Nomadia, l’éditeur français de solutions de mobilité SaaS pour les professionnels itinérants

Interview de Fabien Breget, fondateur et PDG de l’entreprise Nomadia, nous livre ses secrets pour concurrencer les leaders mondiaux.

Comment vous est venue l’idée de Nomadia ?

J’ai d’abord dirigé plusieurs sociétés mais j’avais le désir de réaliser un projet entrepreneurial et donc d’être entrepreneur. J’avais envie d’être davantage aux commandes dans l’actionnariat et impliqué dans un projet entrepreneurial. Une opportunité s’est présentée pour le rachat d’une première entreprise qui évoluait dans l’informatique, domaine qui est ma passion. Elle proposait des solutions qui étaient plutôt en B2B et l’entreprise, dans laquelle je travaillais, évoluait également avec ce type de client. Surtout, j’ai eu un bon feeling avec le cédant et l’entreprise. Nous nous sommes souvent rencontrés et ce rachat a pris sens.

Il s’agissait aussi d’un marché porteur, celui du Field Service Management (FSM), en forte croissance actuellement. L’activité repose sur des solutions pour la gestion des professionnels itinérants (commerciaux, techniciens, livreurs…). Je trouvais intéressant de se lancer dans des solutions innovantes sur un marché en croissance. Quand on parle d’innovation sur ces marchés, on trouve des applications mobiles pour les professionnels sur le terrain, des technologies d’intelligence artificielle, de réalité virtuelle. C’est un marché qui va continuer à s’appuyer sur tout ce que la technologie peut apporter pour soutenir la productivité des collaborateurs, les utilisateurs sur le terrain.

Le dernier axe qui m’a attiré, c’était le fait de travailler avec des professionnels itinérants qui sont nos utilisateurs et de les aider à réduire les coûts liés à leurs déplacements. Il y avait une dimension RSE parce que nous aidons vraiment les entreprises à être davantage éthiquement responsables, à faire moins de déplacements parce que nous optimisons les prises de rendez-vous par exemple ou encore les itinéraires et les tournées. Au final, nos clients réduisent leurs émissions de CO2 en cette période de transformation de la planète. Nous lions à la fois l’innovation technologique, les environnements IT et une approche très orientée RSE.

Quand est-ce que vous avez créé Nomadia ?

La marque Nomadia a été créée en 2021. Il y a eu plusieurs rachats d’entreprises et, à un moment donné, il était plus simple de changer le nom de toutes les entreprises et de tout fédérer autour d’un seul projet commun afin de mettre tous les savoir-faire ensemble. Il faut dire que nous en avions racheté une en 2020, une autre fin 2020 et une troisième en 2021. La création de la marque est intervenue au moment du rachat de la troisième société. Pour la petite histoire, son nom a été créé par les salariés, vers qui nous nous sommes tournés pour le choisir !

Avant, vous étiez dans le domaine des hautes technologies ?

Oui, j’ai réalisé mon parcours dans les hautes technologies et les services informatiques pour les entreprises. J’ai travaillé dans l’outsourcing de la paie dans le plus grand groupe mondial, chez ADP, Automatic Data Processing. J’ai travaillé ensuite dans un autre domaine mais l’essentiel de ma carrière s’est réalisé là-bas puisque j’y suis resté 17 ans où j’étais CEO d’ADP Italie. L’outsourcing de paie, ce sont des solutions technologiques au service des entreprises. Même si la paie n’est pas un service qui fait rêver au premier abord, c’est un domaine porteur d’innovations : il existe une complexité relativement forte dans les calculs de paie avec des réglementations qui changent en permanence. Ce sont des entreprises qui fournissent du service à d’autres entreprises et dont la qualité en est le pivot.

Qu’est ce qui vous a donné envie de sauter le pas, de créer la boîte plutôt que de continuer dans des groupes ?

J’ai toujours été entrepreneur même quand je travaillais dans des grands groupes. J’ai occupé des positions de direction et, je dois le reconnaître, ma nature d’hyperactif fait que j’aime prendre des décisions et faire avancer les projets tout en développant les organisations. Je suis toujours en train d’imaginer plein de choses, ce qui correspond à un profil entrepreneurial. Après avoir réussi au sein d’entreprises, j’avais cette volonté de sauter le pas. Je ne faisais que reproduire des succès passés en améliorant parfois le business model mais il fonctionnait déjà. J’ai donc voulu avoir un peu plus de créativité dans mon nouveau poste et être davantage entrepreneur. L’opportunité de business s’est présentée et je l’ai saisie.

Il faut dire que nous arrivons à une période où de nombreux entrepreneurs partent à la retraite. Il y a un changement de génération, avec des babyboomers qui partent à la retraite depuis une dizaine d’années et des départs en cours. Nous avons besoin de forces vives pour reprendre leur activité, sans quoi les entreprises s’arrêtent. J’avais envie d’être un peu dans cette continuité et d’apporter mon savoir-faire à des entrepreneurs qui voulaient arrêter.

Qu’est-ce que fait aujourd’hui Nomadia ? Que faisiez-vous au début ?

Le hasard, c’est que la première entreprise avait une activité qui était assez proche de ce que nous faisons aujourd’hui, qui était déjà dans les solutions pour les professionnels itinérants et dans les trois secteurs de professionnels itinérants que nous ciblons aujourd’hui, c’est-à-dire les techniciens, les chauffeurs-livreurs et les commerciaux. Les autres entreprises, qui ont été rachetées, ont apporté un peu plus d’expertise, entre autres, pour les commerciaux.

La deuxième société avait une solution assez haut de gamme et beaucoup plus utilisée dans le monde du retail, ce qui a renforcé notre portefeuille produit. La troisième société a, quant à elle, apporté une composante supplémentaire qui était utile aux deux premières : l’optimisation de tournées avec des solutions d’intelligence artificielle. Cela a permis d’ajouter cette technologie dans les produits des deux premières sociétés. Il y a eu un effet positif transversal sur l’ensemble du parc client et nous avons pu leur proposer ainsi l’optimisation de tournée à 360 degrés.

La quatrième société, qui a été rachetée au mois de juillet dernier, a mis une autre composante intéressante qui est celle des solutions mobiles, principalement pour les techniciens, pour la protection du travailleur isolé ou PTI. Ce sont des logiciels qui permettent d’identifier des chutes, de déclencher des alertes et de les traiter en cas d’incident.

Quelles ont été les grandes étapes depuis la création de la boîte ?

Les grandes étapes, ce sont à la fois les étapes d’acquisition de toutes les sociétés, juillet 2020, décembre 2020, avril 2021 et juillet 2022 et la création de la marque Nomadia avec le lancement devant la presse en septembre 2021. Nous avons réuni dans un grand hôtel des journalistes et nous leur avons expliqué que nous regroupions les sociétés, leurs savoir-faire et que nous lancions le premier éditeur français de solutions SaaS pour les professionnels itinérants. C’était un moment clé du positionnement de la marque et de mise en commun de nos savoirs.

Autre période charnière, celle au cours de laquelle nous avons lancé l’entité en Italie, en février 2022. Nous avons souhaité un manager pour l’Italie et nous avons recruté quelqu’un sur place, qui a créé la société juridique et lancé le marché italien. Nous étions déjà présents dans 5 autres pays, mais l’ouverture de l’Italie me semblait une évidence. Mon histoire, c’est d’avoir vécu 17 ans en Italie alors j’avais envie d’y retourner, d’utiliser mon réseau et comme j’ai dirigé ADP en Italie, j’avais un carnet de contacts clients et d’anciens collaborateurs. J’ai pu faire levier là-dessus.

Y-a-t-il eu d’autres étapes ?

Après, il y a aussi une étape de recrutement de qualité. Il est important de s’entourer de personnes très expertes, puisque les cédants des entreprises sont tous partis au fur et à mesure. En général, ils cèdent et puis ils partent à la retraite dans les six à douze mois.

J’ai recruté deux seniors managers, dont un qui était mon CTO quand j’étais chez ADP. Il était devenu CTO de CEGID quand il nous a rejoints. C’est une personne qui a géré de grandes équipes et qui est vraiment experte dans tous ces aspects solution SaaS, la sécurité, la qualité des développements. C’était donc un renfort crucial qui s’est opéré en avril 2021. On peut citer d’autres recrutements comme celui de Patrick Tellouck, qui a pris la direction de la division Field Sales, la gestion des solutions pour les commerciaux, et qui avait une grande expertise dans la GMS et le conseil en organisation de force commerciale.

Quels vont être vos grands défis à venir ?

D’autres acquisitions vont arriver pour renforcer notre position de leader français et devenir leader européen d’ici trois à cinq ans. Nous voulons être une alternative aux grands acteurs américains que sont Salesforce, IFS ou Oracle. Les défis sont donc de devenir un vrai concurrent français, leader dans notre secteur d’activité, de continuer à innover pour garder ce pas d’avance sur ces grands monstres américains qui sont certes plus gros que nous mais qui n’ont pas forcément des produits plus riches fonctionnellement.

Le développement international constitue un des grands défis avec des acquisitions qui vont se réaliser partout en Europe. Nous sommes déjà présents aux USA, mais nous souhaitons continuer à nous développer là-bas avec une présence physique, qui va être renforcée dans les prochains mois. Et c’est déjà pas mal !

Quelle est la plus grande difficulté que vous avez rencontrée et comment vous l’avez surmontée ?

Le plus grand challenge ? La charge de travail, c’est quand même un énorme challenge parce que, quand nous rachetons beaucoup d’entreprises, ce sont à chaque fois des process chronophages. Acquérir le lien avec tous les clients que nous reprenons, cela demande aussi un effort et du temps. Après, dans le rôle du dirigeant, parfois, il y a un peu de solitude. Il faut prendre parfois des décisions difficiles et il faut compter sur soi, avoir confiance dans nos choix, savoir aussi s’entourer et ne pas hésiter à demander de l’aide autour de soi, notamment à ses managers sur les décisions à prendre. La plus grande difficulté reste souvent qu’on est pris par le temps. On a envie de réaliser beaucoup de choses mais on en manque.

« Après, il y a aussi une étape de recrutement de qualité. Il est important de s’entourer de personnes très expertes, puisque les cédants des entreprises sont tous partis au fur et à mesure. »

Fabien Breget

Est-ce que vous avez des associés ?

Oui, mes associés sont des investisseurs privés dont l’expérience professionnelle est particulièrement étoffée. Ce ne sont pas des salariés mais ils peuvent être une vraie force de proposition. Parfois, il y a des difficultés, par exemple sur les process d’acquisition ou post acquisition, sur lesquels ils peuvent nous aider car il y a souvent des surprises. II y a toujours des choses qu’on découvre a posteriori et il faut s’adapter. Cela reste de l’ordre du normal.

Qu’est-ce qui fait aujourd’hui que vous décidez de racheter telle ou telle entreprise ?

Il y a deux critères : le premier, l’apport d’une composante technologique que nous n’avons pas. Nous regardons des sociétés en ce moment qui ont des composantes technologiques complémentaires pour offrir plus de valeur ajoutée à nos clients. Parfois, plutôt que de développer de zéro une nouvelle technologie, une nouvelle innovation, nous allons l’acquérir. Si nous pouvons prendre les meilleurs produits sur le marché et les intégrer à nos solutions, cela reste toujours une opportunité. C’est une première raison qui motive l’acquisition.

La deuxième, c’est ouvrir un secteur territorial complémentaire, donc une expansion géographique. L’acquisition peut se faire pour une nouvelle verticalité dans un produit et entrer dans une niche particulière. Par exemple, nous décidions d’entrer dans la niche de l’optimisation de tournées du traitement des déchets. Nous avons des produits aujourd’hui qui sont capables de traiter cela, mais nous n’avons pas le produit qui est complètement verticalisé dans la gestion des traitements des déchets. Donc nous pourrions acheter l’entreprise dans ce secteur par exemple. Cela reste juste un exemple pour illustrer mes propos.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris depuis le début, depuis que vous avez créé votre entreprise ?

Je dirais l’adhésion des collaborateurs au projet Nomadia. Cela m’a surpris dans le sens positif et c’est extrêmement encourageant. Cela fait vraiment très plaisir de voir qu’il y a une vraie cohésion et que nous avons réussi à imprégner une image de marque et une volonté de développer des solutions de plus en plus orientées RSE. Il y a un vrai projet d’entreprise qui s’est créé même si les collaborateurs avaient une histoire dans leur entreprise passée. Cela ne veut pas dire qu’ils l’ont oubliée : ils sont fiers de ce qu’ils ont fait auparavant.

Cependant, ils sont aussi fiers d’intégrer un nouveau groupe et d’avoir un projet commun. La facilité aussi avec laquelle les collaborateurs qui venaient d’horizons et d’entreprises différents se sont mis à travailler ensemble m’a surpris. C’était une source de satisfaction. Nous avons réalisé pas mal d’événements ensemble pour y arriver au travers aussi de conférences en  » visio « . Tous les mois, je communique par exemple avec tout le monde. Les managers interviennent aussi pour raconter un peu ce que nous avons fait ou ce que nous sommes en train de faire ou simplement faire un point sur où nous en sommes. Il y a beaucoup de communication. Les succès, les afterwork aussi, c’est toujours sympathique ! Nous passons de bons moments ensemble et nous essayons de fêter les succès de l’entreprise.

Est-ce qu’il y a un point que je n’ai pas abordé et que vous souhaitez aborder ?

Je suis très attaché au fait qu’en France, nous avons beaucoup de savoir-faire et je pense qu’il faut faire l’effort de créer les leaders français de demain. Il faut essayer de se regrouper parfois avec des entreprises, parce qu’il faut faire face à des mastodontes. Il faut prendre en compte qu’il y a quand même une difficulté technologique qui augmente en permanence et un défi pour sécuriser de plus en plus les applications. Pour cela, il est nécessaire d’avoir des capacités d’investissement très fortes en sécurité ou en cybersécurité, il est donc incontournable d’être assez grand pour pouvoir avoir les reins solides et affronter la concurrence.

L’entraide entre entrepreneurs est importante et nous pouvons nous aider à créer des futurs leaders de demain au niveau international. Je pense que nous devons aider les entreprises à devenir demain des fleurons français. J’espère que demain Nomadia, enfin j’en suis sûr, sera un des futurs fleurons dans les solutions mobiles, au niveau international, pour les professionnels itinérants. 

« Cela fait vraiment très plaisir de voir qu’il y a une vraie cohésion et que nous avons réussi à imprégner une image de marque et une volonté de développer des solutions de plus en plus orientées RSE. »

Fabien Breget

3 Conseils de Fabien Breget

  1. Prendre des risques parce qu’il ne faut pas avoir peur, aller de l’avant. Par exemple, l’acquisition, parfois, cela peut faire peur, mais je pense qu’il faut se mettre en difficulté pour progresser. J’ai personnellement toujours pris des risques dans ma carrière, c’est-à-dire que quand il y avait des projets difficiles, je n’hésitais pas à dire « Moi, je veux bien le faire. » C’est comme cela que nous progressons. C’est en réalisant des choses difficiles et en sortant de sa zone de confort que nous avançons et que nous faisons évoluer l’entreprise.
  2. Savoir s’entourer. Il ne faut pas hésiter, surtout en phase de croissance, à recruter des gens à la hauteur de nos ambitions et prendre des personnes meilleures que soi dans chacun des domaines d’activité. Il est indispensable d’avoir de bons directeurs. Par exemple, même si j’aime le marketing car cela m’intéresse et que je ne suis pas mauvais dedans, il y a des personnes qui sont meilleures que moi dans le domaine. Ma fonction est de les accompagner, de donner des idées, de conseiller, mais il faut savoir accepter de mettre en place des personnes plus douées que soi.
  3. Le dernier conseil, ce serait de bien communiquer. Il ne faut pas s’enfermer dans une tour d’ivoire et communiquer beaucoup à la fois sur nos stratégies, nos ambitions ou nos difficultés. 
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