Novembre, ce mois où les entrepreneurs tirent trop sur la corde

Il y a un phénomène dont on parle peu, mais que beaucoup reconnaissent en silence. Chaque année, quand arrive novembre, les entrepreneurs commencent à marcher un peu moins vite, à respirer un peu plus court. Ce n’est pas seulement la météo ou les journées qui rétrécissent : c’est ce moment où la fatigue accumulée depuis janvier rattrape ceux qui ont passé l’année à courir.

Novembre, c’est le mois où les agendas débordent, où l’on prépare déjà les objectifs 2026 alors que ceux de 2025 ne sont pas encore bouclés. C’est aussi le mois où l’on continue à dire “oui”, même quand la voix intérieure murmure que le corps, lui, dit “stop”.

1/ Le mois où la pression sédimente

Contrairement à ce que l’on imagine, le burn-out entrepreneurial n’arrive presque jamais d’un coup. Il s’installe à petits pas. Il se glisse dans les nuits morcelées, les repas pris “entre deux”, les week-ends qui ressemblent de plus en plus à des lundis déguisés.

Mais en novembre, tout semble plus lourd. L’effet n’est pas uniquement psychologique : des études récentes en Europe montrent que la fatigue cognitive atteint un pic entre mi-novembre et début décembre chez les dirigeants de petites et moyennes entreprises.
La faute à l’intensité commerciale, aux deadlines, aux prévisions budgétaires, et à cette course contre la montre que tout le monde semble lancer en même temps.

Un entrepreneur me disait récemment : “Novembre, c’est le mois où tu réalises que tu t’es oublié toute l’année.”

Cette phrase résume parfaitement ce qui se passe pour beaucoup. On accumule les réunions, les prises de décisions, les inquiétudes qu’on cache pour ne pas inquiéter les équipes. On se dit que ça ira mieux “après le rush”, “après Noël”, “après les clôtures”. Mais le “après” ne vient jamais vraiment, et novembre devient ce tunnel où les signaux d’alerte deviennent visibles… si on accepte de les regarder.

2/ Les signaux qu’on balaie trop souvent

Ils sont connus, mais les entrepreneurs les considèrent encore comme des “détails” :

  • irritabilité inhabituelle ;
  • concentration qui s’effiloche ;
  • micro-oubli répétés ;
  • sommeil capricieux ;
  • sensation d’être submergé par des tâches pourtant simples.

Il ne s’agit pas de faiblesse. Il s’agit d’un système nerveux qui travaille en surtension depuis beaucoup trop longtemps.

Le plus dangereux, dans le burn-out entrepreneurial, c’est qu’il n’y a personne au-dessus pour dire “stop”. Pas de supérieur hiérarchique, pas de RH, pas de médecin du travail qui passe dans le couloir.
On tient, parce qu’on estime que tout dépend de nous.

3/ L’isolement, ce mal silencieux

Beaucoup d’entrepreneurs le reconnaissent sans le dire : même entourés, ils se sentent souvent seuls face à leurs responsabilités.

Novembre amplifie cette solitude. C’est le moment où l’année se referme, où chacun se concentre sur ses propres urgences. Les entrepreneurs, eux, absorbent encore plus. Ils soutiennent les équipes, gèrent les partenaires, rassurent les investisseurs, organisent les campagnes de fin d’année. La vérité, c’est qu’on oublie trop souvent de leur demander comment eux vont.

4/ Ce que certains font différemment pour ne pas basculer

Dans plusieurs réseaux d’entrepreneurs, on voit apparaître ces derniers mois des rituels salvateurs :

  • des “vendredis sans rendez-vous”,
  • des matinées réservées à la réflexion stratégique,
  • des pauses imposées entre deux périodes de rush,
  • des semaines de déconnexion… assumées et annoncées aux équipes.

Certains installent même un système de “co-responsabilité” : un autre entrepreneur, parfois un ami, parfois un mentor, chargé de jouer le rôle de vigie. Parce qu’il faut parfois quelqu’un d’extérieur pour dire : “Là, tu tires trop.”

5/ Novembre ne doit pas être un mur

Ce mois peut devenir un point d’inflexion, un moment pour ralentir, réajuster, reprendre son souffle avant la dernière grande ligne droite. Il peut être l’occasion de revoir ce qui a fonctionné, ce qui a épuisé, ce qui doit être allégé. Pour beaucoup d’entrepreneurs, accepter de lever le pied n’a rien d’un aveu d’échec. C’est même l’inverse : c’est une preuve de lucidité, la vraie ressource que tous ne possèdent pas.

Novembre est là pour rappeler cette vérité simple. Ce n’est pas le mois du burn-out inévitable, mais celui de la vigilance nécessaire. Celui où l’on a le droit, enfin, de dire : “Je souffle.” Et souvent, c’est là que tout repart.

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