Dans les ateliers d’artisans, sur les chantiers, dans les garages, les cuisines ou les laboratoires de fabrication, un phénomène inattendu s’observe depuis quelques années : les jeunes reviennent massivement vers les métiers manuels. Un mouvement discret au départ, mais qui, en 2025, est devenu une véritable tendance de fond.
Loin des clichés qui associent réussite à diplômes supérieurs et carrières de bureau, la génération actuelle revendique un autre rapport au travail :
- plus concret,
- plus utile,
- plus humain.
Une dynamique portée par les chiffres
Selon le dernier rapport publié par la Dares en 2024, les formations professionnelles et technologiques ont enregistré une hausse de +18 % d’inscriptions chez les moins de 25 ans en cinq ans. Les filières les plus attractives sont celles de :
- l’artisanat (+22 %),
- la maintenance automobile (+19 %),
- les métiers du bâtiment (+17 %),
- la cuisine et la pâtisserie (+24 %),
- les métiers du bois et du métal (+20 %).
Du côté des CFA (Centres de Formation des Apprentis), la progression est encore plus marquée : en 2024, ils accueillent près de 900 000 apprentis, un record historique en France, et les deux tiers sont des jeunes de moins de 23 ans.
Une quête de sens face à la crise du “tout digital”
Dans une société où l’économie numérique a longtemps été perçue comme l’unique voie d’avenir, la vague du « tout digital » semble avoir atteint ses limites. La lassitude face aux écrans, aux métiers immatériels, aux réunions sans fin et à la culture du travail hyperconnecté fait émerger un besoin diamétralement opposé : celui d’utiliser ses mains.
Selon une étude Ifop de 2024, 56 % des jeunes déclarent vouloir exercer une activité où ils voient directement le résultat de leur travail, une hausse de 12 points en trois ans.
Un marché du travail qui a profondément changé
Si les jeunes reviennent vers les métiers manuels, c’est aussi parce que les entreprises, elles, n’ont jamais eu autant besoin d’eux. La France fait face à une pénurie massive dans les secteurs :
- du bâtiment,
- de l’automobile,
- des énergies,
- de l’industrie,
- de la réparation artisanale.
Selon Pôle emploi, près d’un recrutement sur deux dans l’artisanat est jugé difficile.
Le secteur du bâtiment, à lui seul, annonce un déficit de 100 000 travailleurs qualifiés pour 2025. Cette rareté des profils crée un terrain favorable pour les jeunes qui s’y engagent : salaires attractifs, insertion rapide, stabilité, possibilité d’évolution.
Aujourd’hui, 70 % des apprentis trouvent un emploi dans les 6 mois suivant l’obtention de leur diplôme.
Le renouveau de l’artisanat : tradition, modernité et fierté
Le retour des métiers manuels ne s’explique pas seulement par l’emploi ou les salaires.
Il raconte une nouvelle relation au travail et une réconciliation entre tradition et modernité.
Dans les ateliers de maroquinerie, de menuiserie ou de ferronnerie, les jeunes apprennent des gestes anciens… mais avec des outils modernes :
- impression 3D,
- machines de découpe laser,
- logiciels de modélisation.
Le savoir-faire manuel se marie désormais à la technologie, et cela séduit.
Le secteur de l’artisanat représente aujourd’hui plus de 1,7 million d’entreprises en France et attire particulièrement les jeunes créatifs. Sur Instagram ou TikTok, des milliers d’artisans partagent leurs créations, leurs processus, leurs transformations. Une vitrine numérique qui revalorise ce monde longtemps dans l’ombre.
Des salaires plus attractifs qu’on ne le pense
Contrairement aux idées reçues, beaucoup de métiers manuels offrent des rémunérations intéressantes dès le début, et des perspectives très élevées pour ceux qui se spécialisent ou créent leur entreprise. Quelques exemples en 2025 :
- un jeune plombier débutant gagne en moyenne 1 900 à 2 200 € nets,
- un électricien peut rapidement dépasser 2 300 €,
- un charpentier qualifié tourne autour de 2 500 €,
- un chef d’atelier ou artisan expérimenté dépasse souvent 3 000 €,
- un cuisinier confirmé ou pâtissier peut monter à 3 500 € dans certains établissements.
Sans parler de ceux qui deviennent indépendants : dans certains métiers, les revenus peuvent doubler.
La question de la sécurité de l’emploi joue également : les métiers manuels figurent parmi les rare secteurs où le taux de chômage reste extrêmement bas.
Un changement culturel chez les parents et les enseignants
L’un des freins du passé était le regard porté par les familles. Le discours ambiant valorisait surtout les études longues et académiques mais en 2025, le vent tourne.
Selon une enquête OpinionWay, 62 % des parents se disent désormais favorables à l’apprentissage, contre 45 % en 2018.
Les enseignants aussi commencent à reconnaître la valeur des filières professionnelles. Des partenariats renforcés entre écoles et entreprises, des visites d’ateliers, des immersions, des stages longue durée contribuent à changer les mentalités.
L’image même de l’apprenti a évolué : on parle désormais de formation duale, de compétences techniques, d’expertise.
Une jeunesse qui cherche du réel, du durable, du concret
La véritable révolution est peut-être là : dans le rapport au travail. La génération qui arrive ne cherche pas seulement un salaire, mais un équilibre et elle veut un métier utile, qu’elle peut toucher, comprendre, transmettre. Les métiers manuels apportent une forme de satisfaction immédiate : on fabrique quelque chose, on répare quelque chose, on améliore quelque chose.
Dans une société saturée de virtuel, ce contact avec le réel est devenu précieux.
