KNAP, la startup française de chariots connectés !

Interview de Dylan Letierce, cofondateur de KNAP

Interview de Dylan LETIERCE, cofondateur de KNAP qui a réalisé une levée de fonds Seed de 3 millions d’euros, afin d’implémenter dans nos supermarchés des chariots connectés.

Comment vous est venue l’idée de KNAP ?

Nous étions étudiants en école de commerce et nous voulions créer une entreprise, une startup. Il nous paraissait évident qu’il nous fallait trouver un problème et essayer de le résoudre. Nous avons cherché et celui qui nous a paru le plus intéressant, celui qui nous a plu, c’était la file d’attente au supermarché. Nous avons commencé à faire des recherches et nous avons remarqué, à l’époque (en 2018), que des solutions existaient qui étaient intéressantes, mais étaient très orientées pour les supérettes, les toutes petites surfaces. Il était très dur, voire impossible ou pas rentable, de les implémenter dans des grandes surfaces, des supermarchés ou des hypermarchés. C’était le tout début d’Amazon Go et cela nous a conduits à notre idée, celle d’implémenter une technologie de supérette connectée dans un chariot connecté pour les grandes surfaces.

En quoi consiste exactement l’offre que vous proposez ?

Nous proposons une solution d’encaissement autonome pour les supermarchés. Pour le supermarché, c’est un système d’encaissement automatisé qui peut être assimilé aux douchettes ou aux caisses automatiques, à la nuance près que nous offrons d’autres services.
Surtout notre dispositif est sécurisé, c’est-à-dire qu’il ne permet pas la fraude, ce que vous avez souvent avec les douchettes. Aujourd’hui, avec une douchette, si vous oubliez de scanner un article, personne ne le verra, c’est donc une perte de marge pour le point de vente. Il est donc très difficile de rentabiliser cette solution. Ce type de technologies, même si, à la base, est moins cher parce qu’il y a moins de personnel pour les faire tourner, deviennent au final non rentables.
Notre but était aussi de résoudre un problème de « confiance », c’est-à-dire qu’avec ces solutions, les clients sont contrôlés au hasard parce qu’on ne sait pas s’ils ont fraudé ou non. Or, cette manière de contrôler est fort désagréable pour le client autant que pour le point de vente. Nous résolvons cette crise de confiance et nous contrôlons de façon automatisée les utilisateurs sur les actions qu’ils vont réaliser sur le chariot grâce à des capteurs de poids et surtout avec des caméras reliées à différents algorithmes avec du machine learning, etc.


Elle permet de vérifier que toutes les actions qui sont réalisées sont cohérentes.

Typiquement, une action non cohérente est : « je présente un produit et j’en dépose un autre » ou encore « je présente une bouteille de vin à 5 €, j’en dépose une à 50 € ». Si nous détectons ce type d’action, nous l’envoyons au collaborateur du magasin qui peut contrôler les clients. Ils présentent des « suspicions » et donc des potentiels d’actions frauduleuses. Un autre avantage de la solution est qu’il ne s’agit pas de contrôler tout le panier. Elle ne leur fait pas perdre du temps et ceux qui ne fraudent pas ne seront pas contrôlés.
Notre outil va accompagner le client tout au long de sa session d’achat. Il lui permet d’avoir accès au montant de son panier, à ses promotions, à des infos « produit » comme le Nutri-Score, les allergènes, etc. Nous pouvons même lui proposer des recettes ou des suggestions. L’implémentation de ce type de services supplémentaires dépend beaucoup de l’enseigne.

L’idée vous vient en 2018. Vous avez dû travailler longtemps sur la R&D ?

La R&D a été faite principalement quand l’entreprise a été lancée. Nous avons jusqu’en 2019 constitué notre équipe technique pour réaliser la R&D, parce que nous n’avions pas toutes les compétences en interne. Depuis, nous développons nos prototypes qui ont été placés en magasin. Nous avons, dès le début, voulu les insérer pour qu’ils soient dans un vrai contexte, utilisés par des vrais consommateurs. Aujourd’hui, nous diffusons notre modèle commercial, qui va être produit en plusieurs centaines d’unités.

Quelles ont été les grandes étapes à partir du moment où vous avez eu votre prototype ?

A l’origine, nous avions des prototypes plutôt sur table, que nous ne mettions pas en magasin mais rapidement nous avons trouvé des points de vente pour le tester. Nous avons, dès le commencement, travaillé avec l’enseigne Monoprix même si ce n’est pas du tout notre clientèle cible. L’avantage était que cette enseigne, avait, à l’époque, l’infrastructure logicielle qui pouvait accueillir facilement notre technologie. De son côté, cette enseigne avait envie d’innover sur l’ouverture d’un nouveau point de vente et voulait communiquer. Cela nous permettait de gagner au passage de la visibilité. A la suite de ce test, nous avons commencé à les tester avec Intermarché, dans des points de vente. En termes de date, le test avec Monoprix, c’était juste après le premier confinement, donc mi-2020. La seconde, celle des tests avec Intermarché, était début 2021.

Considérez-vous que le ou les confinements ont été une source d’accélération ou de ralentissement pour votre entreprise ?

Honnêtement, un peu des deux. Cela nous a ralentis mais nous avons rencontré un surplus d’intérêt juste après le confinement donc je mettrais la balle au centre. Les confinements nous ont freinés mais nous nous sommes concentrés sur la R&D pendant cette période où le marché n’était pas du tout réceptif. Les enseignes avaient autre chose à faire que de placer des chariots connectés en magasin pendant le confinement. Mais, a posteriori, les enseignes ont eu un peu d’argent et elles ont pu investir sur de l’innovation afin de résoudre les problèmes liés à la COVID comme les risques liés à l’exposition du personnel au virus. Les chariots connectés ont cet intérêt-là, même si ce n’est pas leur but premier. Après le confinement, nous avons donc rencontré un surplus d’intérêt.

Qu’est-ce qui s’est passé après la mise en place chez Intermarché ?

Nous les avons testés et nous avons rencontré beaucoup de problèmes, puisque nous les avons confrontés à la réalité. L’écosystème d’un supermarché est assez hostile et il est très dur d’y implémenter de la technologie. Il y a beaucoup de types d’articles, c’est donc un chaos pour en mettre une en place. Nous avons eu la chance d’avoir eu des points de vente assez investis pour nous remonter les problèmes en temps réel afin que nous les résolvions. Ce fut la majorité de notre travail depuis 2021. En résumé, nous avons testé nos chariots, nous les avons améliorés jusqu’à avoir la version que nous avons aujourd’hui.

Vous venez de lever trois millions d’euros, pour quoi faire ?

La première raison était de financer notre R&D. Aujourd’hui, nous avons des coûts importants en termes de R&D et nous devons pouvoir continuer à investir. La deuxième raison, c’était de produire les chariots que nous sommes en train de vendre. Nous en avons déjà produit environ 400 et il faut de la trésorerie pour les produire, les fabriquer et les vendre. Après, le but était de recruter une équipe commerciale. Nous n’avions quasiment personne sur le commercial, seulement moi. Avant, nous étions concentrés sur la relation avec les enseignes et les tests en magasins mais nous n’avions personne pour aller vendre la solution. Maintenant que nous avons un produit, il faut le vendre aux meilleurs clients possibles et il faut donc des commerciaux et une stratégie commerciale performante.

Quelle a été la plus grande difficulté que vous avez rencontrée jusqu’à maintenant ?

Il y a eu deux vraies difficultés. Une première sur les tests en magasin, c’est-à-dire que notre technologie doit se brancher logiciellement avec le système d’une enseigne et ce branchement peut se révéler être assez complexe. De plus, il y a eu des problèmes également liés au hardware, à la mécanique ou l’électronique, sur le chariot. Les premiers mois de test ont été éprouvants.
Ensuite, peut-être le point qui a été assez difficile, c’est la trésorerie post-Covid. La levée de fonds que nous avons faite cette année aurait dû être faite quasiment un an auparavant mais les confinements ont ralenti les processus de levée de fonds. Le manque de trésorerie n’a donc pas toujours été facile à vivre, surtout qu’on avait beaucoup de dépenses liées aux pilotes en magasins, etc. Il a fallu jouer entre « préserver les fonds » et « mettre des pilotes en magasins qui coûtent de l’argent ». Cela s’est révélé ardu.

Quels vont être à l’avenir les grands défis à venir ?

Je ne pense pas que cela soit la production des chariots parce que nous sommes bien rodés. Ils ont été plutôt bien conçus. Je suis convaincu que le plus gros défi que nous allons avoir sera d’avoir « un ordinateur sur roulettes » qui est mis entre les mains de personnes qui peuvent le maltraiter donc il peut être mis à rude épreuve. Les chariots sont utilisés, comme je vous le disais, dans un milieu assez hostile, où les gens sont pressés, n’ont pas le temps à perdre ou à réfléchir à son bon fonctionnement, etc.

Souvent les clients sont moins alertes quand ils sont en magasin que d’habitude, ils fonctionnent de façon un peu mécanique. Le défi réside dans la gestion d’une flotte de plusieurs centaines de chariot puisqu’il y aura beaucoup de travail de réparations de chariot, de maintenance logicielle, de gérer ces nombreux ordinateurs en ligne, etc… S’il y a des composants qui dysfonctionnent ou qui cassent, il faut les remplacer et il va falloir le faire à moindre coût, rapidement pour le point de vente afin que le chariot redevienne opérationnel dans les meilleurs délais. Cela va être un sacré challenge !

Vous avez une stratégie plus de démarche par enseigne ou c’est géographique ?

Forcément, c’est par enseigne puisqu’il faut intégrer mais tout n’est pas uniforme. Il y a des enseignes intégrées, type Carrefour ou Casino, où il y a très peu d’échanges avec les points de vente. Il suffit de discuter avec le groupement pour qu’il nous aide à déployer nos chariots. Ils ont une stratégie généralement à très long terme et très cadré.
Après, il y a les points de vente indépendants comme, par exemple, Système U, Intermarché, Leclerc. Là, c’est une stratégie plus orientée par les points de vente. Il s’agit de trouver un point de vente qui nous intéresse et qui est intéressé par notre solution, qui est prêt à bouger les lignes au sein de son enseigne pour adopter notre solution. Généralement, nous travaillons par région parce que cela fonctionne par centrale d’achat, etc. 

« Cela nous a ralentis mais nous avons rencontré un surplus d’intérêt juste après le confinement donc je mettrais la balle au centre. Les confinements nous ont freinés mais nous nous sommes concentrés sur la R&D pendant cette période. »

Dylan LETIERCE, cofondateur de KNAP

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