Suivre le secteur des crèches privées

Depuis l’ouverture du secteur aux entreprises en 2003, les crèches privées connaissent un fort développement sur le territoire français. En prenant place dans un domaine traditionnellement géré par les collectivités locales et le milieu associatif, ces nouveaux acteurs ont su en quelques années dynamiser un marché où la demande ne tarit pas. Présentation des grands enjeux économiques de ce secteur en pleine mutation.

Chiffres clés.

Avec 835 000 naissances par an et plus de 80 % de mères de famille actives, la France est l’un des pays européens où la demande de places en crèche est la plus forte. En l’espace d’une décennie, le secteur privé s’est développé pour compter aujourd’hui 900 établissements, soit 30 000 places environ. Ce chiffre ne représente cependant que 10 % de la capacité d’accueil totale au sein du territoire, le parc français étant majoritairement réparti entre les structures publiques (70 %) et associatives (20 %). Le marché demeure éclaté avec près de 300 sociétés privées existantes, pour la plupaart de petite taille. L’économie du secteur se concentre quant à elle autour de six acteurs phares (Babilou, Les Petits Chaperons Rouges, People & Baby, Crèche Attitude, La Maison Bleue et Crèches de France), qui génèrent 80 % du chiffre d’affaires. Depuis 2013, 10 000 places en crèche ont été créées chaque année, dont 4 000 par des établissements privés. Plus du tiers de l’offre nationale en matière de places se situe en Île-de-France. Le secteur a de beaux jours devant lui, les crèches privées affichant en moyenne 5 % de rentabilité nette. S’ajoute à cela un véritable besoin en infrastructures : on estime qu’il manque à l’heure actuelle entre 300 000 et 500 000 places pour satisfaire la demande.

Un marché en expansion.

En ouvrant le marché de l’accueil de la petite enfance aux entreprises en 2003, les pouvoirs publics ont cherché à répondre à la demande croissante, que ni les collectivités ni les associations n’étaient plus en mesure d’assumer. Trois ans après cette révolution, les crèches privées comptaient un millier de places, puis 8 000 en 2009 et 20 000 en 2012. Cette croissance effrénée, de l’ordre de 35 %, a été marquée par l’éclosion de multiples établissements tant en province qu’en région parisienne (où une nouvelle crèche privée sur deux ouvre ses portes). Le dynamisme du marché est assuré par le déséquilibre toujours patent entre l’offre et la demande. Avec l’appui de l’État (crédit d’impôt pour les entreprises et coûts de fonctionnement en partie amortis par les Caisses d’allocations familiales), les crèches privées ont ainsi pu profiter du fort potentiel de développement du secteur. Soumises aux mêmes normes que les établissemenats publics, elles sont parvenues à séduire les parents en pratiquant une grille tarifaire sensiblement identique. Réactivité et innovation expliquent ce succès, quatre mois à peine étant nécessaires pour ériger une nouvelle crèche. Le marché n’est pas prêt de s’essouffler encore : pour la période 2013-2016, la Convention d’objectifs et de gestion a demandé la création de 100 000 places supplémentaires, dont 20 000 pourraient être prises en charge par le secteur privé.

L’émergence d’entreprises leaders.

La conjoncture favorable a permis aux entreprises de crèches privées de prospérer. Plusieurs grands groupes se sont taillés la part du lion, comme l’a démontré l’étude « Le marché des crèches en France » réalisée par le cabinet Eurostaf en 2012. Celle-ci fait état de l’approche toujours plus professionnalisée du secteur, caractérisée par l’accroissement du réseau des principales sociétés. Des investissements massifs leur ont assuré un développement rapide à l’échelle nationale, une stratégie qui a propulsé le groupe Babilou au rang de numéro 1 du secteur. Autre entreprise pionnière, Les Petits Chaperons Rouges a privilégié une gestion rigoureuse et une croissance organique, avec succès là encore. Un modèle différent, celui de la franchise, est défendu par le groupe La Part de Rêve, alors que Crèche Attitude mise sur le partenariat avec les plateformes de réservation (rachat de BBbook en 2015). Ces entreprises sont devenues de véritables puissances financières, alliant solidité de leur projet pédagogique et optimisation du taux de remplissage. Les deux sociétés leaders, Babilou et Les Petits Chaperons Rouges, dépassent déjà les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Depuis 2013, plusieurs fonds d’investissements comme Alpha, Cobepa ou encore SG Capital Partners ont également fait leur apparition dans le capital des principales entreprises.

Limites et perspectives du secteur.

Si les crèches privées constituent toujours un domaine dynamique, eu égard à la demande renouvelée, elles rencontrent néanmoins certaines difficultés qui les empêchent de rattraper leur retard par rapport aux infrastructures publiques et associatives. Une problématique de taille se pose à elles avec insistance : comment assurer la création de nouvelles places en crèche alors que le marché manque de personnel encadrant ? Il apparaît de plus en plus difficile pour les entreprises de trouver des professionnels qualifiés en nombre suffisant. Ce problème pourrait être solutionné avec le soutien des pouvoirs publics. Les grandes entreprises du secteur militent en effet pour la revalorisation du statut des CAP petite enfance, et la création d’un CAP bonifié qui faciliterait les recrutements. Les entreprises doivent aussi faire face à de nouveaux enjeux mis en exergue par le cabinet Les Echos Etudes. Une consolidation du marché est attendue pour les prochaines années, passant notamment par le renforcement des réseaux existants. Avec la rentabilité d’exploitation comme point d’orgue, il est à redouter cependant que cette organisation à flux tendu se fasse au détriment des enfants. Une différenciation de l’offre devrait enfin voir le jour, autour de concepts innovants (crèches musicales) ou de services spécialisés (accueil occasionnel ou d’urgence, « microcrèches » pour foyers aisés).

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