CIR : un dispositif efficace pour la recherche et l’innovation

Depuis la réforme du CIR en 2008, l’État investit chaque année plus de 5 milliards d’euros dans le dispositif du Crédit Impôt Recherche, qui permet aux entreprises innovantes de bénéficier d’une aide particulièrement avantageuse pouvant représenter plus de 30% des dépenses liées à leur R&D. Le CIR participe de la compétitivité économique internationale des entreprises françaises.
Bien entendu, ce dispositif déclaratif ne se limite pas au seul dépôt du feuillet fiscal consacré (Cerfa 2069A-SD) : pour bénéficier de cette aide, il faut en effet pouvoir justifier à tout moment, de manière extrêmement détaillée, de l’éligibilité des travaux, et ce jusqu’à la fin de la période de prescription fiscale.

Par Larry Perlade, fondateur de NÉVA – cabinet spécialisé en CIR, CII et statut JEI

Le CIR et le CII, pour quelles entreprises ?

Les entreprises industrielles, commerciales, artisanales et agricoles soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC et étant imposées d’après leur bénéfice réel (normal ou simplifié) peuvent bénéficier du CIR, quel que soit leur statut juridique.
Les PME au sens communautaire du terme, c’est à dire les entreprises de moins de 250 salariés, réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou dont le total du bilan est inférieur à 43 millions d’euros, et qui engagent des dépenses d’Innovation portant sur des activités de conception de prototypes ou d’installations pilotes de nouveaux produits peuvent bénéficier du CII (Crédit Impôt Innovation) en plus du CIR (Crédit Impôt Recherche). Attention, les critères de qualification d’une entreprise comme PME dépendent aussi des conditions de détention de son capital, et de son appartenance éventuelle à un groupe.

Des déclarations complexes et des critères d’éligibilité sujets à interprétation

Le Crédit d’Impôt Recherche et le Crédit Impôt Innovation sont complexes à mettre en œuvre dans un contexte législatif en perpétuelle évolution, ce qui induit de nombreux risques d’erreurs. Ces erreurs peuvent notamment découler de la méconnaissance des critères d’éligibilité, de fond comme de forme, au CIR ou au CII. En effet, en fonction des secteurs d’activité, la frontière entre les travaux éligibles et ceux qui ne le sont pas est subtile. Par ailleurs, certaines entreprises, par « excès d’humilité » ou par crainte de l’Administration, ne considèrent pas certains de leurs travaux comme éligibles alors qu’ils le sont.

Différents types de contrôles diligentés par l’Administration fiscale, le MESRI et/ou la DIRRECTE

A partir de 2008, plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour consolider et amplifier l’efficacité du CIR. Une ouverture logiquement compensée par la mise en place de nouveaux outils de contrôle par l’Administration, afin de mieux maîtriser le volume de la dépense publique. Longtemps, le contrôle fiscal général de comptabilité – à la fois lourd pour l’Administration et pesant pour l’entreprise qui est contrôlée – a été le seul moyen à la disposition de l’Administration pour contrôler un CIR.
Aujourd’hui, elle dispose d’outils de vérification plus maniables, comme le contrôle spécifique du CIR ou la simple « demande d’information », qui n’induisent plus un contrôle fiscal général. Ces nouvelles procédures ont un double objectif : limiter les abus en contrôlant davantage d’entreprises bénéficiaires, et rassurer les entreprises qui n’associent plus l’aide publique à un risque accru de contrôle fiscal, au sens général du terme.
L’éligibilité d’une entreprise au dispositif CIR (et/ou CII pour les PME), est du ressort de l’Administration fiscale. C’est elle qui détient la possibilité de valider, ou de redresser, tout ou partie des sommes déclarées. Pour s’assurer de l’éligibilité technique ou scientifique des projets, elle fait appel au ministère de la Recherche pour le CIR, et à la DIRRECTE – qui dépend à la fois du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, et du ministère du travail, de l’emploi et de la santé – pour le CII.
L’arrivée en 2013 du CII en complément du CIR a eu deux incidences notables pour les PME qui déclarent conjointement ces deux crédits d’impôt :
– les interactions complexes entre les Administrations concernées ont rallongé le temps d’expertise pour analyser l’éligibilité des projets et le délai moyen de paiement des sommes sollicitées ;
– l’Administration a développé une tendance, probablement par souci d’économie, à tenter de requalifier des projets éligibles au CIR (valorisés à 30 % des dépenses et non plafonnés) en simples projets éligibles au CII (valorisés à seulement 20 % et plafonnés à 80 k euros par an), alors que les critères d’éligibilité sont clairement différents.
La réunion, instaurée par le gouvernement d’Édouard Philippe, de la Recherche d’une part et de l’Innovation d’autre part au sein d’un même ministère, ouvre la voie, nous l’espérons, à un interlocuteur expert unique lors des contrôles CIR-CII, ce qui pourrait faciliter les communications entre les différents services concernés et raccourcir les délais de paiement aux PME.

CIR-CII : Un dispositif efficace mais perfectible

Le dispositif CIR s’est révélé extrême efficace et il a permis à des milliers d’entreprises d’investir dans des programmes de Recherche. Pour BusinessFrance, la France s’est dotée, avec le CIR, d’un puissant outil fiscal de renforcement de la Recherche sur son territoire. Pour preuve, chaque année, des sociétés du monde entier ouvrent en France des centres de R&D, en profitant à la fois de conditions fiscales intéressantes et de la qualité de formation des ingénieurs français, mondialement reconnue. Le Crédit Impôt Recherche est ainsi devenu une source vitale de financement pour de nombreuses PME, qui représentent le principal socle de création d’emplois qualifiés et pérennes.
De son côté, le dispositif du CII, lancé en 2013, est encore en phase de développement et n’a été mis en œuvre, pour le moment, que par un nombre limité d’entreprises, alors qu’il se révèle pertinent pour de nombreux projets. Des évolutions pourraient être apportées – en particulier l’alignement du taux de calcul du CII (20 % des dépenses) sur celui du CIR (30 %), la mise en place d’un expert technique unique lors des contrôles, et surtout le déplafonnement du CII, à l’instar du CIR.

Des dossiers scientifiques et techniques justificatifs de plus en plus pointus

Année après année, les exigences de l’Administration sur la qualité des dossiers justificatifs deviennent de plus en plus fortes, et bon nombre de dossiers font l’objet, en premier analyse, d’un avis défavorable du Ministère de la Recherche ou de la DIRECCTE, ce qui ouvre la voie à une annulation partielle ou totale de l’aide attribuée à l’entreprise. Il convient de souligner que les sujets sont complexes : pour apprécier l’éligibilité d’un projet au CIR, Il faut avoir à l’esprit que bien au-delà de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée, ce sont surtout les activités de développement expérimental (y compris les développements informatiques originaux et complexes) qui sont éligibles. Concernant le CII, le critère central est celui de la nouveauté du produit développé sur son marché ou, à tout le moins, son amélioration substantielle par rapport aux produits similaires existants sur ce marché.
La difficulté consiste, dans ce contexte, à prouver à l’Administration, grâce à un dossier justificatif très documenté et très détaillé de description des travaux réalisés, que les critères scientifiques ou techniques d’éligibilité sont bien remplis.
Une attention particulière devra être portée à la description de l’état de l’art antérieur aux travaux de R&D, pour ce qui concerne le CIR, et de l’état du marché, pour ce qui concerne le CII.
Il est également à noter que l’Administration exige depuis quelques années une beaucoup plus grande granularité dans la manière dont l’entreprise rendra compte de l’affectation des temps passés par son personnel sur les projets éligibles. Alors qu’une entreprise pouvait se limiter, il y a quelques années encore, à fournir un nombre de jours, par personne et par an, affectés aux projets éligibles, l’Administration exige aujourd’hui que l’entreprise déclarante fournisse une répartition de ce nombre de jours annuel, par projet, par sous-projet, par phase, et même par tâche, doublée d’une répartition mensuelle, et parfois même hebdomadaire de ce temps. Ces matrices de temps, très complexes, qu’on en arrive à devoir produire ont bien entendu pour but de permettre à l’Administration d’apprécier plus finement l’éligibilité d’un projet, mais elles donnent aussi la possibilité à celle-ci, d’une manière parfois assez artificielle, de disqualifier telle ou telle tâche d’un projet, pourtant indissociable de l’ensemble.

Un discours contradictoire, source d’insécurité fiscale pour les entreprises

Au regard du CIR, les chefs d’entreprise sont pris entre le discours enthousiaste des politiques et celui, plus réservé, des fonctionnaires.
D’un côté les gouvernements successifs (depuis l’instauration du CIR en 1983) « pérennisent », voire « sanctuarisent » le dispositif, en font la promotion active, se félicitent de son bilan et, loi de finance après loi de finance, reconduisent, assouplissent et élargissent le CIR, rassurent et séduisent les candidats à ce crédit d’impôt, en font le fer de lance de l’attractivité de la France à l’étranger… et de l’autre côté, l’Administration, faute de réserves dans les caisses de l’État, et très légitimement chargée de veiller à la bonne utilisation des fonds publics, freine des quatre fers : usant d’un discours souvent glaçant, elle décourage les candidats et s’arcboute sur des positions parfois manifestement contraires à l’esprit de la loi, obligeant dans bien des cas les entreprises à faire valoir leur droit au CIR devant les tribunaux administratifs.
Heureusement, le CIR est inscrit dans la loi et, dans un état de droit, celle-ci a toujours le dernier mot : c’est tant mieux car la loi va très clairement dans le sens de l’incitation volontariste à innover, dans un contexte où la compétition économique internationale rend souvent ces aides indispensables à la survie et au développement de bon nombre de PME françaises.

Conclusion

Le CIR, malgré les critiques dont il a pu faire l’objet, s’est révélé être un outil particulièrement efficace pour éviter la fuite des cerveaux et soutenir la R&D en France. Le nombre de chercheurs en entreprise a augmenté fortement dans la population active, de 4,6 pour mille en 2008 à 5,66 pour mille en 2013 selon l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT). Et selon le rapport de l’OFCE, le nombre de ces chercheurs en France devrait, en 2020, être de 25 % supérieur à celui de 2007, année qui a précédé la grande réforme du CIR de 2008.
Complété par des dispositifs plus récents comme le CII et le statut JEI, le CIR permet à la France de se placer dans le peloton de tête des pays innovants.

Larry Perlade

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