sociales obéissant au droit commun de la vente, il est de jurisprudence constante que la validation de la vente passe par la stipulation d’un prix réel et sérieux (Cass. com., 25 janv. 2005, no 01-12.165 , Cass. com., 11 juin 2003, no 00-17.222). De sorte que la stipulation d’un prix fictif entraînera la nullité absolue du contrat pour inexistence du prix.
En revanche, la stipulation d’un prix symbolique peut être valable dès lors qu’elle correspond à la valeur économique des droits sociaux, ou que la cession a pour contrepartie, une autre prestation que le prix symbolique (Cass. com., 3 janv. 1985, no 83-15.520 ; Cass. com., 11 févr. 1992, no 90-10.129). Etant précisé que le risque d’une telle opération réside dans la possible requalification de la cession en donation déguisée, ou de voir sa validité remise en cause. La question est de savoir si la cession pour 1€ symbolique est considérée comme un prix sérieux. En la matière, la jurisprudence de manière constante y répond par l’affirmative.
Même si la cession de parts sociales pour prix symbolique est licite, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence en fixe les contours.
Revenons un instant sur le raisonnement qu’opère la Cour de cassation : un prix de cession excessivement bas ne correspond aucunement à un prix dérisoire ou à une absence de prix. Le principe est relativement simple : La cession pour 1€ symbolique est valide, mais est subordonnée à une contrepartie autre que le prix ! (C.A. Paris, 9 septembre 1997 : Bull. Joly Sociétés 1998, § 4, p. 20). La valeur de la chose cédée, objet du contrat doit être proportionnelle au prix de la vente, de manière à ce qu’il soit considéré comme sa contrepartie.
Une opération intéressante qui doit être maniée avec prudence
L’opération est admise car elle est souvent conditionnée à la prise en charge d’un passif, considéré comme une contrepartie. En d’autres termes le cédant cède au cessionnaire la charge du passif pour 1€ symbolique. Ce passif peut même être envisagé comme un passif futur, de telle sorte que le cessionnaire prendra en charge les coûts liés à la cessation d’activité, par exemple.
Les cessions à prix symbolique portent souvent en pratique sur les entreprises en difficultés compte tenu du poids du passif. Le cédant doit, tout de même s’assurer de la viabilité de la reprise de manière à éviter que sa responsabilité soit mise en jeu. Le licenciement d’anciens salariés par le nouveau repreneur peut être constitutif d’un contentieux.
Par ailleurs, il est également recommandé aux parties de faire appel à un tiers expert, pour déterminer la valeur des parts sociales. Une analyse sérieuse et rigoureuse de la santé financière de l’entreprise doit être réalisée au préalable. Une attention particulière doit être portée sur ce point, pour éviter la nullité de la dite opération.
Le prix de la cession, en apparence faible, reflète en réalité la valeur du passif qui devra apparaître de manière significative sur les documents comptables. L’opération n’est justifiée qu’eu égard à l’analyse financière de la société.
D’aucuns pensent souvent à tort, que la cession à prix symbolique peut être réalisée du simple fait que la société ne dégage pas de chiffre d’affaire depuis quelques années, ou que celle-ci est en sommeil. En réalité, l’appel à un comptable est déterminant pour la réussite de l’opération. Même si le coût de l’intervention de cet expert peut s’avérer élevé, il a au moins le mérite de sécuriser la cession.
Les parties doivent être vigilantes pour éviter un redressement fiscal
L’opération, certes séduisante, peut avoir des conséquences bien plus graves en pratique. En outre, il est fortement recommandé aux parties de ne pas sous-évaluer la valeur des parts sociales. En somme, l’absence de réelle contrepartie, autre que le prix symbolique, expose les parties à un possible redressement fiscal, d’où l’importance de l’intervention du tiers expert.
Par conséquent, la cession des parts sociales à prix symbolique doit être utilisée avec prudence.
En l’espèce, une importance toute particulière doit être accordée à la rédaction de l’acte. Ainsi les rédacteurs de l’acte doivent veiller au contexte économique global de l’opération, pour que le cédant et le cessionnaire ne soient pas lésés.
L’opération présente un avantage certain, celui de permettre au cédant, de céder ses parts sociales pour ne pas avoir à subir une trop lourde charge. Pour le cessionnaire, il s’agira d’acquérir les parts à une somme symbolique, moyennant une contrepartie.
Autre possibilité en matière de cession de parts sociales : le prix déterminable
L’article 1591 du Code civil dispose que le prix doit être déterminé, ou désigné par les parties. En d’autres termes le prix peut être objectivement déterminable.
En somme, la cession de parts sociales dont le prix est défini en fonction d’éléments dont la valeur exacte sera fixée par un bilan établi par un cabinet extérieur est également licite (Cass. com., 18 juin 1996, no 94-17.327, RJDA 1996, no 1202).
Les parties ont également la possibilité d’inclure dans l’acte de cession, une clause d’earn-out en vertu de laquelle le prix d’une cession d’actions dépendra de la valeur réelle de l’entreprise, et de l’évolution des résultats à venir. Cette pratique est licite car elle assure une déterminabilité suffisante du prix (Cass. com., 10 mars 1998, no 96-10.168, RJDA 1998, no 865).
En définitive la cession à 1 € symbolique oui, mais pas sans risque.