« La langue de bois » ou « parler vrai » en entreprise

Les expressions « langue de bois » et « parler vrai » sont le reflet des réalités de l’entreprise. Elles ont fait leur apparition dans les années 1980. Le discours des managers se trouve sous le joug des contraintes du travail, des transformations de l’organisation et des changements entre autres. Le manager occupe souvent une position difficile. En effet, il n’est pas censé communiquer sur des faits qu’il connaît. Il doit donc utiliser les méandres du langage pour ne pas dévoiler certaines décisions. Focus sur ces deux expressions.

La langue des bois : qu’est-ce que c’est ? 

Rappelons la définition du Larousse : « La langue de bois est une manière rigide de s’exprimer qui use de stéréotypes et de formules figées et qui reflète une position dogmatique. ». La langue de bois est la conséquence de ce qu’il est interdit de dire de manière explicite selon les directives impulsées par la direction ou de préciser une situation de peur de créer un mouvement de panique parmi les collaborateurs et qu’ils se désengagent dans les missions qu’ils sont en train d’accomplir. Elle est utilisée pour limiter une prise de risques. C’est aussi le droit d’exprimer ses doutes et donc de ne pas utiliser cette langue de bois qui est souvent nuisible aux relations dans l’entreprise. « Appeler un chat, un chat se révèle souvent difficile. »

Quant au parler vrai, cette expression grammaticalement incorrecte n’est pas tout à fait équivalente à « dire la vérité ». La définition du Larousse est : « Manière sincère et simple de s’exprimer, notamment dans le domaine politique ; authenticité, franchise. »

Comment repérer la langue de bois ?

La langue de bois peut se détecter par une tournure impersonnelle. La phrase est sans sujet défini et souvent à l’infinitif. Elle a pour caractéristique de ne désigner personne. On la retrouve constamment dans les écrits professionnels. L’emploi de la forme passive permet de ne pas dire qui fait quoi et qui a fait quoi. Les nouvelles orientations ont été présentées par le manager… et qui se trouve derrière le manager ?

Elle peut se voir au travers du nom et l’adjectif, qui dans les équipes, se traduisent dans les rumeurs qui circulent : « il a employé de grands mots pour dire licenciement économique, départ volontaire pour ne pas dire plan social ».

Le locuteur peut aussi s’imposer pour introduire son discours ou pour interrompre le discours de l’autre : « si vous me permettez », « j’aimerais vous dire », « je me rends bien compte que… mais, vous vous adressez à un convaincu mais … ».

Autre possibilité. L’énoncé consensuel qui oblige tout le monde à être d’accord même si les interlocuteurs pensent que la partie est perdue. « Mettons toutes nos capacités pour conquérir la clientèle. »

Une langue de bois plutôt classique

L’entreprise se trouve toujours confrontée au fait de faire face à des réalités dont elle ne peut pas parler parce que le temps n’est pas encore propice. La langue de bois permet de ne pas traduire de manière explicite une situation. Un exemple serait par exemple dans le mot « échec », qui sous l’influence anglo-saxonne est désormais appelé « expérience » ou « apprentissage ». On aura tendance à parler de « rebond ». 

La langue de bois permet d’écarter les jugements et les a priori . Elle a dans ce sens une portée positive. Dès qu’une réalité est jugée difficile, les euphémismes et les oxymores pleuvent, comme si ne pas prononcer le mot qui effraie pouvait effacer la réalité et donc on essaie souvent de diminuer l’impact pour écarter la souffrance.

A force de ne plus appeler les choses par leur nom

Oui mais à force de ne plus appeler les choses par leur nom, non seulement on occulte la réalité, mais on ne prépare pas ses interlocuteurs à l’affronter et quand le précipice est là ils sont incapables de le vivre et ils n’ont pour seule échappatoire que le burn-out. Il ne s’agit pas d’endormir ses interlocuteurs, mais de les éclairer et de les aider à penser, à distinguer. Cela suppose d’être à l’écoute des collaborateurs.

Les salariés sont de plus en plus formés et informés. Pourtant, les adeptes de langues de bois croient encore dans leur toute-puissance et tablent toujours sur la crédulité des récepteurs, alors que tout démontre le contraire…

La langue de bois pour éviter les conflits

Selon Nicole d’Almeida Professeure en sciences de l’information et de la communication au Celsa, Chercheure au GRIPIC pour les cahiers de l’AFCI : « Sur le plan positif, la langue de bois peut être envisagée comme permettant la pacification des échanges. L’euphémisation, le lissage de certains discours peuvent prévenir ou désamorcer des conflits. Il y a une dimension diplomatique dans la langue de bois. Il peut y avoir un côté positif à introduire un certain ordre dans une situation de désordre ou de conflit plus ou moins avérés. Sans que personne ne soit vraiment dupe, c’est une manière de garder le contact, donc de prévenir un conflit ouvert. C’est peut-être de l’hypocrisie, mais un échange minimal avec un vocabulaire minimal peut permettre de faire tenir quelque chose qui ne tient plus. C’est un artefact, qui peut être utile à la survie de la relation. »

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