Livraison haut de gamme : gérer l’imprévu au pas de course !

Interview de Jérôme Clastre

Frédéric Murat et Jérôme Clastre ont tout juste la vingtaine lorsqu’ils décident de s’associer pour créer Coursier.fr. Deux décennies plus tard, le service de livraison haut de gamme fait partie du trio de tête sur son marché. Pour assurer un taux de service de 100 %, deux mots d’ordre : recruter et innover.

Livrer « au fil de l’eau ».

« Coursier.fr c’est 250 coursiers qui réalisent près de 3 000 courses, exclusivement sur Paris et dans sa première couronne, que nous recevons au fil de l’eau tout au long de la journée », résume son cofondateur, Jérôme Clastre. Avec des commandes qui leur parviennent au compte-gouttes, gérer l’imprévu fait partie de leur quotidien. « Nous disposons d’un standard téléphonique et d’une plateforme vers lesquels convergent les demandes de nos clients qui sont, pour la plupart, prises en charge dans l’heure voire dans la demi-heure qui suit », poursuit-il. Pour revenir au début de l’aventure, nous sommes en 1997 lorsque les deux cofondateurs, Frédéric Murat et Jérôme Clastre, prennent la route de l’entrepreneuriat. « J’avais 21 ans lorsque j’ai exercé pour la première fois le métier de coursier. Avec un ami, j’ai par la suite décidé de m’associer et de monter ma propre structure. » Avant de porter le nom de Coursier.fr, le service de livraison haut de gamme était connu sous celui de « À Vive Allure ». Jérôme Clastre revient sur le choix de cette appellation : « Les recherches se faisaient essentiellement par Minitel et, pour être bien référencé, il fallait posséder un nom d’entreprise commençant par la lettre « A ». » Mais voilà, quelques années plus tard, l’arrivée d’internet bouscule les mœurs. Sur le conseil d’amis hébergeurs de sites web, les deux associés réservent le nom de Coursier.fr.

Un service haut de gamme.

Sacs shoppings, plis (contrats, documents comptables ou juridiques, publicités…) ou encore invitations à des « fashion weeks », lors desquelles entre 30 et 40 000 invitations sont remises en mains propres aux stars parisiennes en l’espace d’une semaine… Autant d’objets dont s’occupe le service de livraison haut de gamme. S’il livre également les particuliers, Coursier.fr cible essentiellement les entreprises, dont 90 % des sièges sociaux de celles clientes sont basés au sein de la Capitale. « Oublier ses clés n’arrive qu’une fois par an alors que les entreprises, elles, ont besoin de nos services dix à quinze fois par jour », explique Jérôme Clastre. Plus précisément, 80 % du chiffre d’affaires du service de livraison, selon lui, découlent des entreprises issues du secteur du luxe et de la mode telles qu’Hermès ou le groupe LVMH. Le retail (commerce de détail, ndlr) constitue d’ailleurs une grande partie de son activité : « S’il manque, par exemple, une paire de chaussures dans un magasin Prada, sachant qu’il y en a une dans une autre boutique située de l’autre côté de l’arrondissement, nous nous chargeons de leur apporter afin que le client puisse repartir avec. » Positionnement haut de gamme oblige, la satisfaction client reste au centre de leurs préoccupations. Un vrai savoir-faire de la livraison premium dont n’hésite pas à se vanter le cofondateur : « Aller dans une boutique, retirer son casque, dire « bonjour », attendre discrètement qu’un vendeur vienne nous remettre un sac et le déposer chez Catherine Deneuve font partie des choses que nous avons apprises. »

Innover, sans cesse.

Grâce à un business model en constante évolution, « notre point fort est de pouvoir proposer à nos clients de nouvelles alternatives de livraison », assure Jérôme Clastre. Alors que la durée d’un produit livré était, au départ, d’au minimum une heure, selon le cofondateur, ils ont, par exemple, eu l’idée de positionner leurs coursiers à des points stratégiques afin de proposer une livraison en trente minutes. « Nous avons été les premiers à le faire ! », s’exclame-t-il. L’innovation demeurant, pour eux, primordiale, ils disposent d’un centre de recherches. Leur principal atout technologique réside d’ailleurs sans doute dans un logiciel : ADAM (Automatic Dispatch And Monitoring System, « Système d’expédition et de surveillance automatique », en français, ndlr). « Grâce à un système de géolocalisation des coursiers, plus de 20 millions de trajets sont répertoriés dans la base de données », explique le cofondateur. De quoi prévoir le temps total nécessaire à chacune des courses et les attribuer en conséquence. « Ce n’est pas le cas des autres sociétés de livraison qui ne travaillent pas avec des algorithmes mais avec des opérateurs », précise-t-il. Bien qu’un outil gère les flux en instantané (soit plusieurs milliards de combinaisons par jour), il incombe au dispatcheur d’attribuer les courses : « nous voulons que ce soit un humain qui travaille avec un humain et non une machine avec un humain. »

Un taux de service de 100 %.

Dénicher les meilleurs talents, les évaluer, les conserver mais aussi les motiver, telle est la baseline de Coursier.fr. Et pour y parvenir, les deux associés misent sur l’identité de la marque : « Il faut que nos collaborateurs soient fiers de travailler chez nous. » Pour accentuer le sentiment d’appartenance à l’entreprise, des codes vestimentaires sont établis. « Une entreprise haut de gamme se définit avant tout par les Hommes qui œuvrent à l’intérieur de celle-ci », rappelle Jérôme Clastre. Au sein de l’entreprise, on ne trouve ni artisans, ni sous-traitants, l’ensemble de ses coursiers travaillent en CDI (Contrat à Durée Indéterminée, ndlr). Un peu à la manière d’un service de conciergerie, celui de livraison reste ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Grâce à ce fonctionnement, ils peuvent assurer un taux de service de 100 %. « Quand un client nous appelle, nous prenons systématiquement sa commande et la réalisons, ce qui nous permet de travailler avec des acteurs exigeants tels que des entreprises du luxe, de la mode mais aussi des services bancaires », explique le cofondateur. Mais pour répondre à cette demande, ils ne peuvent le faire qu’avec un nombre d’employés suffisamment élevé : « Cette manière de fonctionner nécessite un sureffectif. » Une problématique qui implique de savoir bien recruter.

Recruter sans limite.

« Nous avons beaucoup plus de mal à dénicher des coursiers qu’à trouver des clients », lance Jérôme Clastre. Issue d’un métier spécifique, la main d’œuvre sur Paris s’avère, selon lui, difficile à recruter. Pour attirer de nouvelles recrues, ils mettent alors en avant la marque entreprise au même titre que le bien-être de leurs collaborateurs. Ayant la réputation de proposer à ses salariés des conditions de travail particulièrement confortables, Coursier.fr instaure avec eux des relations privilégiées. « Nous essayons de leur apporter la complémentaire santé, des encadrements, des évolutions en interne… Nous restons, pour ainsi dire, très proches de nos employés », affirme le cofondateur. Pour agrandir son réseau de coursiers, le service de livraison mise ainsi sur le bouche-à-oreille et recrute en permanence. « Demain, vous me trouvez un coursier, je le prends et le forme sans problème ! », lance Jérôme Clastre avec enthousiasme, avant de poursuivre : « Nous ne prenons des clients que si nous avons suffisamment de coursiers, et non l’inverse. » Pas de limites au recrutement donc.

Une politique éco-responsable.

Certifiée ISO 14001, Coursier.fr adopte une politique éco-responsable : « La certification nous amène à réduire nos émissions de dioxyde de carbone, que ce soit par le zéro papier, le lavage des véhicules, les types de motorisation ou même les modes de transport. » Grand gagnant d’un appel à projet, ils collaborent, à ce propos, avec la Mairie de Paris, qui laisse à leur disposition des ELU (Emplacements Logistiques Urbains). « Ces petits entrepôts nous permettent d’y déposer une grande partie de la marchandise à l’aide d’un seul gros véhicule pour ensuite la trier et livrer par simples vélos ou vélos cargos », détaille Jérôme Clastre. C’est ce que nous appelons le « cross-docking ». Un procédé qui présente, lui aussi, l’avantage de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Toujours dans cette logique d’éco-responsabilité, la migration de leur flotte de véhicules est en cours. Progressivement, ils restituent, d’après le cofondateur, leurs fourgons afin de les remplacer par ces fameux vélos cargos (en partenariat avec Douze-Cycles, ndlr). Possédant déjà une quinzaine de modèles, ils visent la trentaine voire la cinquantaine d’ici fin 2018. De quoi résoudre également les problèmes de circulation, de frais liés à l’essence, de PV mais surtout, augmenter la productivité, si nous en croyons Jérôme Clastre : « Une voiture réalise, en moyenne, douze courses par jour, contre une vingtaine en vélo. »

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