Interview de Céline Lazorthes, fondatrice du service de collecte d’argent pour toutes les dépenses à plusieurs, Leetchi.
Comment avez-vous eu l’idée de Leetchi ?
Lors de ma dernière année à HEC, j’étais chargée d’organiser le week-end d’intégration de la promo. Je suis allée collecter l’argent nécessaire avec ma petite enveloppe et un fichier Excel auprès de tous mes camarades. Je me suis rendu compte à quel point il est difficile de collecter et gérer l’argent pour un groupe de personnes. L’idée m’est alors venue de créer un service qui permette de collecter de l’argent pour les dépenses communes. En faisant des recherches je me suis aperçue qu’il n’existait aucune solution de ce type.
Vous avez lancé un concept complètement innovant. Est-ce que les gens ont tout de suite cru en votre projet ?
Ma grande chance était que tout le monde a déjà vécu cette frustration d’avoir à collecter de l’argent pour un cadeau et de ne pas avoir réussi à rassembler l’ensemble de la somme. Donc tout le monde avait un a priori positif sur le concept. Après c’est sûr qu’on m’a souvent dit que je n’y arriverai pas, que c’est trop complexe, que c’est un métier de banque… Mais il y a aussi quelqu’un qui m’a dit : « C’est impossible à faire, mais si tu y arrives, tu es assise sur une mine d’or » !
Et alors, vous avez cette impression d’être assise sur une mine d’or ?
Une mine d’expérience et de passion, ça c’est sûr, et ça c’est de l’or ! Cela fait trois ans que la boîte existe et nous avons parcouru un joli chemin. Depuis trois ans, nous avons sans cesse des bonnes nouvelles qui nous font avancer et nous motivent : depuis février 2011 par exemple, nous faisons 30 % de croissance par mois ! Et puis il y a beaucoup de belles histoires d’amitiés qui sont venues étoffer l’aventure : avec Stéphanie, la responsable de la communication, nous sommes amies depuis la sixième ! Il y a aujourd’hui une vraie richesse humaine et une culture forte qui s’est créée dans l’entreprise.
Cette culture d’entreprise, comment l’avez-vous construite ?
Je ne l’ai pas construite consciemment. C’est juste un état d’esprit qui correspond à ma personnalité. Je suis par exemple quelqu’un qui aime fédérer et c’est vrai que, dans l’entreprise, nous donnons une place importante aux moments de partage entre les équipes. C’est pour cela qu’au centre de nos locaux nous avons installé un espace collaboratif pour que chaque personne puisse venir faire des pauses, échanger. C’est toujours lors d’apéros de fin de journée, lorsque les différents pôles se retrouvent et discutent, que naissent les bonnes idées qui font avancer l’entreprise !
Pourquoi avoir choisi Leetchi comme nom ?
Je voulais un nom de marque qui soit facile à retenir, court, et qui fonctionne à l’international. J’ai alors pensé aux noms de fruits. Je me suis dit qu’il y avait bien Apple et Orange, alors pourquoi pas Leetchi ? Et puis les noms de fruits ont eu l’air de leur porter chance !
Votre rôle dans l’entreprise est-il le même aujourd’hui que dans les premiers temps ?
Non, c’est vrai que mon rôle change à chaque période, en fonction des challenges. Aujourd’hui, j’ai un rôle de chef d’orchestre. Mon objectif est de porter le développement de l’entreprise sur tous les gros partenariats ou sur les ouvertures dans les pays. Mon autre rôle est de fédérer les équipes et de transmettre une vision que chacun puisse partager.
Vous développez aujourd’hui Leetchi dans plusieurs pays, quelle est votre stratégie à l’international ?
Aujourd’hui, nous sommes disponibles dans 45 pays eu Europe, aux états-Unis, au Japon et en Amérique Latine. Mais notre objectif principal est de devenir le leader européen parmi la cinquantaine de concurrents qui sont apparus depuis que nous avons lancé Leetchi. Pour cela, nous avons choisi de nous développer dans quelques pays plus particulièrement et d’y investir en relations presse et marketing. Petite particularité : les country managers travaillent au sein de l’équipe française pour s’imprégner de la culture de l’entreprise.
Les concurrents qui sont arrivés sur le marché ont-ils copié votre modèle ?
C’est difficile à dire pour tous. Pour certains, c’est évident que ce sont de stricts « copycat » en termes de service comme de positionnement. Pour d’autres, je pense qu’ils ont eu l’idée plus tard et qu’ils se sont ensuite rendu compte qu’on existait.
N’avez-vous pas peur que vos « copies » finissent par vous dépasser ? Comment faites-vous pour rester leader ?
Nous avons une vision claire de notre business : nous sommes obsédés par la qualité client et le service car nous savons que ce n’est que comme ça que nous pourrons rester à la première place. Je ne m’inquiète donc pas, car les concurrents qui nous copient ont forcément un train de retard sur nos innovations.
Vous développez de nouvelles utilisations du service je crois ?
Oui, nous venons de lancer Bankiwi, la première tirelire en ligne pour enfants. Un jour, un jeune de douze ans m’a demandé ce que je faisais comme travail. Après que je lui aie expliqué, il m’a dit que c’est exactement ça qu’il lui faudrait pour pouvoir utiliser son argent de poche pour acheter ses chansons sur Internet.
Vous avez levé en tout 5,6 millions d’euros. Est-ce que ça a été difficile ?
Non, car j’ai eu beaucoup de chance. Pour la levée de fonds d’amorçage, c’est Oleg Tscheltzoff, le fondateur de Fotolia, qui trouvait l’idée géniale et voulait absolument investir ! Puis il a convaincu Xavier Niel de le suivre ! Ensuite, pour les tours de série A et B, ce sont les chiffres qui ont parlé. Le projet était bien lancé, il y avait moins de risques. Les fonds voulaient surtout savoir quelle était ma vision du développement de Leetchi.
Est-ce que ça vous aide d’avoir des business angels si prestigieux ?
Oui, par exemple, Xavier Niel est venu tourner avec moi une petite vidéo pour annoncer le lancement de Bankiwi. Résultat : plus de 10 000 vues en 3 jours ! Avoir Xavier Niel à ses côtés, forcément ça aide un peu ! l