Le piège des clauses statutaires illicites

Parce que le droit évolue au rythme des réformes mais aussi de l’interprétation de la jurisprudence, nombre de clauses statutaires aujourd’hui en application sont susceptibles d’être reconnues non écrites. Que faire pour éviter de s’enferrer dans le piège qu’elles représentent ?

Du fait de la large diffusion de modèles de statuts notamment par Internet, il est aisé de constituer une société en s’inspirant plus ou moins servilement de statuts trouvés au hasard des lectures. Or certains peuvent contenir des dispositions illicites, notamment pour les SAS pour lesquelles la liberté de rédaction a poussé, par le passé, à adopter des clauses par la suite sanctionnées. La jurisprudence estivale nous donne une illustration de la prudence nécessaire à adopter dans une telle situation.

Dans deux arrêts du 23 juillet 2013 concernant la sanction de l’exclusion d’un associé sans que celui-ci n’ait pu prendre part au vote, la Cour de cassation a confirmé une position déjà ancienne, mais de façon inédite est venue préciser la portée de la sanction qui pèse sur une disposition statutaire illicite.

L’article 1844-10 du code civil rappelle que toute clause statutaire contraire à une disposition impérative est réputée non écrite. La portée de la sanction est grande, car ce n’est pas seulement la disposition illicite qui est atteinte, mais l’ensemble de la clause.
Un tel constat s’impose au juge qui ne peut donc écarter la disposition litigieuse et appliquer le reste de la clause, mais aussi interdit aux associés d’écarter eux-mêmes ladite disposition non écrite.
Au cas d’espèce, le dirigeant avait proposé à l’associé dont l’exclusion était prévue de prendre part au vote alors que les statuts l’en écartaient expressément : une telle proposition ne pouvait être valablement émise car elle revenait à modifier les statuts, ce que seule la collectivité des associés pouvait décider mais ce préalablement à l’assemblée.

Concrètement, on ne peut valablement constater en cours d’assemblée générale qu’une disposition statutaire incluse dans une clause que l’on envisage de mettre en œuvre est de nature à être réputée non écrite et décider de l’écarter.
Il est impératif au contraire de rejeter la résolution proposée puis, dans une nouvelle assemblée, modifier les statuts selon les règles de majorité applicables (en l’espèce s’agissant d’une SAS, la modification de la clause d’exclusion nécessite l’unanimité) pour ensuite, une fois ces modifications rendues opposables, se prononcer sur la résolution initialement envisagée.

Inutile encore de demander au juge de déclarer une clause non écrite pour que celle-ci soit écartée des statuts. La Cour de cassation vient de rappeler, dans l’un des deux arrêts, que le pouvoir de modifier les statuts appartient aux associés et à eux-seuls. Le juge, qui ne peut se substituer à la collectivité des associés, ne peut que statuer sur les conséquences de l’illicéité d’une clause statutaire, à savoir la nullité pure et simple des résolutions prises en leur application.
Dans les arrêts de juillet, la conséquence était la réintégration au capital de l’associé exclu par le premier vote.

La prudence est de mise face à des statuts anciens, ou issus sans vérification d’une base de données : inutile de se précipiter, la mise en conformité des statuts doit d’abord être menée pour ainsi sécuriser les décisions à intervenir. Il peut être opportun aussi, pour éviter d’être pris au dépourvu dans l’urgence, de faire relire ses statuts sous l’œil de la jurisprudence la plus récente.

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