Entreprendre en France : où en est vraiment l’égalité entre femmes et hommes ?

Chaque année, la France célèbre ses créateurs d’entreprise avec des classements, des trophées, des concours d’innovation. Les photos montrent souvent des sourires, des poignées de mains, des pitchs bien rodés. Mais quand on regarde derrière les projecteurs, un autre visage apparaît : celui d’une égalité professionnelle encore fragile, parfois hésitante, mais portée par une génération qui refuse de laisser les choses en l’état.

Dans les cafés, les incubateurs, les tiers-lieux où se croisent étudiants, freelances et jeunes fondateurs, une réalité s’impose : le paysage entrepreneurial français change. Les femmes y entrent en nombre, mais l’égalité, la vraie, peine encore à se frayer un chemin.

1/ Un constat chiffré : la progression existe, mais elle stagne

Les derniers chiffres de l’Insee montrent que 43 % des créations d’entreprises en France sont réalisées par des femmes. Un record historique, mais un chiffre qui progresse à petits pas depuis plusieurs années.

Pourtant, quand on regarde ailleurs dans le parcours entrepreneurial, les écarts se creusent :

  • Seules 30 % des entreprises employeuses sont dirigées par des femmes.
  • Dans la tech, la proportion tombe encore : moins de 12 % des start-up sont fondées par des femmes (source : Sista / Bpifrance).
  • Les projets féminins lèvent 2 à 5 fois moins de fonds que ceux portés uniquement par des hommes.

L’égalité existe donc… au moment de remplir un formulaire de création. Mais dès qu’on cherche des financements, de la visibilité ou de l’accompagnement stratégique, les lignes redeviennent abruptes.

2/ Dans le réel, l’égalité s’éprouve dans les détails

Quand on discute avec des porteuses de projets, on comprend vite que les inégalités ne sont pas toujours spectaculaires. Elles sont discrètes, répétées, presque banales.

Une entrepreneure raconte qu’on lui demande encore parfois si “le chef peut venir signer”. Une autre explique que, lors d’un rendez-vous bancaire, l’agent s’est adressé à son mari alors que l’entreprise était à son nom. Une troisième dit qu’on lui parle de “risques familiaux” avant de parler de modèle économique. Ces remarques n’apparaissent jamais dans les études, mais elles traversent les récits. Ce qui frappe, c’est que les femmes n’en font plus une fatalité.

  • Elles avancent.
  • Elles s’organisent.
  • Elles documentent même ces micro-expériences pour ne plus les laisser invisibles.

3/ Financement : la grande fracture

Les chiffres du collectif Sista sont clairs :

  • 85 % des levées de fonds en France vont à des équipes 100 % masculines.
  • Les équipes 100 % féminines reçoivent moins de 2 % des financements.

Non pas parce que leurs projets seraient moins ambitieux, mais parce qu’elles arrivent souvent face à un mur culturel : le réseau d’investisseurs reste très masculin, les critères d’évaluation reposent sur des modèles de leadership historiquement façonnés autour des hommes, et les biais inconscients s’invitent dans les décisions.

Pourtant, plusieurs études européennes montrent que les entreprises dirigées par des femmes affichent souvent :

  • une meilleure rentabilité,
  • une gestion du risque plus précise,
  • un taux de survie plus élevé sur leurs cinq premières années.

Le paradoxe est là : les femmes réussissent, mais on les finance moins.

4/ Un nouveau rapport à l’ambition

On entend parfois que les femmes “manquent d’ambition”. Les recherches montrent autre chose : elles la formulent différemment. Pour beaucoup, l’ambition n’est pas une conquête mais une construction :

  • créer un projet durable,
  • avoir un impact,
  • trouver un équilibre personnel,
  • contribuer à un territoire,
  • prouver que la réussite n’a pas besoin d’être brutale pour être solide.

Quand les hommes sont socialisés à “viser grand”, beaucoup de femmes sont socialisées à “viser juste”. Et les réseaux féminins, les incubateurs dédiés et les programmes publics tentent aujourd’hui de briser cette norme.

5/ Des initiatives qui changent la donne

Ces dernières années, plusieurs programmes ont fait bouger les lignes :

  • Le programme French Tech Tremplin, qui veut rendre la tech plus inclusive.
  • Le plan Entrepreneuriat des Femmes du gouvernement, avec un objectif clair : atteindre 50 % de créatrices.
  • Les réseaux comme Les Premières, Willa, Action’elles, Bouge ta Boîte, qui accompagnent des milliers de femmes chaque année.
  • Le mouvement Sista, qui pousse les investisseurs à financer davantage de projets féminins.

Ces initiatives ne font pas disparaître les inégalités, mais elles offrent une rampe d’accès à celles qui, longtemps, n’avaient même pas trouvé la porte.

6/ Sur le terrain, un changement qui se ressent

Quand on interroge les entrepreneures, une idée revient souvent : “On ne nous attendait pas. On est venues quand même.”

Beaucoup racontent des moments fondateurs : une rencontre dans un réseau, une main tendue par une autre entrepreneure, un atelier où l’on découvre qu’on n’est pas la seule à douter.

L’égalité, dans leurs récits, n’est pas une théorie. C’est un combat quotidien, mais aussi une joie : celle de créer, de se dépasser, de prendre place. Elles ne cherchent pas à remplacer les hommes, mais à être considérées à égalité :
ni plus, ni moins.

7/ Une égalité en construction, portée par toute une génération

  • La France avance.
  • Les chiffres le montrent.
  • Les récits le confirment.
  • Les réseaux l’amplifient.

Mais l’égalité dans l’entrepreneuriat ne sera réelle que le jour où une femme pourra lancer son entreprise sans avoir à prouver deux fois plus, expliquer deux fois plus, ou se justifier d’exister. Et ce jour-là, il ne faudra pas chercher un coupable, mais remercier celles qui, aujourd’hui, ouvrent la voie.

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