« Transformer la vie collective », l’objectif d’un entrepreneur engagé

Jean-François BENSAHEL, Président de DSOgroup

À 54 ans, Jean-François BENSAHEL, Président de DSOgroup, société de service spécialisée en relation financière client, souhaite donner du sens à la vie collective en mettant la relation au cœur de son projet d’entreprise. Le serial entrepreneur, qui prévoit de doubler la croissance du groupe d’ici à 2020, partage avec nous sa passion de bâtir. Rencontre. 

Qu’avez-vous fait avant de reprendre DSOgroup ?

Normalien, agrégé de mathématiques, diplômé de Sciences-po et ingénieur des Mines, j’ai occupé naturellement un premier poste en tant que chargé de mission dans l’Administration. J’ai toujours été animé par le sens de l’Etat mais la joie de bâtir a été plus forte. Il est devenu rapidement évident que ma voie était celle de l’entrepreneuriat. Et cela a été l’un de mes plus grands challenges : devenir autodidacte à 26 ans. Toutes les sociétés que j’ai lancées possèdent un point commun : développer de la technologie pour les fonctions horizontales des entreprises. J’ai commencé dans le domaine de l’environnement, puis dans celui de la biotechnologie, de la comptabilité et, aujourd’hui, nous accompagnons les directions de la fonction finance et de la relation client.

Pourquoi avoir privilégié une reprise d’entreprise ? Et pourquoi votre choix s’est-il porté sur DSOgroup en 2003 ?

J’avais déjà lancé trois entreprises. À 40 ans, j’ai eu envie de m’essayer à un autre type d’aventure en reprenant une société. Le concept de Convergence, devenue DSO Interactive puis DSOgroup, m’a tout de suite séduit et j’étais convaincu de son potentiel. D’ailleurs, les chiffres ne trompent pas. DSOgroup est passé d’un chiffre d’affaires de 200 000 euros à plus de 66 millions d’euros actuellement. C’est de loin ma plus belle aventure d’entrepreneur. J’y développe mon fil conducteur, la technologie au service des directions de la fonction finance ou de la relation client. Mais la vraie valeur ajoutée, et ce qui est le plus passionnant dans le métier de la relation financière client, c’est la notion de relation. Digitaliser une partie de la relation financière client ne signifie pas la déshumaniser. Au contraire, à nous d’innover au quotidien pour créer une relation client augmentée. Autrement dit, réintroduire l’humain dans la technologie et faire de chaque relation qu’entretient une entreprise avec son client, une relation unique.

Comment vous y êtes-vous pris pour le développement ?

Lorsque j’ai repris l’activité, nous étions sept. À présent, nous sommes plus de 800. J’ai procédé étape par étape. Nous avons déjà réinventé plusieurs fois l’entreprise, notamment après la crise de 2008, étoffé nos métiers, et nous continuons à nous réinventer chaque jour. Le principal enjeu pour une ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire, ndlr) est de savoir s’entourer de talents et surtout de savoir les fidéliser, et ce à tous les niveaux de l’entreprise.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez fait face ?

Nous sommes dans un cycle d’hyper-croissance avec la nécessité de beaucoup recruter, ce qui n’est pas toujours facile dans une entreprise intermédiaire. Chez DSO, il n’y a pas de profil type, nous recherchons des personnalités. Un CV renseigne sur les expertises et la formation mais il révèle très peu voire pas du tout l’expérience de vie. Or, c’est ce qui nous intéresse. Les processus peuvent donc être parfois un peu longs. Et je consacre, personnellement, énormément de temps au recrutement. Pour le reste, heureusement jusqu’à présent, nous sommes quasiment uniquement confrontés à des problématiques de croissance. Nous avons également la chance d’avoir toujours pu compter sur le soutien de nos actionnaires et, depuis quelques années, sur celui des banques.

Quelle serait, à l’inverse, votre plus grande force ?

Sans aucun doute, nos équipes. C’est parce que nos équipes constituent notre principale force que c’est aussi notre principal enjeu. On ne peut pas aborder le métier de la relation client, et plus particulièrement dans sa dimension financière, sans collaborateurs de grande qualité qui possèdent une réelle expertise : à la fois métier : conseil, relance, IT… et qui ont une connaissance intime des secteurs clients pour lesquels ils travaillent : industrie, téléphonie, transport / utilities…, mais aussi de grandes qualités humaines voire hors-normes pour les agents de relance. Ils doivent à la fois savoir faire preuve d’écoute, d’empathie, de bienveillance mais aussi posséder le sens aigu de la négociation, savoir anticiper les comportements des clients, allier méthode et créativité… Enfin, une autre force, c’est l’état d’esprit de DSOgroup : être raisonnablement impertinent.

Face à cette hyper-croissance, votre vision du management a-t-elle évolué par rapport à celle du début ?

Oui, elle n’a plus rien à voir ! Depuis deux ans, nous avons fondé notre projet d’entreprise sur cinq convictions qui sont importantes pour notre entreprise, pour chacun de nos collaborateurs et pour lesquelles nous voulons vraiment nous battre. Ce sont d’ailleurs nos collaborateurs qui ont déterminé ces cinq convictions. Il s’agit de l’ambition, de l’innovation, de l’agilité, de la confiance et de la bienveillance. Notre logique de management est basée sur ces cinq éléments. Chaque manager doit pouvoir les porter, les animer et créer les conditions pour que chacun puisse se les approprier. Par exemple, nos managers sont évalués chaque année par leur équipe sur leur capacité à les incarner. Aujourd’hui, nous faisons en sorte d’installer une relation juste et de confiance à tous les niveaux. Nous veillons à ce que le management soit le plus accessible possible et que tout sentiment de peur soit totalement annihilé. Je suis très attentif au respect de ce dernier point : il faut des relations d’égalité et de responsabilité dans le travail. Nous sommes tous responsables les uns des autres.

Quelles sont les valeurs que véhicule votre entreprise ?

Les valeurs ne représentent que des mots. Chez DSO, nous préférons parler de convictions afin qu’elles puissent se traduire au quotidien en actions concrètes comme nous venons de le voir. En résumé, toujours s’assurer qu’il y a là une relation franche, de confiance et responsable.

L’échec est-il une façon d’avancer et d’apprendre, selon vous ?

Évidemment. On apprend de soi que lorsqu’on échoue. Grâce à cela, on mesure ses capacités et ses incapacités. L’échec est expérimental. Grâce à lui, on grandit et on devient meilleur. On a tous connu des échecs mais, moi, ce qui m’intéresse, c’est la manière dont on les transforme et notre capacité de résilience. L’essentiel demeure la façon dont on l’a surmonté. Je ne crois d’ailleurs pas qu’il puisse exister des personnes qui n’ont connu que des réussites. Être entrepreneur, c’est monter sur un ring. Ce qui revient donc, malheureusement, à prendre des coups et parfois à en donner.

Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie personnelle ?

Je dors peu… Un exercice difficile et un combat constant. J’ai la chance de disposer d’une bonne équipe, composée de collaborateurs très efficaces, d’un comité de direction et de managers de premier niveau. Cela me permet de réussir à prendre un peu de temps pour moi. Mes journées restent longues mais je pratique une activité, ce qui me permet de ne pas trop sentir la fatigue : j’aime nager. C’est une nécessité biologique.

Qu’est-ce qui vous passionne dans la vie ?

Ma passion demeure d’essayer de transformer la vie collective. Les organisations sont souvent construites sur le principe que la vie s’arrête là où l’entreprise commence. Or, il n’y a pas d’opposition. Nous ne devrions pas être un autre quand nous arrivons au travail. Nous devrions pouvoir nous nourrir de la vie que nous apporte le travail et inversement. À notre échelle, j’essaie d’introduire de la vie dans l’entreprise. J’aime faire découvrir aux équipes des choses qu’ils ne connaîtraient pas ailleurs. Nous mettons donc en place un certain nombre de manifestations culturelles comme des sorties à l’opéra ou au théâtre. Nous venons également de créer une salle de conférences dans nos locaux afin d’y recevoir des écrivains, des intellectuels, des artistes… Nous devons avoir le souci de l’autre, contribuer à l’intérêt général et ancrer notre empreinte dans l’espace social. C’est pourquoi, nous nous investissons en faveur de l’art et de la culture pour les faire partager au plus grand nombre de nos collaborateurs. On accompagne aussi les talents citoyens en soutenant l’Institut de l’Engagement et nous avons le projet de valoriser et soutenir financièrement les projets caritatifs de nos collaborateurs. Développer ces initiatives permet de leur faire prendre conscience de leur responsabilité en tant que citoyens engagés. Et en cherchant à leur offrir une vie meilleure, les entrepreneurs forment le moteur de la transformation de la vie collective.

Quelle est votre plus grande source de motivation ?

Le souci de l’autre, la joie de bâtir et le temps. Ma devise : le grand art du dirigeant, c’est sa capacité à sculpter le temps.

Êtes-vous fier de ce que représente l’entrepreneuriat ?

En tant qu’entrepreneur, je crois qu’aujourd’hui plus que jamais, nous avons la capacité de rendre la société un peu meilleure. Pas seulement au sens où l’on s’apparente à des producteurs de richesses mais au sens où l’on peut penser nos relations avec l’ensemble de nos collaborateurs sur un mode différent de celui dont elles ont été pensées par le passé. Mon obsession reste d’agrandir le choix qui leur est offert. On peut réinventer les modes de management et repenser les relations interpersonnelles. Le relationnel constitue LE moment important, présent, que l’on vit.

5 conseils de jean-françois bensahel

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