Interview de Fabrice Coquio, Fondateur d’Interxion

Interview de Fabrice Coquio, le fondateur de la filiale française d’Interxion, entreprise qui se place parmi les 100 meilleures entreprises françaises en termes de taux de croissance, nous livre ses secrets.

Présentez-nous Interxion.

J’ai fondé la filiale française du groupe en 1999. J’ai été recruté pour cela alors que j’étais salarié dans un grand groupe et que je n’avais pas d’expérience entrepreneuriale. Nous concevons, construisons et contrôlons en continue des data centers dans l’Europe entière. Ces centres doivent présenter une parfaite robustesse de fonctionnement et une sécurité sans faille. Nous bâtissons donc des bâtiments industrialisés qui demandent une gestion technique de pointe.

Vous êtes ingénieur de formation ?

Pas du tout. Le choix des fondateurs du groupe Interxion a justement été de choisir des dirigeants pour leurs filiales pays qui étaient issus du business développement et non pas du technique. Bien sûr il a fallu que je me forme à la technique pour conquérir les clients et comprendre les enjeux.

La construction d’un data center est très chère. Comment avez-vous financé ces lourds investissements de départ ?

Oui, la construction d’un tel bâtiment coûte une cinquantaine de millions d’euros. Nous sommes sur un métier très gourmand en capitaux et qui nécessite de générer du cash rapidement pour être crédible vis-à-vis des banques. Mais nous avons lancé Interxion en pleine période de la bulle Internet et nous avons pu lever assez rapidement 320 millions d’euros ! Nous avons fait un financement par private equity avec des capitaux américains et par des prêts bancaires sous toutes ses formes. Depuis 5 ans nous finançons 40 % de nos investissements par les revenus de notre propre activité. Nous préparons aussi une entrée en bourse au NYSE.

Comment avez-vous géré la croissance rapide que vous avez connue ?

Il est vrai que nous avons la chance d’avoir des taux de croissance compris entre 25 et 30 % depuis 10 ans. Pour gérer cette situation au mieux, nous avons fait le choix de structurer l’entreprise dès ses débuts comme un grand groupe alors que nous n’étions qu’une petite PME ! Par exemple nous avons tout de suite sous-traité tous les services qui n’étaient pas notre cœur de métier. Nous nous sommes tout de suite fait accompagner par des grands noms pour nos besoins en conseils juridiques, en marketing ou en expertise comptable.

Ce genre de conseil de qualité coûte cher et il est difficile pour une jeune entreprise de se les payer. Mais en même temps si on ne se paye pas cela, on risque de faire des erreurs qui peuvent coûter cher elles aussi. On ne peut construire quelque chose de solide sur des bases qui ne sont qu’approximatives. Mais bien sûr il faut avoir les moyens de rentrer dans ce cercle vertueux. Et le manque de capitalisation des entreprises en France ne va pas dans ce sens.

Quel est selon vous le secret de votre croissance ?

C’est très simple : nous axons tous nos efforts sur la vente. Car s’il n’y a pas de ventes, il ne peut y avoir de croissance. C’est un basique que trop d’entrepreneurs oublient. On a beau être talentueux, avoir de beaux produits ou organiser son entreprise parfaitement, si on ne vend pas il ne se passera rien. Personnellement, dix ans après la création de l’entreprise, je passe toujours 50 % de mon temps à la vente, alors que je vois beaucoup de dirigeants qui dépensent 90 % de leur temps à gérer les problèmes internes.

Sur quoi repose votre management ?

Il n’y a pas de secret : on ne génère pas une telle croissance sans implication. Mais ce n’est pas pour autant que nous ne respectons pas le Code du travail. Une entreprise qui se crée n’est pas une zone de non droit ! Et je pense qu’on peut demander beaucoup aux gens si seulement on leur renvoie l’ascenseur, pas dans 15 ans, mais de façon immédiate. Chez Interxion nous avons ainsi une politique salariale supérieure à celle du marché, des plans d’épargne en action, une mutuelle de très haut niveau.

Nous proposons également des animations, des voyages et un accompagnement de chaque salarié. Nous faisons en sorte que l’ambiance et les conditions de travail soient toujours bonnes. Ce sont les particularités du business model data center qui nous permettent d’agir comme cela. Je pense aussi que ce qui motive les salariés est de voir que l’entreprise est en croissance et qu’ils pourront donc s’y développer. Nous utilisons également des outils de motivation concrets comme la distribution de stock-options ou la définition d’une partie variable sur le salaire en fonction des résultats pour 2/3 de nos salariés.

Vous avez créé Interxion France en reprenant le modèle du groupe. Vous sentez-vous tout de même entrepreneur ?

Quand vous venez d’un groupe de 28 000 personnes et que vous vous retrouvez seul du jour au lendemain, vous vous sentez d’un seul coup entrepreneur. Pour moi cela revient au même que de créer une entreprise de toutes pièces parce que je suis aussi actionnaire de ma société. Il y a un syndrome en France : les entrepreneurs préfèrent créer une structure petite mais qu’ils contrôlent à 100 % plutôt qu’une grosse entreprise dans laquelle ils participent. On est trop accroché à ce contrôle quasi maladif de la totalité du capital. Or, si l’on est bien conseillé, on peut découvrir de nombreux outils qui permettent de perdre la majorité du capital sans perdre le contrôle de l’entreprise.

Les 5 conseils

  1. Ne jamais s’arrêter de vendre. On peut comparer cela au vélo : si on s’arrête de pédaler on tombera vite !
  2. éduquer tout le personnel à cet objectif de vendre. Même les comptables !
  3. Prévoir une part variable indexée sur les résultats dans le salaire du maximum d’employés. Pour être bien acceptée cette variable doit être versée en plus d’un fixe qu’ils auraient eu de toute façon. Cette technique permet de motiver les salariés et de les sensibiliser au fait que les revenus de l’entreprise dépendent de ses résultats commerciaux.
  4. Bien gérer ses tableaux de bord. Ce sont eux qui permettent de mesurer le bon fonctionnement de l’entreprise et de réussir à gérer la croissance.
  5. Supprimer les tâches inutiles. L’être humain a tendance souvent à s’inventer du travail. Il faut chaque jour se poser la question « Ce que je suis en train de faire crée-t-il de la valeur pour moi, pour les autres ou pour mon entreprise ? ». Ce n’est pas parce qu’on a l’habitude de faire un tableau depuis 3 ans que celui-ci est utile. Cela parait simple mais ce n’est pas si facile ! Chasser ces tâches permet d’augmenter fortement la productivité.
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