Véhicule de société : quel est le prix pour motiver les troupes ?

Par Pierre-Yves Lagarde Conseil en rémunération Directeur associé Arche Expertise Chargé d'enseignement auprès de l'université Paris-Dauphine, l'AUREP et l'ESCP-EAP

Le véhicule de société est un incontournable des stratégies de rémunération globale. Pas forcément parce qu’il se révèle attractif, au terme des calculs comparatifs, mais en raison de sa haute charge symbolique. Il s’agit, pour le praticien du conseil en rémunération, d’un périphérique au salaire particulièrement difficile à valoriser. Le calcul d’équivalence, permettant de comparer l’attribution d’un véhicule de fonction avec une augmentation de salaire suppose un chaînage complexe.

C’est pourquoi le véhicule de société peut très facilement devenir un avantage acquis et démonétisé. Dans ce cas, c’est au pire moment qu’il retrouve une valeur, parfois fantasmée : quand l’entreprise décide sa suppression. Pour disposer d’une évaluation objective de l’avantage voiture, nous allons distinguer deux cas : le cadre, pour lequel l’entreprise voudra déterminer un équivalent salaire, et le dirigeant possédant, qui cherchera à réduire les charges pesant sur sa société.

Le coût d’un véhicule pour l’entreprise

En premier lieu, comme le particulier, l’entreprise assume ce que nous appelons les coûts directs : l’achat ou la location, la carte grise et les coûts d’exploitation (assurance, carburant et entretien). Pour illustrer ce premier poste de charges, nous allons considérer trois véhicules, d’entrée, milieu et haut de gamme. Aux coûts directs, il convient ensuite d’ajouter les coûts indirects, réservés aux véhicules de société. Ils proviennent de quatre sources : la taxe sur les véhicules de société, l’impôt société sur les coûts non déductibles, la taxe professionnelle et les charges sociales patronales dues sur le montant de l’avantage en nature.Ces calculs, comme vous pouvez le constater, démontrent l’augmentation très significative des coûts indirects, notamment après la loi de finances 2006. Un véhicule haut de gamme déclenche des coûts indirects d’environ 80 % des coûts directs !

Modes de calculs des coûts indirects

La taxe sur les véhicules de société

Pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception communautaire, dont la première mise en circulation intervient à compter du 1er juin 2004, et qui n’étaient pas possédés ou utilisés par l’entreprise avant le 1er janvier 2006, le tarif de la taxe sur les véhicules de société est désormais basé sur un barème écologique. Il est calculé en fonction du taux d’émission de dioxyde de carbone, en gramme par kilomètre.

L’impôt société

Il procède de deux types de charges non déductibles. La taxe sur les véhicules de société et une quote-part de l’amortissement ou du loyer. Dans son intégralité, la taxe sur les véhicules est non déductible. Ainsi, une taxe de 4.500 euros provoque en fait un coût annuel de 6.000 euros pour l’entreprise (4.500 + 1/3 d’impôt société). Concernant la déduction de l’amortissement du véhicule, nous devons distinguer le véhicule dont le taux d’émission de dioxyde de carbone excède 200 grammes par kilomètre. La fraction déductible du prix d’acquisition est alors ramenée à 9.900 euros. Sinon, l’amortissement reste déductible pour la fraction du prix d’acquisition n’excédant pas 18.300 euros.

La taxe professionnelle

La taxe professionnelle est calculée sur la valeur locative du véhicule. Notons qu’elle est basée sur la valeur à neuf, toutes taxes comprises. Un véhicule vieux de trois ans, ayant parcouru 100.000 kilomètres subit la taxe professionnelle sur sa valeur du premier jour d’exploitation.

Les charges sociales patronales

L’utilisation privative du véhicule de société doit occasionner un avantage en nature. Son évaluation pourra être opérée au réel ou au forfait. L’évaluation au réel comprend, au prorata du kilométrage privé, l’amortissement du prix d’achat public TTC sur 5 ans (ou le coût de location), l’assurance, les frais d’entretien, voire le carburant. Sur le montant de l’avantage en nature ainsi calculé, l’entreprise devra acquitter les charges sociales. L’évaluation au réel confronte à la difficulté de la preuve : comment justifier du kilométrage privé ? L’entreprise peut sécuriser son dispositif en utilisant l’évaluation au forfait. Lorsque le véhicule a moins de 5 ans et que l’employeur prend en charge le carburant, le forfait est égal à 12 % du prix d’achat TTC, ou 40 % du coût global annuel de la location, de l’assurance et de l’entretien.

Calcul de l’équivalent salaire

L’attribution d’un véhicule de fonction se traduit d’abord par une perte de revenu immédiat pour le salarié. L’avantage en nature lui coûte deux prélèvements supplémentaires : les charges sociales salariales et l’impôt sur le revenu. Mais le salarié bénéficie de deux gains. D’abord, les charges sociales déclenchées par l’avantage en nature lui permettent d’acheter des droits retraite supplémentaires. Ensuite, l’utilisation privative du véhicule de société lui évite de devoir financer un véhicule personnel.

Le gain global offert au salarié est donc égal à la somme de ces deux gains, diminuée de la perte de revenu immédiat. L’équivalent salaire du véhicule de fonction devient le salaire brut permettant de générer le même gain global. Quand le gain global s’élève à 10.345, son équivalent salaire est égal à 14.382 euros. Un salaire brut de 14.382 euros distribue en effet au salarié un gain global équivalent à celui de l’avantage voiture. En considérant un taux de charges sociales de 22 %, dont la CSG et la CRDS, et un taux d’impôt sur le revenu de 30 %, nous aboutissons aux résultats suivants, en reprenant nos trois types de véhicule et en faisant varier le nombre des kilomètres privés.

Comparaison entre véhicule de fonction et véhicule privé + indemnités kilométriques

Cette problématique vise particulièrement le dirigeant possédant qui va comparer les stratégies de rémunération possibles en fonction de leur dépense globale pour la société. Nous traitons ici l’exemple du véhicule haut de gamme. Ses conditions d’utilisation sont les suivantes : 30.000 kilomètres par an, dont 5.000 relèvent de la vie privée. Nous considérons que le véhicule est financé à crédit, au taux de 5 % sur 48 mois.

Nous considérons dans notre comparaison que l’entreprise est éligible à l’exonération de taxe sur les véhicules de société sur le remboursement des indemnités kilométriques, dans la limite de 15.000 euros. Le salaire brut annuel du dirigeant s’élève à 100.000 euros. L’option véhicule de fonction est comparée à celle d’un véhicule personnel, donnant lieu au paiement d’indemnités kilométriques relatives au kilométrage professionnel parcouru.

Dans notre exemple, l’option véhicule de société coûte 10.000 euros par an à l’entreprise. Sur les quatre années d’exploitation du véhicule, ce sont 40.000 euros qui sont perdus. De ce cas particulier, nous pouvons tirer une conclusion paradoxale : moins l’exercice des fonctions exige d’accomplir des kilomètres professionnels, plus on a intérêt à opter pour un véhicule de fonction. Il s’agit de la conséquence du poids quasi confiscatoire des coûts indirects.

Le véhicule de fonction affiche cependant deux atouts qui dépassent sa stricte équation calculatoire. Il est doté d’une incontestable force managériale, efficace pour recruter et fidéliser. Ceci, même quand le montant de l’équivalent salaire reste un peu flou. Il offre enfin un vrai confort de gestion. Pas de décompte laborieux des indemnités kilométriques à opérer, pas de trésorerie personnelle à engager.

Reste, pour chaque cas particulier, à vérifier que le prix de ce confort ne se révèle pas fiscalement et socialement exorbitant.

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