Parfois, tout semble tourner à vide. Le business fonctionne, les clients sont au rendez-vous, les chiffres sont bons… et pourtant, quelque chose s’éteint. Ce “feu” du début, cette énergie créatrice qui animait chaque matin, vacille. De plus en plus d’entrepreneurs témoignent de cette perte de sens. Dans un monde post-crise où les repères se brouillent, redonner du sens à son projet entrepreneurial n’est plus un luxe : c’est devenu une condition de survie personnelle, émotionnelle et stratégique.
1/ Un malaise entrepreneurial bien réel
Son témoignage n’a rien d’isolé. Selon une étude de Bpifrance Le Lab (2024), près de 45 % des dirigeants de PME déclarent avoir traversé une période de perte de sens au cours des deux dernières années.
2/ Le sens, moteur invisible de l’action
Le mot est partout : sens. Mais de quoi parle-t-on, exactement ? Pour un entrepreneur, le sens se joue à trois niveaux :
- Personnel : ce qui fait écho à ses valeurs, ses aspirations profondes.
- Collectif : l’utilité de son entreprise pour ses équipes, ses clients, la société.
- Stratégique : la cohérence entre le projet, le marché et la mission.
Lorsque l’un de ces trois piliers vacille, l’équilibre se fragilise. L’entrepreneur peut alors ressentir une perte de repères, un “vide directionnel”.
Selon Malakoff Humanis (2023), 64 % des dirigeants se sentent “isolés” dans leurs décisions. Cet isolement amplifie les doutes, parfois jusqu’à l’épuisement.
3/ La quête de sens, pas qu’une affaire de génération
Contrairement aux idées reçues, la quête de sens ne concerne pas seulement les jeunes fondateurs. Beaucoup de dirigeants expérimentés traversent ce questionnement après 10 ou 15 ans d’activité. Et les chiffres le prouvent : selon l’Observatoire de l’Entrepreneuriat à Impact (2024), 72 % des entrepreneurs français souhaitent intégrer une dimension sociétale ou environnementale à leur modèle économique, quitte à ralentir leur croissance.
Cette quête de sens devient même un avantage compétitif : d’après France Stratégie (2024), les entreprises à mission affichent une croissance moyenne 14 % supérieure à celles qui ne le sont pas.
4/ Le désalignement, première alerte
La perte de sens ne surgit pas du jour au lendemain. Elle s’installe, subtile, à travers des signaux souvent négligés :
- Fatigue émotionnelle
- Perte d’enthousiasme
- Difficulté à se projeter
- Impression d’être “à côté” de soi-même
5/ Reprendre souffle : l’art du recul
Redonner du sens commence souvent par une décision simple et courageuse : ralentir. Dans un quotidien saturé d’urgences, s’accorder un pas de côté devient un acte stratégique. Une étude du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD, 2023) révèle qu’un entrepreneur sur trois a déjà pris une pause volontaire pour repenser son modèle. Et parmi eux, 80 % ont redéfini leurs priorités ou modifié leur stratégie dans l’année qui a suivi.
« Le recul permet de retrouver du sens, de distinguer ce qui est essentiel de ce qui est accessoire. »
Cinq leviers pour redonner du sens à son projet
1. Revenir à sa mission d’origine
Pourquoi ai-je créé cette entreprise ? Quelle vision, quelle envie était à la source ? Relire ses carnets, ses premières notes, son business plan initial peut réveiller une boussole intérieure.
2. Faire vivre ses valeurs
Le sens se nourrit de cohérence. Lorsque les valeurs se traduisent dans les décisions : recrutement, partenariats, innovation… le dirigeant retrouve un sentiment de justesse.
Certaines PME créent une charte éthique participative, écrite avec les équipes, pour que les valeurs soient vécues, pas seulement affichées.
3. Partager la vision avec ses équipes
Le sens ne se décrète pas, il se partage. D’après une étude Gallup (2024), les collaborateurs qui perçoivent la mission de leur entreprise comme “porteuse de sens” sont 2,5 fois plus engagés et 3 fois moins susceptibles de quitter leur poste.
4. Oser le virage à impact
De plus en plus d’entreprises redéfinissent leur modèle autour d’une mission sociale ou environnementale : économie circulaire, inclusion, innovation responsable… Les entreprises à mission enregistrent un taux de fidélisation client supérieur de 20 % à la moyenne (Impact France, 2024).
5. Se faire accompagner
Le sens se reconstruit rarement seul. Coachs, mentors, pairs, psychologues du travail ou réseaux d’entrepreneurs (CJD, Réseau Entreprendre, Bpifrance) offrent des espaces de recul et d’alignement précieux.
6/ Vers un nouvel entrepreneuriat plus conscient
Longtemps, l’entrepreneur a été présenté comme un héros solitaire, prêt à tout sacrifier à la réussite. Mais ce modèle s’essouffle. Une nouvelle génération, plus consciente, plus équilibrée, redéfinit la réussite autour du “juste” plutôt que du “plus”. De plus en plus de fondateurs revendiquent un slow entrepreneuriat, une gouvernance partagée ou un modèle d’entreprise à impact.
Leur ambition : allier performance et contribution, sans renoncer à leur humanité.
7/ Retrouver la boussole intérieure
- (Re)donner du sens à son projet, c’est accepter de se poser des questions essentielles :
- Suis-je encore en accord avec ma mission ?
- Mon entreprise contribue-t-elle à quelque chose qui me dépasse ?
- Si je devais tout recommencer, referais-je les mêmes choix ?
Ces questions, loin d’être des signes de faiblesse, marquent une maturité entrepreneuriale. Elles traduisent le passage d’un entrepreneuriat de réaction à un entrepreneuriat de conscience.
Au fond, le sens n’est pas un objectif figé, mais une boussole vivante, qui évolue avec le dirigeant, son équipe et son époque.
C’est ce mouvement, cette recherche constante d’alignement, qui redonne souffle et profondeur à l’acte d’entreprendre.
