Interview de Laurent Lévy, Président Optical Center

Optical Center se positionne comme la cinquième enseigne d’optique en France et comme la spécialiste de l’audition. Pour son président Laurent Lévy, le pari du luxe aux prix les plus bas du marché est gagné. Retour sur une aventure pleine de succès.

Qu’avez-vous fait avant de créer votre entreprise ?

Après avoir obtenu mon baccalauréat en 1984, j’ai commencé par suivre (et eu la chance de rater) les deux premières années de médecine. J’ai ensuite entrepris trois années d’optique en alternance et j’ai obtenu le diplôme d’opticien lunetier en 1989 à l’AEPO (ndlr : Association pour l’Enseignement Privé de l’Optique), un CFA de l’optique. Un an plus tard, j’ai décidé de partir en Israël prendre un peu l’air et apprendre la Torah et l’hébreu. J’y ai également étudié l’optométrie, une discipline qui consiste à prendre les mesures de la vision pour ensuite faire concevoir des lunettes ou lentilles de contact. Puis, je suis revenu en France en 1991 et j’ai ouvert mon premier magasin à Boulogne-Billancourt. Ce magasin, j’ai eu l’impression de le créer comme si j’en avais ouvert mille. J’ai écouté les gens et cherché à répondre à leurs attentes. J’ai alors réalisé que je voulais évoluer en faisant de la bonne qualité à faible coût. D’habitude, nous avons soit l’un, soit l’autre. J’ai énormément réfléchi pour savoir comment monter en gamme en restant bon marché. C’est le challenge que je me suis donné.

Le développement s’est-il opéré rapidement ?

En 1992, j’ai ouvert un second magasin. Puis en 1994, un troisième et ainsi de suite. Tout cela s’est par la suite accéléré. Des franchises internes sont nées, elles ont permis d’alimenter et de développer le réseau. La première franchise a vu le jour à Rouen en 1997. Et l’année 2000 marque le début du développement à l’international avec une ouverture en Belgique. Nous sommes désormais présents  en Europe, au Luxembourg, en Belgique, en Suisse et en Espagne, ainsi qu’en Israël.  En 20 ans, nous avons ouvert  près de 480 points de vente, dont 467 en France. L’objectif demeure de devenir numéro un en France d’ici 2020. Nous réalisons également des tests à l’étranger afin de voir si notre concept est exportable et faire de cette perspective un relais de croissance pour l’après 2020.

Avez-vous mis une stratégie particulière en place ?

Oui, bien sûr, dès le départ ! Au-delà des stratégies de communication classiques (brochures dans les boîtes aux lettres, radio, affichage, etc.), dès la première ouverture, j’ai mis par écrit mon concept (la façon d’accueillir le client, de le guider dans la boutique,…) afin de le transmettre à mes collaborateurs. Autrement, notre stratégie consiste avant tout à miser sur l’humain et l’équipe. Je crois sincèrement qu’on a tendance à trop se sous-estimer. Chacun est capable de faire beaucoup plus que ce qu’il croit. Il suffit d’arriver à voir dans l’autre ce qui lui manque pour pouvoir l’aider à y parvenir. Une fois que cette personne est, en quelque sorte, « débloquée », elle se rend compte de ses capacités. Ensuite, tout est possible ! Il faut réussir à découvrir le potentiel de l’autre et arriver à le développer. J’ai eu la chance d’avoir cette faculté pour créer une dynamique et instaurer la confiance avec mes collaborateurs. Notre stratégie est vraiment basée sur le collégial et tous ensemble, nous menons l’entreprise vers le haut.

Et pour le financement ?

Mes parents m’ont prêté 50 000 euros (ndlr :400 000 francs de l’époque). J’ai également demandé et obtenu un prêt complémentaire auprès de la banque. J’ai remboursé mes parents en quelques années et la banque en 9 ans. Puis, j’ai demandé un second prêt, puis un troisième, pour ensuite en arriver à l’autofinancement. N’ayant pas choisi l’option de l’ouverture de capital, je n’avais pas le choix. Je ne voulais pas qu’il y ait d’actionnaires dans l’entreprise afin de rester libre. Actuellement, je suis toujours le seul actionnaire de la société. Je n’envisage pas de lever des fonds car il n’y a pas de motifs. J’aime cette liberté. Alors pourquoi faire rentrer le loup dans la bergerie ?

Comment avez-vous réagi face à l’émergence du web ?

Quand j’ai démarré mon activité en 1991, Internet n’existait pas. Mais j’ai su qu’il ne fallait pas passer à côté et nous avons été la première enseigne d’optique à lancer notre site de vente en ligne en 2007. Aujourd’hui, la concurrence est omniprésente. Nous demeurons néanmoins le seul réseau d’optique à vendre sur Internet toutes les marques de lentilles, de lunettes de soleil, de montures et de verres optiques disponibles en magasin. Bien qu’elle constitue notre plus important magasin, la vente en ligne ne représente qu’environ 1 % de notre chiffre d’affaires, ce qui reste très faible proportionnellement. Les gens ont toujours l’habitude d’acheter leur paire de lunettes chez l’opticien.

A partir de quel moment avez-vous senti que cela a commencé à bien marcher ?

Dès le premier jour ! Il y avait la queue dehors à l’ouverture de notre premier magasin. Il fallait qu’un client sorte de la boutique pour en laisser entrer un autre. La manière dont s’est opérée cette réussite est assez extraordinaire. Je détiens 100 % de la société, ce qui en principe n’existe pas dans l’univers de l’optique. Je pense que notre réussite repose sur notre dynamisme. Elle permet aux collaborateurs de s’épanouir pleinement. Des séminaires réguliers sont mis en place, les collaborateurs sont écoutés,  les avis de chacun sont pris en compte, de nombreuses formations sont dispensées…

Avez-vous rencontré des difficultés au cours de cette aventure ?

En réalité, j’ai été confronté non-stop à des difficultés. Elles se sont parfois révélées très contraignantes, mais finalement, tout s’est fait très facilement ! Il y a des portes qui se ferment, mais toujours une autre qui s’ouvre. Ou bien on reste bloqué sur celle qui est fermée, ou bien on regarde les opportunités du côté de celle qui s’est ouverte. Personnellement, j’ai tendance à toujours voir le verre à moitié plein. Pourtant, nous avons connu des périodes extrêmement difficiles : nous avons été boycottés par des concurrents, nous nous sommes retrouvés en procès contre d’autres, des marques ne voulaient pas faire affaire avec nous du fait que nous ne vendions pas assez chers nos produits, de la calomnie, de la médisance… Je crois que j’ai tout eu, tout ce qu’il est possible d’avoir. Mais nous savons rebondir et c’est cela qui est important.

Quelle part accordée à l’innovation ?

C’est primordial pour nous ! J’ai lancé mes propres marques de lunettes et de lentilles de contact au début des années 2000, que nous vendons aujourd’hui en exclusivité dans nos magasins (Lukkas, Easylens, Filium, Oscar Version, Level,…). Nous sommes également la première enseigne d’optique à nous être positionnés sur l’audition en 2007. 390 magasins proposent désormais cette activité. J’ai même créé ma propre marque d’équipement auditif, OuieZen. Et en avril dernier, nous avons été les premiers à inaugurer une clinique de chirurgie réfractive en France. Cette dernière a ouvert ses portes au sein de la ville de Lyon. Nous sommes équipés d’un matériel de dernière génération et pratiquons des interventions, qui sont réalisées par des chirurgiens ophtalmologistes. Il faut sans cesse savoir se renouveler et anticiper la demande pour pouvoir répondre aux besoins et aux attentes des clients.

Pour vous, qu’est-ce que l’entrepreneuriat ?

Une capacité à transmettre et à faire grandir l’autre. La liberté de mettre en pratique ses idées pour le bien d’autrui, pour le bien du consommateur, de ses partenaires ou de ses clients. à travers les différents systèmes que j’ai pu observer : le communisme, la monarchie, le capitalisme…, j’ai pu constater que l’on est en train de revenir à un modèle où chacun veut être patron de son département. Les dirigeants d’entreprise devraient, selon moi, mettre en place ce système-là. Chez Optical Center, il y a plus de 2 600 patrons ! J’ai besoin que chacun soit responsable au sein de son atelier. Je pense que nous tendons de plus en plus vers ce type de modèle. Chacun va devenir entrepreneur de son espace. L’ancien modèle où nous sommes le salarié, le chef, le grand chef etc, c’est terminé. Nous nous trouvons désormais au sein d’une hiérarchie horizontale. Nous sommes interdépendants et avons tous besoin les uns des autres afin que chacun puisse réussir dans le domaine qui lui correspond.

Quel regard portez-vous sur votre marché aujourd’hui ?

Ce marché est très porteur ! Il évolue chaque année, et même s’il s’avère légèrement en perte, il continue de se transformer. Et puis, les gens auront toujours besoin de lunettes. Il reste donc extrêmement concurrentiel. S’il n’était pas bon, il n’y aurait pas autant d’acteurs.

Quelles sont vos perspectives de développement ?

En ce moment, nous ouvrons en moyenne un magasin toutes les semaines, ce qui demande déjà beaucoup de travail. Pour aller plus loin, l’un de nos principaux objectifs repose sur le recrutement d’audioprothésistes afin d’étendre cette activité à l’ensemble de nos boutiques. Nous ambitionnons également de devenir le numéro un en France d’ici 2020. En tout cas, nous allons tout faire pour tenir cet engagement.

Les 4 Conseils de Laurent Lévy

« Il y a des portes qui se ferment mais toujours une autre qui s’ouvre. Ou bien on reste bloqué sur celle qui est fermée, ou bien on regarde les opportunités du côté de celle qui s’est ouverte. »

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